Oui au diamant synthétique, Non au diamant de culture

Juin 24, 2018

Dear English readers, this article is only in French because it concerns the french law about diamonds and gemstones.

2018, se battre aujourd’hui contre la présence du diamant synthétique me parait une gageure tant cela est complètement improbable. Et pourtant, force est de constater que ce sujet divise fortement dans l’industrie de la joaillerie. Soyons très clair, le diamant synthétique ou de synthèse, ou encore « laboratory-created diamond«  si on se réfère le terme anglais représente désormais officiellement 2% des ventes dans un marché estimé à plus de 70 milliards de dollars. Reconnues comme existantes depuis un communiqué de la General Electrics le 15 février 1955 déclarant la création avec succès « de diamants conçus par la main de l’homme, (…) le résultat de près de 125 ans d’efforts pour reproduire la substance la plus dure et la plus glamour produite par la nature. », ces pierres sont aujourd’hui une réalité. S’il faut donc se battre sur un certain nombre de points, c’est d’abord sur un problème d’appellation qui soulève aujourd’hui un souci juridique plus qu’important et, ensuite, sur des arguments marketing dont la réalité risque, à terme, de voir déchanter de nombreux clients.

1- L’appellation Diamant « de culture » n’a pas lieu d’être

Sur ce point précis de ce cas litigieux, il faut se référer à plusieurs textes mais surtout bien comprendre ce que les juristes appellent « la pyramide des normes » qui permet de classer et de positionner par ordre d’importance  et d’application les textes juridiques qu’ils soient français, européens ou internationaux. Car oui, la loi qui s’applique sur le territoire français n’est pas uniquement le résultat des discussions des législateurs hexagonaux.

Revenons à notre diamant synthétique. En France, la loi qui régit les appellations dans le domaine des gemmes porte le nom de Décret n°2002-65 du 14 janvier 2002 relatif au commerce des pierres gemmes et des perles. C’est une une norme réglementaire. L’article 4 est ici celui qui nous concerne directement dans cette affaire. Il dit précisément que le terme « synthétique«  est celui que l’on doit utiliser « pour les pierres qui sont des produits cristallisés ou recristallisés dont la fabrication provoquée totalement ou partiellement par l’homme a été obtenue par divers procédés, quels qu’ils soient, et dont les propriétés physiques, chimiques et la structure cristalline correspondent pour l’essentiel à celles des pierres naturelles qu’elles copient« . Que le diamant synthétique soit de type HPHP (haute pression haute température) ou de type CVD (chemical vapor deposition), celui-ci entre parfaitement dans le champs d’application de cette partie de l’article 4.

Plus loin dans le texte, mais toujours dans l’article 4, il est précisé que « L’emploi des termes : « élevé », « cultivé », « de culture », « vrai », « précieux », « fin », « véritable », « naturel » est interdit pour désigner les produits énumérés au présent article« . Aussi, l’appellation actuelle de plus en plus répandue « diamant de culture » est absolument ILLEGALE sur le territoire français. Ainsi que le précise également l’article 9 du présent décret « Il est interdit d’importer, de détenir en vue de la vente, de mettre en vente, de vendre ou de distribuer à titre gratuit les matières et produits mentionnés à l’article 1er sous une dénomination autre que celle prévue aux articles 2 à 8 du présent décret. Cette dénomination est indiquée sur les étiquettes accompagnant le produit et sur tout document commercial ou publicitaire s’y référant.« 

