En présentant pour la première fois la réplique des vingt plus beaux diamants de Louis XIV, dont 19 sont aujourd’hui présumés « perdus », l’Ecole des Arts Joailliers – en partenariat avec le professeur François Farges du Museum d’Histoire Naturelle de Paris et le maitre lapidaire canadien Patrick Dubuc – lève le voile sur un joli (et brillant !) morceau de notre histoire de France.
Les répliques réalisées par Patrick Dubuc. Photo : L’Ecole des Arts Joailliers
Ils étaient vingt. Ils furent ramenés des Mines de Golconde par Jean-Baptiste Tavernier – infatigable explorateur et marchand – qui effectua de nombreux périples en Asie et en Inde. C’est au cours de son sixième voyage (1663-1668) qu’il acquiert ces fameuses pierres qu’il destine au Roi de France, lequel va acquérir auprès de Tavernier presque mille diamants. Parmi ces lots, il y a des gemmes plus exceptionnelles que d’autres que notre marchand fait immortaliser par une estampe. L’auteur, Abraham Bosse, décrit ces diamants comme « les plus beaux ». Celle-ci date précisément de 1670 et figurera dans les mémoires de Tavernier. A l’exception d’une note anonyme datant de 1674, ce document avait « disparu ». Il réapparait il y a quelques années, localisé auprès de la BNF et du département des estampes par M. François Farges. Il faut pour cela souligner la persévérance et les remarquables recherches de M. Farges, sur cette reconstitution, et de Mme. Cécile Lugand, professeur auprès de l’École des Arts Joailliers et doctorante à l’Université de Rennes II sous la direction du professeur Glorieux, qui – dans le cadre de la réalisation de sa thèse sur l’histoire de M. Tavernier – ont réussit à retrouver la trace de documents rares et particulièrement importants.
Estampe d’Abraham Bosse. Photo : BNF
De ces pierres, on sait qu’une était bleue, que deux étaient roses et qu’une était d’une eau « extraordinairement belle ». De quoi suspecter un type IIA, ces diamants d’une pureté parfaite et d’une eau limpide typiques des mines historiques indiennes. Vingt pierres dont dix-neuf sont donc aujourd’hui « perdues ». En effet, entre les vols, les retailles, les inventaires non tenus, ces gemmes ont disparu. Une seule nous est encore connue, il s’agit du fameux diamant bleu que vous connaissez tous sous son nom actuel « The Hope » : acquis en 1668, retaillé une première fois en 1671, volé en 1792, retaillé puis vendu plusieurs fois, il est désormais exposé à la Smithonian de Washington. Mais il aura fallu attendre 2007 pour qu’un modèle en plomb soit retrouvé dans les archives du MNHN de Paris. Les modélisations qui suivront prouveront que cette pierre est bien le fameux Bleu de France. Pour les autres, le mystère demeure !
Une pierre taille marquise de 13,6 carats se revendique depuis les années 80 l’avatar du diamant N°5. Un moulage de cette pierre a permit d’invalider cette théorie. Celle-ci ne rentre absolument pas dans les différentes modélisations de retailles possibles de cette gemme.
Modélisation du Bleu de France après sa retaille de 1672 et d’après le modèle en plomb retrouvé au MNHN. C’est ce modèle qui a permit de comprendre que le Hope était bien le fameux diamant bleu de Tavernier qui pesait initialement 115 carats. Photo : MNHN – Bernard Faye
Pour réaliser les répliques, il a fallu utiliser des techniques particulièrement modernes et la modélisation 3D s’est avérée évidente. L’estampe de Bosse présente trois diamants bruts, lesquels ont fait l’objet d’une sculpture main pour la réalisation d’un premier rendu. L’étude des différentes simulation laisse à penser que la gravure a été réalisée à l’échelle ce qui a permit de connaitre la taille quasi réelle de ces pierres. Par ailleurs, on connait les poids de ces gemmes grâce à un inventaire d’une grande précision réalisé en 1669 par Jean Pittan le Jeune qui était joaillier ordinaire du roi. Le reste, on le doit au talent du lapidaire et à la force de calcul des logiciels. Le résultat est remarquable.
La collection est à découvrir à l’École des Arts Joaillier jusqu’à la fin janvier mais elle restera sur place. Vous pourrez par la suite prendre un rendez-vous pour allez les découvrir, ce que je ne peux que vous inciter à faire. Sachez également qu’un deuxième jeu de répliques va être proposé à la donation au MNHN et qu’il intégrera dans les mois qui viennent les collections permanentes de minéralogie et gemmologie.
Pour conclure, j’ai été très sincèrement émerveillée par la découverte de ce projet. Je le trouve enrichissant et remarquable dans sa conception et dans sa réalisation finale. Un vrai beau moment. La prochaine étape sera la soutenance de thèse de Cécile Lugand et j’ai sincèrement hâte d’y être et de vous la faire partager !
À bientôt !
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L’Ecole des Arts Joailliers
31 rue Danielle Casanova, 75001 Paris
Tel : +33 1 70 70 38 40
Entrée libre jusqu’au 31 janvier de 10 à 18 heures (du lundi au vendredi).
Au-delà de cette date, sur rendez-vous.