Karl Mazlo, inventeur joaillier

Mar 13, 2019

Chez les Mazlo, le travail du métal est une évidence. C’est même dans les gènes. La joaillerie fait partie d’eux et ils lui rendent quotidiennement un bien bel hommage aux travers de leurs créations respectives. Les Mazlo, c’est aussi un nom presque devenu commun sur le site car il y a le père – Robert – dont je vous parle régulièrement au travers de la galerie éponyme que j’aime tant ; il y a Max – son premier fils-, joaillier et designer 3D dont vous pouvez retrouver le portrait mais également la belle interview de Claire Fillet au travers du podcast « Rubis sur Canapé » ; et puis, il y a Karl, le petit-frère de Max, joaillier, inventeur, concepteur, qui insuffle toute sa douceur et sa passion du pays du Soleil Levant dans ses créations d’une folle poésie. C’est lui que je vous propose de rencontrer.

karl mazlo

Karl Mazlo dans son atelier de Paris. Photo : Karl Mazlo

karl mazlo

Bague en or jaune et acier damassé. Photo : Karl Mazlo

La première fois que j’ai enfin rencontré Karl Mazlo, c’était à la Galerie des Blancs Manteaux où il exposait ses réalisations dans le cadre de l’exposition « Savoir-faire des Takumi », un événement célébrant une résidence d’artistes français au Japon et plus précisément à Kyoto. Ce soir-là, les pièces étaient remarquables. Lui-même revenait de ce pays qui inspire une grande partie de son travail et nous avons convenu de nous revoir pour qu’il me parle de son parcours, de son travail et pourquoi il a choisit la métal comme son médium d’expression. Une rencontre menée tambour-battant aux Ateliers de Paris où Karl est encore installé pour quelques mois.

karlo mazlo

Deux bagues en or et diamants. Photo : Karl Mazlo

Si la joaillerie fait partie de la vie de Karl depuis l’enfance, il officialise sa relation avec elle aux débuts des années 2000 quand il intègre le Lycée Nicolas Flamel (École Boulle) où il prépare puis obtient respectivement son CAP Art du Bijou et du Joyau puis son BMA. Il enchaine sur un CAP de sertissage et s’inscrit en cours du soir pour s’initier à la gravure et à la ciselure. Il va alors intégrer l’Atelier Jean Christophe où il va rester une année et demi. Ensuite vient le temps de rejoindre l’atelier familial pour seconder son père. Il y restera sept ans.

Karl Mazlo

Bague en or jaune, diamants et acier damassé. Photo : Karl Mazlo

Reste une interrogation, pourquoi le Japon ? « Je suis passionné par ce pays depuis que je suis enfant. Au départ c’était à cause des motos. Puis je me suis pris de passion pour les samouraïs, les codes d’honneur que l’on retrouve dans la préservation et la transmission des savoir-faire. Et cette notion de respect, la façon dont il mélange le moderne et le traditionnel et enfin leur facilité à aller vers les technologies de pointe sans renier leur culture et toutes les traditions. » En 2013, il y effectue un voyage d’agrément et rentre en « voulant y retourner absolument mais dans un autre contexte que touristique. » Travaillant alors chez son père, il va tirer profit de ce séjour pour imaginer une exposition autour de ses premiers souvenirs du Pays du Soleil Levant. En résulte une centaine de bijoux, puis des contacts et la possibilité d’y retourner en 2016.

karl mazlo

Ensemble d’outils pour estamper le métal. Ils furent créés lors de la résidence japonaise de Karl Mazlo à la Villa Kujoyama. Photo : Marie Chabrol

karl mazlo

Deux gobelets à saké en étain, argent et feuille d’or créés lors de la résidence japonaise. Ces pièces furent fabriquées en relation avec la Maison Seikado. Photo : Karl Mazlo

Ce séjour japonais dure six mois. Cette première résidence en partenariat avec l’Institut français et la Fondation Bettencourt. Il est alors accueilli au sein de la Villa Kujoyama avec le projet d’initier un dialogue avec des artisans dont le savoir-faire peut entrer en résonance avec la joaillerie. Durant les quatre mois de résidence, Karl va développer un projet de création d’outils autour de l’estampe. En résulte une incroyable série de « poinçons » entièrement réalisés à la main ; lesquels vont permettre d’expérimenter des effets de matière et de proposer des textures inédites sur le métal. Puis la fabrication d’objets, qu’il va ici imaginer en lien avec les haïku, des poèmes japonais très courts. « En allant au Japon, je voulais fabriquer des objets que je n’aurais pas réalisé en France. Je voulais m’éloigner du bijou pour élargir ma réflexion autour du métal » explique Karl.

