De la perte et de la renaissance

Mai 1, 2018

Barbara Paganin est ce que l’on peut appeler une artiste joaillière complète. Depuis plus de 25 ans, elle imagine, crée et recycle sous forme de bijoux des éléments qui font échos à la perte et à ses propres souvenirs de vie. Sa dernière exposition, organisée à la galerie La Joaillerie par Mazlo en collaboration avec l’association Arketip est une pure merveille visuelle et émotionnelle. A condition, bien sur, d’accepter de regarder intimement vers soi et vers son propre chemin de vie.

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Barbara Paganin portant les broches de la série Memoria Aperta. Photo : Barbara Paganin

Avant de créer des pièces de bijouterie, Barbara Paganin a abord étudié l’art des métaux et du design de bijou à Venise, sa ville de naissance et de résidence, à l’Istituto Stalale d’Arte puis s’est initiée à la sculpture à l’Academia Di Belle Arti. A la suite de ses études, elle devient professeur de dessin technique et de design à Padoue et rejoint alors l’Istituto d’Arte Pietro Selvatico. Depuis 1988, elle est titulaire de la chaire de design professionnel de l’Istituto Stalale d’Arte qui est depuis devenu Ecole d’Art Michelangelo Guggenheim.

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MEMORIA APERTA N.11. Broche, 2011-13. Argent oxydé, portrait miniature ancien, verre, cabochon de tourmaline, or. Crédit photo: Alice Pavesi Fiori.

25 ans de création, cela représente de nombreux bijoux. Depuis 1997, elle les montre et les expose aussi au quatre coins du monde : la France, les États-Unis, l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie ou encore le Portugal ou l’Angleterre. Car les bijoux de Barbara sont puissants et différents. Puisant au fond de sa mémoire, elle traduit en bijoux la perte, le deuil, la douleur puis la transformation… Étudie la métamorphose de l’enfance vers la vie d’adulte, cherche au fond de sa mémoire les sensations et les ressentis de l’enfant qu’elle a été. Aussi l’étude attentive de ses pièces révèle l’utilisation méthodique et récurrente de petites chaussures évoquant celles des poupées. Cet élément, signature de ses dernières créations, s’explique dans un souvenir de Barbara Paganin. Petite, elle reçut une poupée et, comme beaucoup de petite-filles, fonda un amour puissant pour les petites chaussures qu’elle gardait précieusement avec elle, dans sa poche. Puis les perdit dans Venise sans espoir de les retrouver. Elle explique que encore aujourd’hui « quand je passe dans cette rue (de Venise, ndlr), je regarde le sol, espérant les retrouver« . Ce n’est donc pas un hasard si les petites Marie Janes (aussi appelées Babies ou chaussures Charles IX, ndlr) se retrouvent de manière quasi permanente sur ses bijoux et plus particulièrement sur la série Memoria Aperta (Mémoire ouverte, ndlr) imaginée et fabriquée entre 2011 et 2013 qui se retrouve exposée aujourd’hui à Paris.

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MEMORIA APERTA N.7. Broche, 2011-13. Argent, photographie, porcelaine, saphir jaune, or. Crédit photo: Alice Pavesi Fiori.

Ses pièces révèlent également des photos, portraits miniatures, fragments de porcelaines issus de son jardin et objets divers qu’elle trouve au grès de ses pérégrinations dans les brocantes et chez les antiquaires de Venise ou d’ailleurs. Collectant de nombreux éléments, elle les réutilise ensuite dans ses pièces pour leur donner une nouvelle vie et un nouveau sens. Enfin, il faut évoquer le thème végétal présent à de nombreuses reprises sous des formes très différentes. Depuis plusieurs années, le motif du chou Romanesco revient de manière récurrente. Au début, la créatrice a travaillé sur la feuille primordiale, celle qui inaugure la naissance d’une plante et qui se répète infiniment jusqu’à sa mort. Comme une manière de transfigurer le ressassement ? Peut-être. D’où le travail sur l’objet fractal naturel par excellence qu’est le Romanesco. Aussi le travaille-t-elle avec du verre de Murano mais aussi de la résine acrylique, lui donnant des couleurs magiques et l’intégrant ici comme élément d’un broche et là comme le motif principal d’un collier inoubliable.

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MEMORIA APERTA N.3. Broche, 2011-13. Argent patiné, verre, porcelaine, cadran de montre ancienne, rhodochrosite, or. Crédit photo: Alice Pavesi Fiori.

Il reste quelques jours pour découvrir l’exposition à la galerie la Joaillerie par Mazlo. Je ne peux que vous encourager à aller la voir car elle mérite vraiment le détour. Les pièces entre joaillerie et bijouterie sont très actuelles et modernes. Elles racontent des histoires de vies, des histoires de pertes et montrent combien la vie continue. J’ai été très touchée par plusieurs pièces exposées et j’espère qu’il en sera de même pour vous !

À bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.