Sara Bran : quand l’art du repercé s’élève au plus haut

Sep 10, 2018

Depuis le 8 juin, et jusqu’au 4 novembre 2018, l’atypique et étonnant Musée le Secq des Tournelles présente une exposition qu’il est nécessaire de voir tant la technique de l’artiste joaillière Sara Bran est particulière et remarquable. Peu avant la semaine de la mode, j’ai eu l’occasion d’aller découvrir le lieu, le travail de Sara et le raffinement de sa technique. Après une belle demi-journée à Rouen, j’avais acquis la certitude qu’il me faudrait revenir explorer cette belle cité.

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Pendentif en or jaune, diamants et perle de Tahiti. Photo : ©MarieChabrol

1- Sara Bran

Avant de devenir une spécialiste incontournable du repercé, Sara Bran a exercé son talent artistique dans la sculpture sur pierre en taillant directement dans la matière. A la suite d’un heureux accident – un élément qui se détache malencontreusement d’une sculpture en cours – elle décide de se tourner vers le bijou. De ce morceau de pierre nait son premier bijou, un pendentif, puis elle décide de démarrer une formation auprès d’un maitre joaillier-orfèvre. En parallèle, elle commence à concevoir sa première collection.

Très vite, elle va jeter son dévolu sur la technique du repercé, aujourd’hui de moins en moins pratiquée, pour amener sa maitrise du bocfil et de son geste à un niveau d’excellence rarement atteint. A l’aide de cette très fine scie, elle perce, scie, détoure, ajoure et fait se faufiler la lumière au travers de plaques de métal d’abord opaques et massives, les transformant après des heures de travail en dentelle.

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Deux bracelets en or rose par Sara Bran. Photo : ©MarieChabrol

D’ailleurs, elle collectionne la dentelle, amassant des échantillons de toute l’Europe, allant même à la rencontre des dentellières du Portugal où le Musée des Arts décoratifs Portugais FRESS l’accueille en résidence durant deux ans. Elle présente aussi son travail de recherche à la Cité de la Dentelle et de la Mode de Calais puis au Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle d’Alençon. En résulte un collier, incroyable, presque irréel : le Col Point d’Alençon, réalisé en or 750 et diamants durant l’année 2014. Lequel est présenté dans l’exposition rouennaise.

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Bracelet en or et diamants. Photo : ©MarieChabrol

Bien entendu, un tel savoir-faire ne pouvait pas ne pas intéresser les grandes maisons de luxe. En 2013, elle collabore avec Guerlain et imagine puis réalise un habillage en dentelle d’argent pour orner une vingtaine de flacons anciens pour une édition limitée de la La Petite Robe Noire. En 2017, c’est la maison Piaget qui lui demande de travailler sur une manchette haute joaillerie et une série de montres Altiplano Double Jeu. Son travail séduira les visiteurs et les collectionneurs du SIHH 2017.

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Collier « Au coeur de la dentelle Guipure », 2010. Or, collection de l’artiste. Photo : ©MarieChabrol

Cette exploration démarrée en 1998 trouve aujourd’hui par cette magnifique exposition un écrin à sa hauteur. Conclusion de la dernière résidence de l’artiste dont les créations trouvent un échos parfait avec les oeuvres étonnantes conservées au Musée Le Secq des Tournelles.

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Pendentif en or et perle de Tahiti. Photo : ©MarieChabrol

2- Le Musée Le Secq des Tournelles

Fondé en 1921, le musée – dédié aux arts du fer – rassemble la remarquable collection démarrée par Jean-Louis Le Secq des Tournelle (1818-1882) puis continuée par son fils Henri (1854-1925). Jean-Louis est connu pour avoir été le photographe de Prosper Merimée. A ce titre il photographia les monuments historiques de France dont Merimée venait de créer le célèbre service qui, aujourd’hui encore, veille à la protection et à la conservation des témoignages de notre patrimoine immobilier. En 1917, Henri lègue la totalité de la collection à Rouen.

Collier « Col Point d’Alençon » en or et diamants. Collection de l’artiste. Photo : ©MarieChabrol

La ville décide alors de rassembler ce vaste et atypique ensemble dans la vieille église Saint-Laurent (sauvée de la ruine en 1893, puis restaurée dès 1911) et d’en faire un musée qui ouvre au public en 1921. Lequel se presse pour découvrir une collection qui s’est depuis enrichie pour compter jusqu’à 14,000 pièces.

Il semblait totalement naturel de faire dialoguer le travail de Sara Bran avec les collections du musée. Ses réalisations trouvent d’ailleurs ici un écho particulier tant la ferronnerie d’art peut s’avérer fine, légère et presque aérienne. En choisissant de réinterpréter sous forme de pendentif l’une des pièces les plus spectaculaires du musée – La Crèche lanterne – elle montre que tout peut devenir bijou et que la technique comme la main restent nécessaires dans l’élaboration des pièces d’exception.

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Pendentif en or, diamants et opales. Photo : ©MarieChabrol

Aussi, je ne peux que vous encourager à aller découvrir son travail, sa finesse et sa poésie. La maitrise de sa technique est vraiment remarquable. Comme un manifeste pour que jamais le geste ne se perde.

Bonne visite et à bientôt !

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Sara Bran « L’or des Secrets »

Musée le Secq des Tournelles, Rouen

Jusqu’au 4 novembre 2018. Fermé les mardis, de 14 à 18 heures. Prix : 4€

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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