karl mazlo

Bague en argent et acier damassé. Photo : Karl Mazlo

Le résultat est un très bel ensemble de pièces autour de l’art du saké et principalement des gobelets en étain, argent et feuille d’or réalisés en collaboration avec la maison Seikado. « Avec cette série, je suis vraiment sorti de ma zone de confort, car je ne maitrisais pas l’orfèvrerie. Il m’a fallu expérimenter et essayer » ajoute celui dont les pièces sont actuellement exposées à Tokyo. Sa présence au Japon va aussi lui ouvrir des techniques qu’il n’avait jamais pu apprendre en France et il va ainsi s’essayer à l’acier damassé : « cette technique proche du Mokune-gane me fascinait depuis de nombreuses années. Je m’y suis initié avec l’idée de faire une lame en acier que je puisse briser. D’abord dans le but de la ramener car je n’aurais pas pu voyager avec. Et c’est ce que j’ai fait. Le résultat sera visible sous peu, lors de la Biennale Révélations où je présenterai ma nouvelle collection qui intégrera ces éléments.« 

karl mazlo

Pendentif en or et lapis-lazuli issu de la série des Sommets Bleus. Photo : Karl Mazlo

Durant ce séjour vont se nouer de belles amitiés. Parmi les rencontres inoubliables se trouvent celle avec M. Moriguchi – dont je vous ai parlé lors de la venue en France de sa collection de Kimonos – qui va le convaincre de prolonger sa découverte du pays : « Je l’ai rencontré lors du vernissage pour la présentation des objets autour du saké. Je ne savais pas alors qui il était et son statut de Ningen Kokuho ou Trésor National Vivant. Il m’a alors écrit puis invité à sa propre exposition quelques jours plus tard. Je me suis dis que ce pays avait encore tellement à offrir. » Vont alors s’ajouter presque deux mois supplémentaire entre Kyoto et Tokyo où il décroche une nouvelle résidence prolongeant l’expérience Kujoyama.

karl mazlo

Bagues en or, diamants et lapis-lazuli issues de la série Sommets Bleus. Photo : Karl Mazlo

Début 2017, il rentre alors du Japon, quitte l’entreprise de son père pour s’installer à son compte. Il postule alors aux Ateliers de Paris et monte dans le même temps un dossier auprès de la Fondation Banque Populaire. Un alignement des planètes plus tard, il obtient une réponse positive à ses deux demandes : « Ça été l’euphorie, je pouvais me lancer avec une certaine sérénité et dans le même temps on reconnaissait que j’avais un véritable potentiel. C’était extrêmement encourageant !« 

karl mazlo

Exemple d’élément en acier damassé. Photo : Marie Chabrol

Karl Mazlo définit son processus de travail comme extrêmement « intime » et profondément lié aux « souvenirs des clients et des clientes qui s’adressent à lui. » En effet, s’il produit des collections de pièces, le joaillier aime particulièrement imaginer des pièces sur mesures. « J’ai besoin des souvenirs comme des histoires de mes clients. Ma joaillerie n’est pas classique aussi les gens qui viennent me voir connaissent déjà un peu mon travail autour des textures et des effets sur la matière. Après, c’est à moi de proposer le bijou qui symbolisera ce moment particulier de leur vie. » Le créateur ne fait que peu de salons et reconnait avec un certain étonnement la force d’Instagram qui lui a amené de nombreux clients. Mais, dit-il « j’ai le privilège d’avoir de remarquables clients ambassadeurs qui me soutiennent et me font connaitre. » Concernant les matières, il va alors proposer toutes sortes de solutions avec « des diamants modernes, des tailles anciennes voir très très anciennes mais également des minéraux divers et variés. Mais parfois c’est juste du métal ou des mélanges de différents métaux. » Si on regarde les réalisations, on notera que Karl « fait beaucoup de bagues » : « J’aime beaucoup ce type de bijou. Il est en mouvement, on peut y cacher des choses, lui conférer un côté secret uniquement accessible au porteur. Il y a un rapport au touché car l’objet est sur la main. Oui, ça reste mon bijou préféré et le plus symbolique. » Parmi les projets en cours de développement, le créateur aimerait se saisir de la broche « car elle offre une plus grande surface d’expression.« 

karl mazlo

Bague « Gashadokuro / がしゃどくろ » en or, argent, ébéne, opale d’Australie et os. Photo : Karl Mazlo

Bague en or jaune et acier damassé. Photo : Karl Mazlo

En admirant ses créations, on note que les pierres ne sont pas les plus présentes. Ici une vitrine offre des prototypes mélangeant l’or et l’acier damassé où cette matière « remplace les gemmes et prend la première place » offrant une autre vision du précieux. Ailleurs, c’est du lapis-lazuli brut qui habille de l’or froissé, martelé ou mis en couleur. Le travail de Karl Mazlo se veut poétique. Il est inattendu et enthousiasmant méritant de sortir de sa relative confidentialité. Maintenant vous savez. Aussi, si vous cherchez un joaillier offrant modernité et fraicheur dans son travail, venez ici, rencontrez Karl et adoptez une de ses créations. Elles le méritent largement !

À bientôt !

*****

Retrouvez Karlo Mazlo lors de la Biennale Révélations au Grand Palais du 23 au 26 mai 2019. Il exposera ses créations sur le stand des Ateliers de Paris mais également sur la stand de la Fondation Banque Populaire où vous retrouverez une autre créatrice dont j’aime particulièrement la travail : Amélie Viaene.

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

ma Bibliothèque idéale

Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.