Juridiquement, il est intéressant de remonter la pyramide des normes pour savoir si ce texte ne s’oppose pas à un texte supérieur. Le seul texte supérieur (car international) existant est la norme internationale ISO 18323:2015 répondant à l’intitulé « Bijouterie — Confiance du consommateur dans l’industrie du diamant ». Publié en juillet 2015, elle sera réévaluée et éventuellement modifiée en 2020. A la différence du décret de 2002, ce n’est pas une norme réglementaire mais une norme volontaire. L’AFNOR explique ainsi clairement que « pour répondre à des situations précises d’intérêt général l’administration peut également décider de se référer à une norme volontaire pour garantir l’obtention d’un certain niveau de protection des personnes ou des installations. La norme volontaire citée dans la règlementation devient alors, dans ce cas très précis, d’application obligatoire. » Dans notre démonstration, la norme ISO n’apporte pas plus d’argument et n’est pas citée dans la réglementation en vigueur. Elle explique que les termes acceptable sont « diamant synthétique », « diamant fabriqué en laboratoire » ou encore « diamant créé en laboratoire ». Mais en France, seules les appellations « diamant synthétique » ou éventuellement « diamant de synthèse » sont valides. Cela me va même si je trouve l’appellation « diamant fabriqué en laboratoire » plus évidente à comprendre pour les néophytes. Le point qui me gène étant la confusion dans le language commun entre synthétique et artificiel. Je rappelle donc ici qu’un produit synthétique possède un équivalent dans la nature (synthétique car synthèse d’une formule naturelle) alors qu’un produit artificiel est un produit créé de toutes pièces. Aussi la dénomination « diamant artificiel » n’a pas lieu d’être pour ces pierres puisque la formule chimique est la même que celle des pierres naturelles.

2- Est-ce que les appellations « diamant de laboratoire », « diamant créé en laboratoire » ou encore « diamant fabriqué en laboratoire » sont illégales ?

Dans le cadre de la loi actuelle, il n’existe aucune disposition disant clairement que ces appellations sont interdites. Mais, à la lecture de la loi, elles ne sont pas valides non plus. Si ces dénominations sont listées comme valides par la norme ISO 18323:2015, le fait que cette norme soit volontaire et non explicitement inscrite dans le décret n°2002-65 la rend – pour le moment – inapplicable sur le territoire. Cela dit, elle sera peut-être appliquée un jour en France. Si le sujet de la norme ISO vous questionne, je vous propose cet article de 2015 où j’en parle plus longuement.

3- Le diamant synthétique est-il éthique ? 

En parti, oui. Effectivement, à partir du moment où ces pierres sont fabriquées dans des laboratoires et usines qui respectent des normes environnementales et sociales, on peut considérer que ces pierres sont clairement moins polluantes et donc moins « impactantes » pour l’homme que des diamants extraits dans les zones d’extraction minières que sont aujourd’hui, par exemple, l’Afrique, le Canada ou encore la Russie. Ne nous leurrons pas, l’exploitation minière, malgré ses efforts considérables, est loin d’être parfaite. Et bien que la plupart des grandes mines mondiales possèdent des normes ISO garantissant la bonne gestion écologique, les dommages sur l’environnement, les écosystèmes et les populations autochtones sont excessivement lourds. Parallèlement, se pose le problème de la requalification des sites miniers après exploitations. Ainsi, on pense largement à la Kimberley Mine « The Hole » dont le trou d’extraction n’a jamais pu faire l’objet d’une quelconque réhabilitation. Dans la même perspective, la mine russe de Mirny est assez effrayante dans le contexte écologiquement tendu du XXIe siècle.

diamant, big hole, Kimberley mine

The « Big Hole ». Photo : Afrique du Sud découverte

diamant, mirny mine

La « Mirny Mine » en Sibérie. The Mirny Mine in Siberia. Photo : Wikimedia Commons

