Il y a quelques années je découvre la maison Golay Fils & Stahl. Maison qualitative et discrète, j’aime particulièrement découvrir ses sélections de pièces quand je vais à Genève. Pas de communication tapageuse ici mais des bijoux de très belle facture, avec de belles histoires souvent, et de belles signatures. La vie faisant bien les choses, je rencontre Melissa Wolfgang Amenc, qui représente la 6e génération de sa famille à travailler dans le secteur de la joaillerie et la 3e à prendre soin de cette belle entreprise genevoise.
L’année dernière, nos agendas concordant, j’ai eu le plaisir de pouvoir aller découvrir et admirer la collection privée de montres de la famille dans laquelle s’exprime toute l’histoire de Golay Fils & Stahl. Émotions garanties devant les pièces sublimes qui y sont conservées. D’autant que j’ai eu le privilège de pouvoir manipuler quelques objets remarquables. Vous aviez déjà rencontré virtuellement Melissa lors de son interview sur l’association qu’elle préside – The Glitterati – mais – cette fois-ci – je voulais la faire parler de son travail, de sa maison et lever un peu le voile d’une belle entreprise avec une très belle histoire.
1 -Quel est ton rôle exact au sein de la maison ?
Je m’occupe essentiellement d’acheter et de vendre des pierres précieuses, de la bijouterie d’époque, et de la création de bijoux sur mesure pour mes clients. Je m’occupe aussi du musée Golay Fils & Stahl, des salons et tout ce qui concerne le marketing, presse, site web, etc.
2- Quelle serait la meilleure manière de décrire la maison aujourd’hui si tu devais la définir en quelques mots ?
Expertise, qualité, tradition.
Montre demi-savonnette de dame. A. Golay-Leresche & fils (Genève, 1870-1895). Inv. GFS 10. Photo : GFS
3- Comment gères-tu l’héritage d’une maison presque bicentenaire ? N’est-ce pas parfois trop lourd ? Ou est-ce au contraire très excitant de participer à sa pérennisation ?
Lourd, non. Au contraire ! Je suis très fière de l’histoire de notre maison et pérenniser ce patrimoine est important pour moi. En plus de mon rôle décrit ci-dessus, je m’occupe aussi de notre musée Golay Fils & Stahl, c’est-à-dire, de chercher et d’acheter des pièces, de les répertorier et de les ajouter à la collection. Aujourd’hui celle-ci ne compte pas moins de 200 pièces dont la majorité a été fabriquée par nos soins entre 1837 et 1940.
Nous avons récemment fait un inventaire complet avec Sabine Kegel, experte horlogère, et c’était un grand plaisir non seulement d’examiner chaque pièce, mais en plus de le faire avec Sabine qui est une grande connaisseuse ! C’était une expérience très enrichissante qui m’a permis d’avoir encore plus de plaisir à admirer notre collection tous les jours !
4- Comment la maison a-t-elle évolué, ou s’est-elle réinventée, au cours de sa longue existence ?
La maison a déjà eu la chance d’avoir une très longue vie à travers plusieurs générations. Premièrement du coté Golay/Stahl mais aussi du côté des Wolfgang, chose assez rare. Horlogers d’exception, joailliers de familles Royales, magasins de renom avec des adresses prestigieuses à Paris et Genève, entre autres, puis négociants en pierres précieuses, bijoux d’époque et créations sur mesure. Nous avons su au fil des générations nous renouveler et nous adapter à chacune des époques et nous continuons à nous réinventer pour être pérenne.
5- Vous avez votre propre département patrimoine. Comment est née cette vocation et comment choisissez-vous les pièces qui y entrent ?
Peut-être que le mot « département » est un bien grand mot car nous sommes deux à gérer la collection : mon père et moi.
Quand il a repris la société à la suite de la mort de son père en 1976, il y avait une petite collection de montres qui datait sans doute de l’époque où son père avait racheté la société… En 1978 mon père était sur la 47eme rue à New York et a vu une montre Golay Leresche dans la vitrine d’un confrère. C’est à ce moment-là qu’il a décidé d’agrandir cette collection afin d’enrichir et de pérenniser l’histoire de notre maison. J’ai continué cette tradition quand j’ai commencé en 2000, je voyageais beaucoup et les salons étaient un formidable terrain de chasse pour trouver des pièces pour compléter notre petit musée.
Les critères sont relativement simples pour pouvoir y rentrer : les pièces doivent être quasi parfaites et avoir une cohérence avec l’ensemble de la collection. Nous avons dû malheureusement refuser ou renoncer à plusieurs pièces magnifiques parce qu’elles avaient des dégâts d’émail. Malheureusement il est extrêmement difficile de restaurer celui-ci comme à l’époque alors nous évitons les pièces avec des dégâts importants. Nous achetons surtout ce que nous trouvons beau et les pièces qui déclenchent une émotion. En cela, je nous trouve particulièrement chanceux !
Montre de poche et de chevet. Golay fils & Stahl (Genève, 1896), entre 1910 et 1930. INV GFS 54. Photo : GFS
6- Qui dit collection dit, je suppose, que vous ne vendez pas ces pièces ? Comment valorisez-vous cet ensemble ?
Exactement, les pièces ne sont pas à vendre. Comme dans toute collection il y a des pièces que l’on a payé un peu cher parce que nous les voulions absolument et d’autres que nous avons obtenu à un bon prix. Cela crée un équilibre. Sur presque 50 ans d’achat pour cette collection, il est évident qu’il y a des pièces qui valent bien plus aujourd’hui et des pièces qui restent stables et dont le prix ne bouge pas véritablement.
Ce qui fait la vraie valeur dans une collection, et dans celle-ci également, c’est l’ensemble des pièces, pas chaque pièce individuellement. La collection a fait l’objet d’un catalogue lors de l’exposition au Musée d’Horlogerie de Genève à qui nous avions prêté les pièces en 2000. Il suffit de nous contacter pour en acheter un exemplaire.
7- Est-ce que vous cherchez aussi à acquérir des bijoux qui ont été fabriqués par votre maison ?
Ça nous arrive d’en acheter, mais ce n’est pas souvent. Il faut vraiment qu’un bijou ait quelque chose de particulier pour le faire entrer dans la collection. Nous cherchons surtout des pièces d’horlogerie.
8- Qu’est-ce qui caractérise aujourd’hui une pièce Golay ?
Je ne pense pas que nous ayons vraiment une « caractérisation » pour les pièces du stock. Ce qu’on aime acheter ce sont des pièces qui sont belles, uniques, charmantes, chics…etc. Mais ce sont des critères évidemment très subjectifs. Nous sommes 4 personnes à acheter et à vendre, nous avons des connaissances, des gouts et des attirances différentes et nos clients respectifs sont aussi différents.
La diversité de nos pièces fait la force de la maison et je trouve le résultat assez réussi ! Mais d’un point de vue plus personnel, les pierres de couleur et les bijoux 1930-1970 ont ma préférence. Le critère le plus important restant la qualité de la matière et d’exécution.
9- Comment imagines-tu l’avenir pour la maison Golay ?
Même si je m’efforce d’avoir une vision à long terme, à l’image des générations qui m’ont précédé, je reste une personne instinctive dans un métier de passion. Néanmoins, je pense que ce côté instinctif me permettra d’avoir une vraie agilité face aux défis de demain auxquels l’entreprise devrait faire face.
Montre de poche aux heures universelles, Golay fils & Stahl (Genève, 1896). Louis Cottier (Carouge, 1894-1966), vers 1935. INV GFS 48. Photo : GFS
A bientôt !