J’avais promis que sur ce blog, on parlerait gemmologie. Donc diamants. Donc gemmes.
Je profite donc de la semaine des ventes genevoises que sera la semaine prochaine pour m’attarder sur des pièces gemmologiques qui seront proposées à la vente. Si Christies propose dans sa vente quelques magnifiques diamants, la maison Sotheby’s n’est pas en reste. J’ai ainsi sélectionné une dizaine de lots qui n’ont d’attrait que par la ou les pierres qui les composent. On regarde ça !
Ce très beau saphir est le lot 445 de la vente. Il pèse 121 carats et c’est une taille ovale classique. Il est accompagné de deux rapports d’expertises. Le premier vient du Gübelin et le deuxième de la SSEF. Ces deux documents arrivent aux mêmes conclusions et attestent que cette pierre est d’origine Birmane et qu’elle ne présente autant traitement. Sa couleur est donc parfaitement naturelle. Le document annexe du Gübelin précise que cette pierre présente une couleur vive, riche et particulièrement homogène. Cela se combine à un grande transparence de la gemme additionnée à une taille idéale pour une gemme de cette qualité. C’est l’ensemble de ces raisons qui font d’elle une pierre exceptionnelle. Elle est estimée entre 1,3 et 1,8 millions de dollars. Photo : Sotheby’s
Le lot 492 est une bague en platine pesant environ 8 grammes et sertie de deux diamants et d’un centre saphir. Si les deux diamants pèsent à eux deux environ 1,40 carats, c’est surtout sur la pierre de centre que se porte l’intérêt pour cette pièce. Ce saphir taille coussin pesant 10,96 carats est certifié par les laboratoires Gübelin et SSEF, respectivement sous les N°13067099 et N°68900. Il en ressort que cette pierre, originaire du Cachemire et non traitée présente une couleur parfaitement naturelle. Les deux laboratoires parlent d’une saturation quasi parfaite pour la couleur de cette gemme et notent de petites inclusions solides dans sa structure, inclusions typiques des pierres cachemiris. Ce saphir est estimé entre 1,2 et 1,6 millions de dollars. Photo : Sotheby’s
Le lot 439 est un diamant avec une taille dite « à degrés ». C’est une pierre certifiée par le GIA sous le N°5151695705 indiquant qu’il est d’une couleur gris-noir avec des nuances jaunes-vertes soit « Fancy dark gray-yellowish green ». Il est mentionné en outre que cette couleur est parfaitement naturelle et très rare. Il pèse 63,83 carats. La lettre (datée du 3 octobre 2013) qui accompagne le rapport d’expertise précise qu’une étonnante inclusion est visible à l’œil nu et qu’elle est observable dans de bonnes conditions depuis le pavillon (facettes qui partent de la culasse vers le rondiste). Cette inclusion hexagonale est en fait un nuage de micro inclusions incluant de l’hydrogène. C’est une chose particulièrement rare à observer et le positionnement de celle-ci par le diamantaire sous la table joue grandement sur l’apparence nuageuse de la pierre. Et c’est une réussite. Ou comment tirer profit d’un « défaut ». Ce diamant est estimé entre 450.000 et 700.000 dollars. Photo : Sotheby’s
Le lot 470A est une bague sertie d’un diamant rose naturel avec une couleur très lumineuse pesant 2.06 carats et certifié par le GIA sous le N°1152496144. Sa couleur est annoncée comme « Fancy vivid purplish pink » et il est gradé VS2 pour la présence de petites inclusions. Il est estimé entre 1,4 et 2 millions de dollars. Photo : Sotheby’s
Le lot 461 est une bague en platine sertie de deux diamants pesant environ 3 carats pour la paire. Les diamants ne sont ici, comme pour la bague centre saphir présentée au début de l’article, qu’une excuse à la pierre de centre. Il faut se concentrer sur le rubis. Il pèse 12,46 carats et présente une taille coussin décalée. Je m’explique, il arrive souvent que pour ne pas perdre de volume sur un brut d’une excellente qualité, le lapidaire prenne la décision de décaler la taille et de ne pas jouer sur la régularité prévue. Cela permet de garder un maximum du brut de départ et donc d’obtenir une pierre plus grosse. Cela permet aussi de conserver la couleur. Aurait-on eu une pierre avec plus de valeur si elle avait été plus petite ? Rien n’est moins sûr. Le choix du lapidaire est guidé aussi par sa connaissance des bruts qu’il taille à longueur de journée.
