Patrick Becker, les pierres, Paul Wild et les voyages

Avr 9, 2024

Il y a quelques mois, Patrick Becker fêtait ses vingt ans chez Paul Wild. Quelle meilleure occasion que cet anniversaire pour lui demander de me parler un peu de lui. Et de me raconter un peu sa carrière et un peu les pierres. J’ai du croiser Patrick des dizaines de fois sur les salons avant d’oser lui demander de me sortir une pierre d’une vitrine. Maintenant, c’est lui qui me dit, « viens donc nous voir, on a une matière sympa à te montrer ! » Alors, si vous n’avez pas l’occasion de le connaitre, voilà qui vous permettra de mieux le découvrir et qui sait… d’oser lui demander de vous montrer une des merveilles de la maison Paul Wild lors du prochain GemGenève.
paul wild
M. Patrick Becker. Archives privées

1- Qui es-tu Patrick ?

Je m’appelle Patrick Becker, j’ai 57 ans, je suis Directeur Commercial de la maison Paul Wild. Je suis né à Genève et, ma foi, j’ai la chance d’avoir vu beaucoup de choses dans ce merveilleux métier.

2- Justement, racontes-nous un peu ta famille?

Je suis issu d’une famille où les quatre dernières générations étaient des lapidaires issus de la région de Idar-Oberstein. Mon père était berlinois et ma mère, genevoise. Je suis né en Suisse mais j’ai très vite voyagé. Mon grand-père était diamantaire au sens tailleur de diamants mais mon père était lapidaire. Il est né en 1940 en Allemagne mais la famille a du quitter le pays à cause de la guerre. Mon grand-père fut tailleur pour la maison Naftule & Fils. Raymond Naftule sera d’ailleurs mon parrain. Puis mon père y est entré à son tour, y a fait son apprentissage et à 21 ans, il était chef d’atelier de la maison.

Rapidement, mon père a beaucoup voyagé pour le compte des Naftule. Il est allé en Afrique, il a vu la Tanzanie, les saphirs de Umba, les émeraudes de Sandawana, la John Saul Mine… Il a eu l’opportunité de partir pour Israël avec ma mère car il y avait un projet de créer une taillerie mais la guerre des six jours les a forcé à repartir – les machines ont été détruites – et à revenir à Genève.

Dans les années 60, il s’installe en Irlande à Shannon et fonde Shannon Lapidary. Il y avait alors une zone industrielle avec une sorte de port francs permettant d’éviter impôts et taxes. Nous sommes restés trois ans là-bas et j’ai donc vécu en Irlande entre mes deux et cinq ans. Quand nous revenons à Genève, mon père décide de se mettre à son compte. Il travaille alors pour les grandes maisons, emploie jusqu’à six personnes. Il installe à nouveau son atelier en Irlande, il avait découvert le pays avec les Naftule et avait aimé y vivre. Moi, je suis alors en internat, je fais mes études entre la Suisse et l’Allemagne.

3- Et enfant, au milieu des pierres, tu te voyais faire quoi ?

Pas du tout le métier de mon père. Je me voyais plutôt dans la Croix-Rouge, dans la légion étrangère, pourquoi pas journaliste. J’avais envie de voyager !

Lapidaire au travail dans l’atelier de la maison Paul Wild. Photo : Paul Wild

4- Et finalement ?

Et finalement, je finis mes études secondaires en Allemagne, je passe mon bac en Irlande et je démarre dans l’atelier de mon père au mois de septembre 1985. L’entreprise de mon père a ses bureaux à Genève, l’atelier est en Irlande et bientôt il y a un bureau à Idar-Oberstein. Il disait toujours : « il n’y a rien à voir dans un D Flawless, je préfère la couleur ! » ; j’ai donc pris le même chemin et je dois dire qu’il avait assez raison sur ce point.

J’apprends, je voyage un peu pour voir la famille et comprendre le métier. Je reste cinq and chez mes parents mais nos relations sont compliquées et je décide de partir. Puis mes parents se séparent, mon père ferme l’Irlande et s’installe en Afrique. Ma mère retourne à Genève et j’intègre pour un court laps de temps la maison Naftule.

Une proposition à Düsseldorf chez Gehard Hahn et je m’y installe pour tailler durant une dizaine d’année. J’y reste jusqu’à mes trente-cinq ans. Puis la bougeotte encore, les Wild me proposent de les rejoindre. Il faut dire que je les connais depuis l’enfance, mes père avait déjà des contrats de taille avec eux. Je saute le pas et je m’installe à Idar-Oberstein. La ville va devenir mon camps de base, même si je voyage beaucoup, c’est là que j’habite.

5- 20 ans chez Paul Wild !

Oui, ça fait long mine de rien mais jamais je n’ai eu envie de changer. Aujourd’hui je suis Directeur Commercial mais je n’ai pas commencé comme cela. Je rentre comme lapidaire mais – et c’est l’avantage des petites maisons familiales – je fais beaucoup de choses : il y a les salons, les clients, des milliers de choses à gérer au quotidien. Et surtout, très vite, je voyage beaucoup. Je parle allemand, français et anglais donc c’est un vrai plus à l’époque quand je rentre chez eux.

