Marie Beltrami est connue de tous. Si. Véritablement. Et pourtant, pour la plupart d’entre vous, vous ne savez pas qui elle est. Néanmoins, vous avez vu son travail à de nombreuses reprises à la télévision et vous avez admiré son sens du style sans imaginer qui se cachait derrière celui-ci… Si je vous dis la publicité « Égoïste » de Chanel ou les collants « Diam’s » de Dim, vous voyez ou je veux en venir ? Non ? Alors installez-vous confortablement et lisez…
Marie Beltrami dans son jardin. Photo : ©MarieChabrol
Fin juillet, dans la touffeur de l’été parisien, j’avais ainsi rendez-vous avec la plus fameuse chevelure rose de Paris. Je l’avais rapidement rencontré lors d’une soirée chez Artcurial et je m’étais juré de prendre un long moment pour l’interviewer. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvé dans son jardin, au cœur de Paris, pour discuter de sa vie, de ses souvenirs – nombreux et touchants – mais surtout pour évoquer la ligne de bijoux et les pièces qu’elle fabrique depuis les années 70. Retour en texte et images sur l’une des plus belles interviews que j’ai eu le privilège de mener. J’espère que son univers, poétique, disruptif, et parfois même érotique, sauront vous séduire…
Jeux de reflets avec cette bague en or et topaze bleue (traitée). Photo : ©MarieChabrol
Pour cerner Marie Beltrami, il faut d’abord dire qu’elle est une artiste complète. Rien ne lui fait peur et rien ne l’arrête. Meubles, vêtements, accessoires, bijoux, tableaux… Elle prend la matière, se l’approprie et la transforme. Entre ses mains, son imagination fertile donne vie à un monde et un univers coloré, souvent joyeux, mais jamais ennuyeux. Mais avant cela, il y eu une autre vie.
Avant de devenir une styliste star, elle commence par faire des études d’infirmière. Nous sommes dans les années 60 et plus exactement vers 1968. Alors que la bande Velpeau n’a plus de secrets pour elle, elle décide qu’il lui faut apprendre l’anglais. La voila en partance pour les USA et plus particulièrement New York. Finalement, elle pose ses valises à Las Vegas, puis fréquente les milieux artistiques. Pour celle qui a toujours « bricolé » et fait fonctionner ses mains au service de son imagination, rien n’est plus naturel et enrichissant. Et l’anglais devient secondaire ! Elle décide alors de se mettre à fabriquer ses propres vêtements et à son retour en France, s’achète une machine à coudre.
Des souris, des souris… Bagues en or jaune et or rhodié noir, diamants, rubis et grenats. Mouses, mouses… Photo : ©MarieChabrol
C’est un week-end sur l’île de Noirmoutier qui va changer sa vie. Alors que Robert Bresson y tourne « Lancelot du Lac » en 1973, elle devient amie avec la fille de Nikki de Saint-Phalle – Laura Duke Condominas – qui interprète Guenièvre dans ce film. L’histoire commence là. Puis en 1975, elle s’installe définitivement à Paris où elle rejoint toute la troupe qui gravite autour de Nikki. C’est ainsi qu’elle se lie d’amitié avec elle mais surtout avec la Princesse Marina de Grèce. Celle qui fabrique ses vêtements commence à en fabriquer pour d’autres… Car autour de Nikki se greffe une myriade d’artistes. Elle commence donc à travailler sur les films de Nikki, lui réalisant des costumes, puis elle imagine ceux du théâtre d’avant-garde de Paloma Picasso et de Gérard Darouste. Parmi ses coup de maître, les costumes du film de David Hamilton « Bylitis » sorti en 1977. Dans la foulée, elle réalise des bijoux en forme de glaçons et des colliers avec des épingles… Et en 1981 lance sa première collection avec, parmi ses pièces iconiques, des robes dont le tissu n’est autre que l’impression de lettres d’amours de ses prétendants ! Cette même année, l’événement politique majeur est l’élection de François Mitterrand. Sa réélection en 1988 offrira à Marie l’opportunité de la création d’une chemise politique : la « Chemise Tonton » qui a fait la Une des grands médias de l’époque.