Dire que l’extraction du diamant pose de nombreux problèmes est un fait avéré. Mais dire que le diamant synthétique est éthique n’est pas non plus une totale réalité. Aujourd’hui les diamants de synthèses sont produits principalement en Russie, en Chine et également aux USA qui s’avèrent aussi être parmi les pays les plus pollueurs du globe. Si je peux entendre et respecter l’engagement écologique d’une entreprise telle que Diamond Foundry (basée à San Francisco) dont la production est entièrement assurée grace à l’énergie solaire et avec un circuit fermé pour l’eau, inciter à l’acquisition de diamants synthétiques chinois dont les conditions de fabrications sont plus qu’opaques est bien plus compliqué. Je modérerai donc l’argument éthique à moins d’être complètement sûre, chiffres à l’appui, que l’impact de la fabrication de ces pierres est moindre pour toutes les personnes impliquées dans sa chaine de valeur. Je ne doute pas qu’elle soit, mais je voudrais savoir exactement dans quelle mesure exacte. Peut-être la marque ouvrira-t-elle un jour ses installations à la presse ? Quoi qu’il en soit, je dois aussi reconnaitre que ces pierres sont absolument étonnantes. Et je parle ici en tant que gemmologue. Clairement indissociables à l’oeil, ces diamants synthétiques n’ont pas à pâlir face aux diamants naturels. Ici, rien à voir en terme de qualité avec les émeraudes ou les corindons synthétiques qu’un bon gemmologue peut détecter assez aisément. Nous avons clairement franchi un cap technologique !

Campagne de communication de la compagnie américaine Diamond Foundry. Ad film from the American-based company Diamond Foundry. ©DiamondFoundry

*****

En conclusion, nous pouvons dire que le diamant synthétique est bien présent sur le marché. Qu’il soit vendu comme tel ou qu’il puisse infiltrer des lots de pierres naturelles, il est nécessaire pour le consommateur d’avoir une information complète et sinon de ne pas hésiter à la demander. En France, le Laboratoire Français de Gemmologie est compétent dans l’analyse des pierres gemmes et pourra certifier votre ou vos pierres. A noter également que le LFG a pris la décision de ne pas grader les diamants synthétiques. Mais que plusieurs laboratoires mondiaux ont décidé, dont le GIA, d’appliquer presque totalement dans leur intégralité les 4Cs. Parmi les modifications significatives, l’échelle des couleurs est simplifiée et n’inclut pas les lettres réservées aux diamants naturels. Cette volonté du laboratoire américain suscite des critiques. Pour ma part, je trouve intéressant la volonté qui consiste à délivrer une information claire pour le client. Même si il faut avoir en tête que le diamant synthétique n’a pour le moment aucune valeur financière sur le marché des enchères. Or si ces informations permettent de donner un ordre de valeur pour une pierre naturelle, une pierre synthétique ne sera pour le moment pas valorisée lors d’une expertise. Ainsi Diamond Foundry propose à ses clients un crédit automatique lors de l’achat d’une pierre synthétique qui représente 100% de la valeur de la pierre. Une initiative qui peut rassurer.

Aujourd’hui, chaque camps affute ses armes marketing et commerciales. Les diamants naturels ont leur clients et nul doute que les diamants synthétiques trouveront les leurs. Il les ont d’ailleurs déjà trouvé et continueront d’en avoir. Avec des prix inférieurs de 30 à 40 % (et certainement plus avec le temps) par rapport aux naturels, ils sont clairement accessibles pour des clients qui ne pourraient pas s’offrir l’équivalent produit par la nature. Et c’est une bonne nouvelle. Il faut de tout pour tout le monde. La De Beers vient de se positionner sur ce marché de manière plutôt intelligente. Retenez avant tout que le « diamant de culture » n’est pas une appellation légale et qu’un certificat doit accompagner votre pierre. Cette dernière préconisation est valable pour les diamants naturels. Quelle que soit la pierre que vous achetez, faites-en l’acquisition dans le respect de vos valeurs et de votre budget mais n’ayez pas peur de demander des informations claires et sourcées auprès du vendeur. Enfin, ayez à l’esprit qu’un bijou n’est pas investissement mais qu’il peut le devenir. La revente d’un diamant de synthèse ne donnera aucun bénéfice. Nous n’avons aucun recul sur ces pierres et nous ne pouvons prédire comment le marché les intégrera et les gérera d’ici 20, 30 ou même 100 ans. A titre d’exemple, les autres pierres synthétiques n’ont que peu de valeur sur le marché du neuf et aucune valeur sur les marchés de l’ancien ou de l’occasion. Pour ne pas être déçu dans le temps, savoir ce que l’on achète est donc absolument nécessaire.

À bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

ma Bibliothèque idéale

Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.