Un château et un orfèvre

Cet été, j’étais en congés dans les Cévennes. C’est un rituel, chaque année, de retourner dans ce coin de Lozère d’où est originaire toute ma famille. Un retour aux sources en quelque sorte. Durant le mois d’aout, je suis allée enfin visiter un lieu que je connais de nom depuis bien longtemps mais où je n’avais jamais eu l’occasion de me rendre. Non pas que ce soit très loin de la maison familiale mais la route – qui tourne beaucoup en plus d’être étroite – est assez fatigante et je l’emprunte donc peu. Faisant fi de cela, je me suis rendue au château de Saint-Germain-de-Calberte pour une raison bien particulière : vous raconter comment un ciseleur-orfèvre lyonnais en est tombé amoureux et à décider de le restaurer depuis plus de 50 ans…

This summer, I was in the Cévennes. It is a ritual, every year, to go back to this locality of Lozère where my family comes from. A return to the sources in some way. During the month of August, I went to visit a place that I know for a long time but I had never had the opportunity to visit. Not that it is very far from the family home but the road – which is full of corners besides being narrow – is quite tiring and I therefore avoid it. I went to the Chateau de Saint-Germain-de-Calberte for a very special reason : to tell you how a goldsmith from Lyon felt in love with it and decided to restore it for more than 50 years.

Le chateau tel qu’on le découvre durant l’ascension, 2017. The castle from the road, 2017. Photo : ©MarieChabrol/legemmologue.com 2017

Le chateau au début du XXE siècle. The castle at the beginning of the 20th century. Photo : Collection JFM

En 1964, qui se souvenait qu’un castrum se cachait au milieu de la végétation ? Peu de gens sauf quelques Calbertois et autres cévenols passionnées d’histoire médiévale. Situé sur un piton rocheux en schiste, au milieu de la vallée du gardon de Saint-Germain, celui-ci regroupe un grand logis rectangulaire, une tour carrée, une chapelle castrale, une tour ronde et cinq bâtiments, le tout cerné d’une enceinte. S’y ajoute un village, en ruines, adossé à l’enceinte, et lui-même protégé d’un rempart avec un porte d’accès au Nord. Pour s’y rendre, il faut emprunter un sentier en terre, aujourd’hui parfaitement praticable puis grimper par un escalier taillé dans la roche. Mais cela ne fut pas le cas durant longtemps. Le lieu est mentionné dans les texte dès 1092, il fait parti de ces chateaux féodaux qui tenaient les vallées cévenoles. Alors contrôlé par la seigneurie d’Anduze, il est confisqué en 1229 par le roi de France Louis IX au terme de la croisade des Albigeois. C’est alors le début d’une longue dispute de propriété entre l’évêque de Mende et le roi. Revenu à la famille de Portes, celle-ci le vend en 1320. En 1322, il devient la propriété des Budos avant d’être à nouveau confisqué par le roi Philippe VI en 1340 car ils ont pris parti pour les Anglais durant le guerre de 100 ans. Il revient dans la famille en 1384 à la fin d’une longue bataille juridique.

In 1964, who remembered that a castrum was hiding in the middle of the vegetation ? Few people except some Calbertois and other Cévennes inhabitants passionated by medieval history. Located on a shale rock peak, in the middle of the valley of the gardon of Saint-Germain, this one regroups a large rectangular dwelling, a square tower, a castral chapel, a round tower and five buildings. In addition, there is a ruined village, leaning against the wall, and itself protected from a rampart with a gateway to the North. To get there, you have to take a footpath, now perfectly practicable, then climb a staircase carved in the rock. But this was not the case for a long time. The place is mentioned in the text as early as 1092, it is part of those feudal castles that held the Cévennes valleys. Then controlled by the seigneury of Anduze, it is confiscated in 1229 by the king of France Louis IX at the end of the crusade of the Albigensians. It was then the beginning of a long dispute over property between the Bishop of Mende and the King. In 1322, it became the property of the Budos before being again confiscated by King Philip VI in 1340 because they took part for the English during the war of 100 years. He returned to the family in 1384 at the end of a long legal battle.

