Connaissez-vous la Cofalit®?

Oct 3, 2022

La maison Boucheron ne cesse d’innover dans le domaine de la joaillerie en explorant des pistes créatives surprenantes. Cela fait maintenant un moment que la maison nous a habitué aux annonces étonnantes sur les matières qu’elle utilise pour la création de ces collections de haute joaillerie comme pour des collections capsules plus confidentielles. Avec la dernière version de Jack de Boucheron, la maison s’approprie la Cofalit®, une matière habituellement utilisée pour les remblais d’autoroutes qu’elle sublime ici avec une certaine audace qui lui réussie. On dit oui ! Mais savez-vous ce qu’est la Cofalit ?

Broche Jack en or blanc, diamants et Cofalit®. Vidéo : Boucheron

Ce bel exemple de R&D dans la joaillerie montre qu’il est possible d’aller chercher des solutions créatives dans les entreprises de haute technologie. En France, si nous n’avons pas de pétrole, nous avons des idées et la tech dans l’Hexagone, c’est une vraie valeur ajoutée. En 1992, le groupe Europlasma voit le jour avec une technologie : la torche à plasma développée pour l’aérospatiale. Initialement dédiée à tester la résistance des matériaux des missiles lors de leur entrée dans l’atmosphère, elle est rapidement testée pour le développement d’autres applications dans le domaine de sidérurgie et de la métallurgie car cet outil permet d’obtenir des températures proches de celles du soleil afin de porter la matière en fusion. La même année, EDF initie ce que l’on appelle un GIE, un groupement d’intérêt économique et fonde Inertam avec un objectif : créer un prototype industriel pour traiter l’amiante par vitrification en utilisant une technologie au plasma, à l’époque confidentielle.

Dans les années 1970 et jusque dans les années 1980, de nombreux médecins constatent que des ouvriers exposées à l’amiante dans le cadre de leur travail sont touchés par des maladies respiratoires très graves telles que des cancers respiratoires absolument incurable. L’Amiante, vous la connaissez tous car, si elle est interdite depuis 1997 sur le territoire nationale, elle fut longtemps utilisée pour l’isolation des bâtiments par exemple. En France, le scandale de l’amiante a longtemps fait la Une de la presse pour la lenteur des pouvoirs publics à réagir sur cette question sanitaire cruciale. Avec les chantiers de désamiantage qui se multiplient, il faut donc trouver une solution de retraitement pour ce matériaux inoffensif dans la nature mais totalement problématique quand il est manipulé sans protection et que les poussières sont inhalées durant de nombreuses années.

Procédé de vitrification de l’amiante par Inertam. Photo : Inertam

En 2003, le groupe Europlasma rachète Inertam à EDF, le procédé de vitrification de l’amiante est désormais fonctionnel et il offre une alternative plus qu’intéressante à la valorisation d’un déchet problématique. Mais comment fabrique-t-on de la Cofalit®? Rendez-vous pour cela dans l’usine de Morcenx (dans les Landes), la seule unité Stockée dans des décharges spécialisée, l’amiante est d’abord triée selon un processus bien particulier pour éviter des pollutions et des contaminations. Une fois triés, les conteneurs de déchets amiantés sont d’abord acheminés puis montés sur une porte-conteneurs automatisés (sans chauffeur) pouvant entrer en « zone polluée », là ils passent par un système de lavage puis de décontamination, le résultat de cette opération permet un tri encore plus fin des déchets qui sont alors dirigés vers des broyeurs puis vers un système de stockage qui alimente les fours. Là, les déchets broyés entrent dans les fours et sont portés à une température de fusion entre 1400 et 1600 degrés obtenue par deux torches à plasma de 2 méga watts. Les fibres d’amiante sont alors totalement détruites. Je vous rassure, les fumées émises sont également retraitées. Progressivement, la température baisse et la matière fondue rejoint des lingotières géantes où elle termine de refroidir à l’air libre. Les blocs obtenus rejoignent une zone de stockage avant de partir pour leur nouvelle vie.

Photo : Boucheron

Une fois vitrifiée, la matière peut être concassée. Elle peut également être taillée et polie. Il a fallu de longs mois de travail pour obtenir le résultat escompté par la Maison Boucheron. Car le modèle Jack répond à un cahier des charges précis sur la forme attendue. Avec cette matière considérée « aux antipodes du précieux dans l’imaginaire collectif » selon les propres mots de la Directrice Artistique – Mme Claire Choisne – la Maison Boucheron montre que tout peut être bijou et ouvre une voie d’exploration intéressante en introduisant une préciosité évidente à cette « matière dernière », fruit de la réhabilitation d’un matériaux largement décrié en son temps et qui trouve ici une deuxième vie utile, enthousiasmante et même précieuse.

A bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.