Le Pôle Bijou de Baccarat propose, à partir du 14 février et jusqu’au 24 juin, une importante exposition sur la place des conflits dans la fabrication de bijou. Et faire débuter cette exposition le jour de la Saint-Valentin n’est pas complètement anodin.
Faire de la guerre, dans toute son horreur et sa complexité, un sujet d’inspiration pour le bijou pourrait sembler étonnant à de nombreuses personnes. Certainement car l’on attribue une vocation heureuse à cet objet. Et pourtant, s’il est un objet intimement lié à la séparation – temporaire comme définitive -, au souvenir et donc à l’amour, c’est bien le bijou. Il n’est donc pas surprenant que les conflits, quels qu’ils soient, aient fourni entre autres productions des pièces de bijouterie. Parmi les plus connues restent bien évidement les bagues réalisées dans les tranchées par les poilus pour leurs douces restées à l’arrière du front. Souvent présentée comme une coutume française, il n’en ai rien. Partout dans le monde, des soldats de métier ou réquisitionnés ont réalisé des objets à partir des matériaux à leur disposition : balles, morceaux d’obus, éléments de grenades…etc.
Tableau « deux soldats de l’artillerie française en pleine activité d’artisanat de tranchée », huile sur bois, collection particulière. Photo : Pôle Bijou
Bagues de tranchées en aluminium, laiton et cuivre. Réalisation entre 1914 et 1918. Collection particulière. Photo : Pôle Bijou
A l’origine, l’exposition se voulait un focus sur la Grande Guerre (14-18). Ce conflit a, en effet, fourni de nombreux témoignages et objets qui racontent l’horreur mais aussi les ressources déployées dans les familles afin de garder le lien avec les soldats partis sur les premières lignes. On connait les bagues en laiton, cuivre et même aluminium fabriquées par les soldats français quand les soldats allemands vont plutôt employer l’acier, moins pour la réalisation de bijoux que d’objets du quotidien comme des coupe-papiers par exemple. Une grande partie de l’exposition sera ainsi consacrée à cet artisanat des tranchées qui a même parfois donné lieu à une forme de commerce.
Collection de petites enclumes allemandes réalisées dans les tranchées. Collection particulière. Photo : Pôle Bijou
Petites bouteilles religieuses fabriquées par les soldats bavarois. Collection particulière. Private collection. Photo : Pôle Bijou
Mais au-delà de la notion patrimoniale, particulièrement importante dans l’Est de France (et le choix de situer l’exposition à Baccarat est particulièrement important quand on connait bien la géographie des lieux et les conséquences de l’annexion de la Moselle et de l’Alsace) il faut aussi y voir le travail de confrontation mené par l’équipe du Pôle entre créations contemporaines et bijoux anciens. Et ainsi comprendre toute l’implication émotionnelle qu’un conflit peut avoir sur la vie et le développement d’une personne.
Bague « Identity Tag » de Sara Shahak en or, argent et rubis. Photo : Pôle Bijou
Broche Zeppelin par Andreia Popesco, argent, 2017. Photo : Pôle Bijou
Aussi, vous aurez la possibilité de découvrir les créations de plusieurs artistes qui viennent du monde entier : Roumanie, Israel, Belgique, Arménie…etc. J’aime particulièrement le regard de l’artiste arménien Artak Tadevosyan qui récupère et fragmente des éclats d’obus « pour que des dizaines de corps les portent avec joie et plaisir au lieu que des dizaines d’autres en soient transpercés si ces armes avaient explosé » . Enfin, parfois, l’Histoire rejoint de manière inattendue la vie des gens. La créatrice Roumaine Andreia Popescu centre son travail sur le Zeppelin, qu’elle considère – à juste titre – comme un symbole de la Grande Guerre. Que ses pièces soient exposées à Baccarat est un véritable clin d’œil de l’Histoire car c’est à quelques kilomètres, à Lunéville, qu’un Zeppelin Allemand a atterri de manière inattendue, créant un incident diplomatique qui aurait pu déclencher la guerre dès 1913. Plus tard, le premier Zeppelin allemand abattu le sera au col de la Chapelotte en 1914.
Bague Over par l’artiste Giancarlo Montebello, or et argent. Photo : Pôle Bijou
L’exposition débute dans quelques jours et durera jusqu’en juin 2018. Vous avez quelques mois pour aller la découvrir, mais je vous invite fortement. Et vous souhaite, d’avance, une belle visite !
À bientôt !