Boucles d’oreilles réalisées à partir de forets à bois détournés. Photo : ©MarieChabrol
A cette époque, elle tournera même dans plusieurs films. Mais surtout, elle fréquente assidument La Coupole. L’incontournable restaurant de Montparnasse est le lieu de prédilection de toute l’Intelligentsia artistique de Paris. C’est ainsi que le hasard, ou la chance, lui font rencontrer Jean-Paul Goude, alors à la recherche d’une assistante et d’une styliste. Commence alors à s’écrire une histoire qui durera presque vingt ans. Vingt ans de pubs, de tournages auxquels se prête parfaitement l’imagination débridée de Marie. Le stylisme du spot « Égoïste » que vous connaissez tous pour ses alexandrins lancinants et la musique de Prokofiev, c’est elle. Vanessa Paradis en oiseau dans sa cage, c’est encore elle et la toréador sexy des collants Dim, toujours Marie… Styliste en chef de Goude, elle imagine comment mettre en scène ses idées, fait des propositions de matières et trouve des solutions pour que tout fonctionne en plateau… Après des années de travail en commun, leur duo créatif s’arrête et Marie ouvre alors une nouvelle page de son histoire créative. Nous sommes en 2005/2006, sa chevelure rose est toujours aussi pimpante et glamour et il est temps pour elle de s’exprimer en son nom. La voila qui repart vers du stylisme free-lance mais aussi vers des projets artistiques très différents, à son image. Elle enchaine alors des collaborations avec des noms tels que Philippe Stark, Dominique Issermann , Etienne Chatilliez et pour le journal l’Egoïste avec Bettina Rheims et Richard Avedon.
Texte écrit par Marie Beltrami lors d’un atelier d’écriture autour du bijoux. Photo : ©MarieChabrol
« Je suis addict à la singularité, parce que la singularité, c’est la liberté… »
Marie Beltrami
Trois souris… Projet pour une bague en or et diamants qui devrait bientôt voir le jour. Photo : ©MarieChabrol
En 2010, elle signe une exposition de photos « La femme qui sauve le monde » – réalisée en collaboration avec son fils Pascal à partir de 2006 – qu’elle dispose à la Galerie Antonine Catzeflis. Dans la foulée, elle propose ses « Cintrées » – des sculptures inspirées de son univers mode – et les expose aux Arts Décoratifs. En 2013, elle initie le projet « Sa vie de timbrée », une série de 350 lettres qu’elle a adressé à des personnalités qu’elle admire ; dont toutes ne sont plus de ce monde. Les réponses, parfois touchantes, parfois purement administratives, ont fait l’objet d’une exposition à l’Espace Louis Vuitton à Saint-Germain-des-Près. Puis vient Shanghai et en 2015, sa collection de meubles érotiques directement inspirés de ses propres dessins. C’est la Galerie Pierre Alain Challier qui l’expose alors.
Marie portant l’une de ses boucles d’oreilles imaginées dans les années 80. Photo : ©MarieChabrol
A partir de 2012/2013, elle commence à imaginer une série de bijoux figurant des souris et inspirée du chat de son ami Alexis Mabille. Des souris, tantôt mutines, tantôt coquines et parfois même légèrement punk. Mais Marie détourne aussi des forets à bois en faisant des boucles d’oreilles incroyables, imagine des sortes de pièces de métal pour couvrir les oreilles, ajoute des anneaux, s’inspire presque de l’univers érotico-SM pour donner une touche sexy à des bijoux que nulle autre qu’elle aurait pu imaginer. Graphique, audacieux, étonnant, les mots manquent pour caractériser avec précision Marie et c’est tant mieux ! Aujourd’hui, elle ajoute aussi l’écriture à son arc et vient de terminer un premier manuscrit, surréaliste, à son image, que j’ai pris un plaisir tout particulier à lire. J’espère qu’il sera édité sous peu et que vous pourrez le découvrir à votre tour !
La broche homard en or et grenats. Photo : ©MarieChabrol
De Marie, je retiens son élégance, sa culture, ses idées par milliers, sa volonté de détourner le moindre objet dont elle s’éprend. Sa joaillerie mêle or, argent, diamants, métal doré, éléments de seconde main… etc. Si les bijoux imposants, graphiques vous séduisent, courez découvrir son travail mais surtout n’oubliez de rencontrer Marie car vous ne le regretterez pas !
À bientôt !