Cette pierre est accompagnée de deux rapports signés par le Gübelin sous le N° 1003105 et la SSEF sous le N°74442. Ils attestent que cette pierre est d’origine Birmane et qu’elle est non traitée. Sa couleur est donc parfaitement naturelle. La lettre de la SSEF attire l’attention sur l’extrême rareté que représente une pierre de ce type. Ainsi, l’estimation est à la hauteur de cette gemme, puisqu’elle est évaluée entre 2,8 et 4,8 millions de dollars. Photo : Sotheby’s
J’ajoute qu’en raison de l’embargo américain sur certains produit Birmans, cette pierre ne pourra pas être importée aux USA.
Le lot 526 est une bague dite « Toi et moi » en platine. Encore une fois ce qui fait l’attrait de cette monture moderne, ce sont deux diamants bleus taille poires qui composent le centre de cette pièce. Ces deux pierres sont certifiées par le GIA sous les numéros 5151866047 et 5151866035. La première pierre pèse 2,83 carat, elle est d’une couleur bleue intense soit « Fancy intense blue color » et elle est gradée VVS1 pour la présence de très très petites inclusions. La couleur est naturelle. La deuxième pierre pèse 3,08 carats, elle est d’une couleur bleue un peu plus vive soit « Fancy vivid blue color » et elle est gradée VVS1 comme sa voisine. Encore un fois, la couleur est certifiée naturelle.
Précision importante apportée par le GIA qui annonce dans une lettre accompagnant les deux rapports qu’un repolissage des pierres supprimerait des petits défauts visibles et rendrait les pierres « Internally flawless » soit avec la gradation au-dessus du VVS, ce qui augmenterait la valeur.
L’estimation pour cette paire de diamants bleus se situe entre 4 et 7 millions de dollars. Photo : Sotheby’s
Le lot 504 est le « Victory diamond ». Une pierre quasi parfaite de 31,34 carat actuellement sertie sur une monture en platine. Ce diamant certifié par le GIA sous le numéro 5151960000 est gradé comme D (la meilleure gradation de couleur pour un diamant) et VVS2 pour la présence d’inclusions minimes. L’analyse le définit de type IIA, soit sans azote dans sa structure. Enfin, la lettre qui accompagne le rapport précise qu’un repolissage de la pierre augmentera sa gradation à IF (internally flawless) et donc sa valeur. Photo : Sotheby’s.
Alors, si je m’attarde un peu sur cette pierre, c’est parce qu’elle a une histoire que je me doit de vous raconter. Ce diamant est découvert le 6 janvier 1945 en Sierra-Leone par la compagnie Sierra-Leone Selection Trust lmtd dans la rivière Woyie. La fin des années 40 marque la découverte de plusieurs pierres importante sur ce territoire, dont « The Woyie diamond » qui pèse 770 carats. C’était le troisième plus gros diamant jamais trouvé en Afrique et c’était le plus important découvert dans un gisement de type alluvionnaire. Il faudra attendra 35 ans pour que l’on découvre le « Star of Sierra-Leone » qui pesait, brut, 968,9 carats. Mais revenons à notre pierre.
La « Diamond Company » l’achète et le présente à des clients prestigieux tels que la reine Mary en octobre 1947. Jusqu’en 1949, il est régulièrement présenté et en 1953, la maison Briefel and Lemer est mandatée pour le tailler. C’est Sidney Briefel qui dirige les opérations de clivage et de taille. En résulte trente pierres pour un total de 282,36 carats. Parmi les pierres issues du brut, le « Victory diamond » de 31,34 carats. Il fut nommé en l’honneur de la victoire des Alliés en raison de sa découverte quelques mois seulement avec la capitulation allemande.
Le diamant rentre en possession de Florence Jay Gould quand il lui est offert par son deuxième mari Franck Jay Gould. Je ne rentrerai pas les détails de la vie de Mme Jay Gould, mais il faut savoir qu’elle devint richissime en rentrant dans cette famille. Installée en France avec son époux, elle fréquentait la meilleure société française comme américaine. Grande collectionneuse d’art mais aussi de bijoux, ce fut pour elle que Charles Arpels créa la première Minaudière. En 1983, à la suite de son décès, le diamant est vendu lors de la dispersion de sa collection de bijoux.
Il réapparait aujourd’hui et il est estimé entre 5 et 8 millions de dollars.
Je termine avec le lot 507, la pièce maitresse de cette vente. C’est un bague signée de la maison Graff sertie d’un diamant jaune de 100,09 carats. Certifié par le GIA sous le numéro 15142095 qui précise qu’il est d’une couleur jaune très vive soit « Fancy vivid yellow color », qu’elle est naturelle. Enfin il est gradé VS2 pour la présence de petites inclusions.
Précisons que c’est l’un des plus importants diamants jaunes jamais découvert. Il est estimé entre 15 et 25 millions de dollars. Photo : Sotheby’s.
À bientôt !