Le sentier pour monter au chateau. The path climbing to the castle. Photo : ©MarieChabrol/legemmologue.com 2017

Finalement, et sans que l’on en connaisse les raisons exactes, le village est complètement vidé de ses habitants entre la fin du XIIIe et le milieu du XIVe siècle.  Puis le château Saint-Pierre est abandonné au début du XVe siècle. On sait que cet abandon est volontaire, en témoigne l’absence de mobilier archéologique. Les gens ont fermé les bâtisses et sont partis, peut-être pour s’installer dans le bourg voisin de Saint-Germain-de-Calberte, mieux desservi, plus simple d’accès et en forte expansion. Parmi les raisons potentiellement invoquées, il y a la presence en grande proportion dans le château et le village de scories d’un minerai de fer riche en magnésium et manganèse qui servait certainement à la fabrication d’armes. Peut-être s’est-il raréfié ? Le chateau était peut-être un point de péage entre les deux vallées et il devenait inutile. La présence (ou plutôt l’absence d’eau) est aussi une raison possible. L’habitat dans les Cévennes est dispersé et depend de la présence de sources potables qui ravitaillent en eau les fermes. L’entretien des sources est ici une question de survie ! Et nombres de hameaux ici ont été abandonnées pour cette raison. La nature reprenant ses droits et le temps faisant son œuvre, il tombe alors dans l’oubli.

Finally, and without knowing the exact reasons, the village was completely emptied of its inhabitants between the end of the 13th and the middle of the 14th century. Then the St. Peter’s castle was abandoned at the beginning of the 15th century. We know that this abandonment is voluntary, evidenced by the absence of archaeological furniture. People closed the buildings and left, perhaps to settle in the neighboring village of Saint-Germain-de-Calberte, better served, with an easier access and expanding. Among the potentially invoked reasons is the presence of iron ore rich in magnesium and manganese, which was certainly used in the manufacture of weapons and found in the castle and the village. Perhaps it has become scarce. The castle was perhaps a toll point between the two valleys and it became useless. The presence (or rather the absence of water) is also a possible reason. The habitat in the Cévennes is dispersed and depends on the presence of drinking springs that supply water to the farms. The maintenance of sources is here a matter of survival ! And numbers of hamlets here have been dropped for this reason. Nature regaining its rights and time making its work, it falls into oblivion.

Le village abandonné. The deserted village. Photo : ©MarieChabrol/legemmologue.com 2017

En 1964, quand Irène et Daniel Darnas en deviennent propriétaire, la plupart des bâtiments sont à terre. Ils décident alors d’entreprendre sa restauration complète : durant des dizaines d’années, ils viendront travailler durant les vacances scolaires – avec leurs enfants (la plus petite a deux ans quand les travaux débutent) et en transportant les matériaux à la main car les véhicules ne peuvent emprunter le chemin jusqu’en 1972 – ne tenant pas compte du scepticisme des Calbertois. Le lieu, très isolé, n’a pas été pillé et la plupart des pierres sont encore sur place. Il faut dire que le chateau construit dans du schiste se confond dans la végétation ambiante et que les ruines ne sont visibles que si l’on y prête garde. Finalement, le lieu est ouvert au public et l’électricité y arrive même en 1976.

In 1964, when Irene and Daniel Darnas became the owner, most of the buildings were landed. They decide to undertake a complete restoration : for decades, they will come to work during the school holidays – with their children (the youngest at the age of two when the works begin) and by handing material because cars can not travel the road until 1972 – ignoring the Calbertois skepticism. The place, highly isolated, has not been looted and most of the stones are still on site. It must be said that the castle built of schist is confounded in the surrounding vegetation and that the ruins are only visible if we are careful. Finally, the place is open to the public and even electricity reaches it in 1976.