Rapidement, il va y avoir des bureaux à Paris, à Hong Kong, à New York… Il faut suivre tout ça et les premières années, je voyage jusqu’à 43 semaines par an. En gros, je suis à Idar les weekends. Au bout de quelques temps, j’arrête de tailler pour me concentrer sur d’autres sujets au sein de la maison. Je m’initie à l’approvisionnement, j’achète, je suis des projets pour des clients, je développe la clientèle via les salons… Ma formation est une force pour parler des matières, communiquer avec les maisons, conseiller des matières, suivre les projets.

Les sets, une des spécialités de l’entreprise. Photo : Paul Wild

6- Et ça ressemble à quoi la vie d’un Directeur Commercial ?

Concrètement, je suis responsable des ventes, je coordonne les salons, je suis présent pour recevoir les clients et je m’occupe plus particulièrement des grandes maisons et des grands comptes. J’interviens aussi sur les achats et sur les approvisionnements. Mais je m’appuie sur une équipe fidèle et dynamique qui m’accompagne dans mon quotidien.

En Allemagne, nous avons une équipe de 35 personnes et en Asie, à Bangkok, c’est 60/70 personnes en moyenne qui travaillent dans notre taillerie. Car nous avons deux sites de taille : Idar-Oberstein et Bangkok. La majorité de nos pierres sont taillées chez nous, les centres en Allemagne, le reste en Asie. Mais toutes les pierres sont ébauchées à Idar, même celles qui seront finalisées en Thaïlande.

Chez nous, on achète des bruts en continu. Nous avons une mine qui nous appartient (celle de Paraiba au Brésil) mais il n’y a quasiment plus de production sur ce site. Nous avons aussi plusieurs concessions dans le monde : en Namibie (grenat demantoïde, tourmaline verte), Nigeria (rubellite, grenat mandarin). Approvisionner les matières est compliqué, surtout pour les matières très demandées comme le spinelle ou le grenat mandarin par exemple. La belle qualité est très rare. On achète des stocks anciens, on reçoit beaucoup de négociants qui viennent nous voir sur les salons mais aussi à Idar.

7- Comment vous positionnez-vous sur les sujets liés à la traçabilités des matières ?

C’est un sujet compliqué qui est au cœur de nos préoccupations. Le métier évolue, change et nous changeons avec lui. Nous sommes très attentifs aux provenances car si les laboratoires peuvent en déterminer une partie, ce n’est pas le cas de toutes les pierres. La diamant par exemple et tu en sais quelque chose.

Nos clients sont demandeurs de ces informations. La jeune génération se pose des questions que je ne me posais pas à leur âge et c’est très bien. Cela consolide nos pratiques et les relations de confiance que nous établissons avec nos clients. Nous avons une spécificité chez nous car nous ne sommes par seulement fournisseurs de pierres, nous sommes approvisionneur de matières. Nous avons des contrats miniers avec des pays producteurs, nous avons donc des engagements très précis sur les règles d’exploitation, les conditions de travail, la remise en état des sites à la différence de ceux qui n’ont que de simples contrats de prospection.

Ensemble d’émeraudes trapiches. Photo : Paul Wild

8- Une matière préférée ?

J’ai l’amour des pierres car je n’ai en réalité connu que ça. A titre personnel comme chez Paul Wild, nous aimons la couleur. Mais je pourrais peut-être dire les grenats et les spinelles. Quoi que les saphirs avec toutes les teintes possibles qui existent me séduisent aussi particulièrement. Tu me demandais si une matière m’avait marqué, je peux répondre la Paraiba. Quand elle est arrivée sur le marché, personne ne nous croyait, on nous demandait si c’était irradié…

9- Quel est ton rapport au digital avec les changements issus du COVID ?

Il est nécessaire mais, moi, j’aime voir les gens. J’aime les pierres, les toucher, les regarder, les faire jouer à la lumière. Le contact est primordial et je ne peux pas m’en passer.

10- Pour finir, un conseil pour un jeune qui voudrait faire le même métier ?

J’espère qu’il tombera sur un bon mentor, c’est le plus important. Pour apprendre, pour se former.
J’ai eu la chance d’avoir des patrons formidables et des clients qui m’ont éduqué comme M. Winston, M. Reza, M. Fred, aussi je lui souhaite d’avoir cette chance de côtoyer des personnalités qui veulent transmettre. Ils m’ont traité avec un grand respect et je leur dois beaucoup pour la confiance que j’ai acquise.

Après, il y a du travail, du savoir-être, de la patience… Mais avant tout, je leur souhaite de trouver la personne qui voudra transmettre ! Ce métier permet d’apprendre toute sa vie, je n’ai pas envie de m’arrêter et je leur souhaite aussi de ne jamais avoir envie de s’arrêter.

A bientôt !

ABOUT ME

marie chabrol

Hello my name Is Marie. Speaker, consultant & teacher, I write with passion about the world of jewelry.

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