Il y a moins d’un an, Olivier Bachet – marchand d’art au sein de sa propre maison Palais Royal – publiait en collaboration avec Alain Cartier le très beau livre consacré autant à l’histoire qu’au style des objets de la maison Cartier : boites à cigarettes, plumiers, éventails, boucles de ceintures, jumelles de théâtre, stylos, boites à pilules, pendulettes, éléments de sacs à main, objets de décoration n’ayant aucun autre but que celui de réjouir la vue et l’âme…etc. Autant d’objets qui sont nés dans les ateliers Cartier depuis la création de la maison et qui continuent de naitre dans le secret le plus absolu pour le plus grand plaisir de quelques clients et collectionneurs privilégiés. Des objets, aussi, sur lesquels la maison Cartier ne communique que très peu. Car de la discrétion nait le désir. Je souhaitais depuis longtemps rencontrer Olivier pour évoquer son livre, il y aura eu quelques obstacles, mais je suis heureuse aujourd’hui de vous présenter son travail. Comme quoi, l’attente est toujours une bonne chose !
PENDULE MYSTÉRIEUSE, CARTIER PARIS, 1938. Or, jade, onyx, émail. Signée Cartier. Breveté. Poinçon d’or à la tête d’aigle. Fabrication : Cartier. Collection privée. Sur cette pendule l’heure est indiquée non pas par des aiguilles mais par un index marquant la tranche d’un tambour tournant. Celui-ci est constitué de deux disques de jade chinois du XIXème siècle à motifs de poissons. À l’intérieur, un lest fait tourner le tambour par gravité. Ce modèle de pendule t l’objet d’un dépôt de brevet d’invention auprès du Ministère de Commerce et de l’Industrie. Photo: Olivier Bachet
Ce livre, j’ai eu la grande chance de pouvoir l’admirer à de nombreuses reprises chez un ami joaillier. Le hasard veut que j’ai su des années avant la réalisation de ce projet qu’il allait voir le jour. C’est donc avec beaucoup de plaisir que j’ai appris la parution de cet ouvrage exceptionnel. Et c’est aussi parce qu’il est exceptionnel avec un prix en conséquence que j’ai certainement mis du temps avant de vous en parler. Le livre se compose en réalité de deux volumes pour un total de 1000 pages. Il est au prix de 990 €, c’est une édition limité à 200 exemplaires et il existe également une édition anglaise. Le projet a vu le jour dans la tête d’Olivier Bachet en 2012 mais il commence réellement à travailler dessus à partir de l’année 2014. « J’adore les objets et je les trouve sous-estimés par rapport aux bijoux. Ils sont souvent bien plus difficiles à fabriquer et nécessitent la mise en œuvre de savoir-faire très spécifiques » déclare d’emblée Olivier lors de notre entretien.
CACTUS, CARTIER PARIS POUR LE STOCK DE NEW YORK, VERS 1935. Vermeil, néphrite, agate, cornaline, jade, corail, cabochons de pierres de lunes. Signés Cartier Made in France. Fabrication : Fourrier, Linzeler. Collection privée. La pierre de lune en taille cabochon utilisée ici pour agrémenter les rebords des pots fut surtout utilisée au début du siècle pour habiller les poussoirs des pendulettes à répétitions. Photo : Olivier Bachet
Cinq ans d’un travail acharné auront été nécessaires pour écrire le livre mais surtout rassembler 1500 objets et dessins pour la plupart conservés dans une exceptionnelle collection privée. Car c’est là aussi que réside tout l’intérêt de ce livre qui est appelé à devenir une référence sur le sujet de l’objet précieux Cartier. En effet, si plusieurs objets présentés proviennent de la collection Cartier, la grande majorité ne sont pas conservés par la maison. Parallèlement, le livre – réalisé en totale indépendance – donne une lecture très différente de celle que pourrait faire un livre purement marketing. Ici, il est question de rendre un hommage vibrant aux artisans, aux designers et à la capacité d’innovation de la plus grande maison de joaillerie. Et Olivier d’ajouter « l’objet Cartier est ce qui correspond le plus à mes goûts. La maison ne suit pas la mode, elle la fait. Ce projet était formidable à mener car il m’a permis de rassembler des objets rares, étonnants et remarquables à la facture parfaite.«
PAIRE DE JUMELLES DE THEATRE, CARTIER LONDRES, CIRCA 1910. Métal doré, émail et nacre. Signé Cartier. Collection Palais Royal. Photo: Olivier Bachet
Au-delà des très belles illustrations et des textes finement ciselés, Oliver Bachet et Alain Cartier ont accompli un véritable travail de détective. Le livre regorge de très beaux dessins préparatoires et techniques mais surtout l’ouvrage consacre un chapitre entier aux fabricants qui ont œuvré à la réalisation de ces délicats objets. Plus de 80 poinçons de maitres sont ici dévoilés avec l’historique des ateliers : adresses, dates d’insculpation et de biffage, spécialités. Une mine merveilleuse pour les amateurs, les curieux et les historiens qui souhaitent identifier une fabrication et un lieu de conception. Enfin, reste une question essentielle à poser à Olivier, celle de savoir si une pièce plus particulière a retenu son attention : « il y en a beaucoup » me répond-il « mais je peux citer une très jolie boite à cigarettes dont le motif en frise grecque est aussi simple que remarquable. Pour cette boite, nous avons retrouvé le dessin préparatoire de Charles Jacquot, dessinateur interne de la maison. Et surtout, un élément quasi identique conservé au Cabinet des Médailles où l’on sait que M. Jacquot se promenait souvent. C’est ça qui est fabuleux, quant on arrive à identifier le cheminement créatif de l’inspiration à la réalisation finale.«
BOUCLES DE CEINTURES , CARTIER PARIS, (1922). Or, onyx, corail, turquoise, diamants, cabochons de saphir. Non signée. Poinçon d’or à la tête d’aigle. Maître orfèvre : Droguet. Collection privée. Cette boucle se portait avec une ceinture de soie noire. Henri Droguet fabriqua au moins sept boucles de ceinture en turquoise matrix et onyx pour Cartier dont quatre en 1922. Photo : Olivier Bachet
Le livre est un objet aussi unique que les délicates merveilles qu’il présente. Quelques exemplaires sont encore disponibles. Vous pouvez directement contacter Olivier ou passer dans l’une des librairies qui le distribuent, et ce, dès la fin du confinement à moins qu’elles ne puissent vous livrer sans que les livreurs ne se mettent en danger. Rendez-vous chez Bernard Letu (Genève), Galignani, Le Bon Marché, Artcurial (Paris) ou encore John Sandoe à Londres. Le livre ne sera jamais réédité, c’est la volonté de ses auteurs d’en faire un objet rare qui deviendra très vite un objet de collection. Alors, si vous le pouvez, je vous encourage à en acquérir un exemplaire.
A bientôt !