Bracelet en or jaune 750 créé par Daniel Darnas. A 18k yellow gold bracelet made by Daniel Darnas. Photo : ©MarieChabrol/legemmologue.com 2017

L’intérieur du château. In the castle courtyard. Photo : ©MarieChabrol/legemmologue.com 2017

Il faut entendre Irène et Daniel raconter cette aventure, car s’en est bien une ! Durant presque 10 ans, Il a fallu monter sur le dos les sacs de ciment de 50kg, les jerricanes d’eau depuis la rivière jusqu’au raccordement du chateau à une source, les poutres en châtaignier, le ravitaillement… Puis ils ont réussi à poser un treuil manuel qui leur a facilité de manière importante le travail. Depuis l’an dernier, celui-ci est d’ailleurs automatisé avec télécommande et autant vous dire que c’est un vrai soulagement pour tout le monde ! Il faut écouter Daniel, passionné de mathématiques et de géométrie, vous raconter comment fut construit le chateau, les coudées particulières des architectes de l’époque et les questions qui en résultent. Car le lieu date vraisemblablement d’avant l’an 1000 et fut longtemps un lieu de culte païen. La présence d’un menhir, couché, recouvert par la chapelle (témoignant d’une christianisation des lieux) en est une preuve indiscutable. Laquelle est construite selon la coudée d’Al-Mamoun (ou coudée noire), une mesure inventée par le calife du même nom du IXe siècle. Les architectes des lieux ont été initiés à ces mesures particulières comme au nombre d’or. Comment sont-ils arrivés dans les Cévennes et où ont-il été initiés ? C’est une énigme. Enfin, le soleil au plus haut de la journée, frappe le sol de la chapelle (à l’emplacement du menhir) le 29 juin, jour de la Saint-Pierre. Vous l’aurez compris, c’est un lieu très particulier.

We must hear Irene and Daniel tell this adventure, because it is indeed one! For almost 10 years, it was necessary to mount on the back the bags of cement of 50kg, the jerricanes of water from the river until the connection of the castle with a source, the chestnut beams, the supply … Then they managed to install a manual winch that significantly facilitated the work. Since last year, this one is besides automated with remote control and it is a real relief for everyone! You must listen to Daniel, passionate about mathematics and geometry, tell you how the castle was built by the architects and the questions that arise. The place probably dates from before the year 1000 and was for a long time a place of pagan ritual. The presence of a menhir, lying, covered by the chapel (testifying to a christianization of the places) is an indisputable proof. Which is built according to the cubit of Al-Mamun (or black cubit), a measure invented by the eponymous caliph during the ninth century. The architects of the chapel were initiated to these particular measures as to the gold number. How did they arrive in the Cévennes and where were they initiated? It’s an enigma. Finally, the sun at the top of the day, strikes the floor of the chapel (on the menhir) on June 29, St. Peter’s Day. You will understand, it is a very special place.

Médaille en or jaune 750 créée par Daniel Darnas. A 18k yellow gold medal made by Daniel Darnas. Photo : ©MarieChabrol/legemmologue.com 2017

Aujourd’hui, vous pouvez le visiter en semaine de mi-juillet à mi-septembre de 16 à 19 heures. L’accès payant (5€) permet de financer l’entretien de l’extérieur du site.

Today you can visit it during the week from mid-July to mid-September from 4 to 7 p.m. Paying access (5 €) allows to finance the maintenance of the exterior of the site.

La fille de M. Darnas, Isabelle, est médiéviste de formation et ‎conservatrice en chef du patrimoine au conseil départemental de Lozère. Chaque bâtiment a fait l’objet de fouilles puis d’études qui ont été publiées. La dernière campagne s’est terminée en 2003. C’est un lieu dont je vous conseille la visite car cela en vaut vraiment la peine. Rien que pour imaginer le travail fourni par cette famille de passionnés pour reconstruire les bâtiments. Enfin, vous y découvrirez quelques pièces de Daniel Darnas, ciseleur et orfèvre de métier, qui présente une partie de son travail durant l’été dans ce lieu.

Mr Darnas’ daughter, Isabelle, is a medieval era specialist and curator at the county council of Lozère. Each building was the subject of excavations and then studies that were published. The last campaign ended in 2003. It is a place that I advise you to visit because it is really worth it. Just to imagine the work made by this family of enthusiasts to rebuild the castle. Finally, you will discover some pieces by Daniel Darnas, goldsmith, who presents some of his works during the summer in this place.

À bientôt !

See you soon !

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. Traversa dit :

    Effectivement une belle découverte effectuée dimanche dernier et, par chance, vers 13h, la propriétaire rentrant de courses , nous a longuement tout expliqué.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.