Au début du mois de mai, j’ai eu l’occasion de partir une semaine entière à Genève. J’ai eu la chance de pouvoir m’accorder quelques jours de congés et c’était la semaine de la joaillerie dans la deuxième ville de Suisse. J’ai donc allié l’utile à l’agréable et je compte éditer ici un « carnet de voyage » sur ce séjour pour vous donner quelques idées si vous souhaitez explorer la ville, son lac et ses quartiers tous plus conviviaux les uns que les autres. Mais auparavant, suivant les recommandations d’amis genevois, je suis allée découvrir la Fondation Baur, également présentée comme le musée des arts d’Extrême-Orient de la ville de Genève. Ce fut l’une de mes plus belles visites et j’avoue que je serais « passée à coté » si je n’avais pas été guidée par des amis connaisseurs de la ville. Mais alors, qu’est-ce qui rend cet endroit si beau et incontournable ?
La Fondation Baur. Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
En quittant le centre ville et la rue du Rhône, vous montez progressivement dans la vieille ville. Rues pavées, jolis immeubles et escaliers vertigineux composent un ensemble architectural particulièrement cohérent. A faire à pieds ou à vélo tant il y a de détails à admirer un peu partout. Mais attention, de bonnes chaussures sont nécessaires, ça grimpe ! Au-delà du Musée d’Art et d’Histoire, vous basculez dans le quartier des Tranchées, un quartier plus récent datant du XIXe siècle composé principalement de petits immeubles de rapport et de beaux hôtels particuliers. C’est ici qu’en 1951, Alfred Baur décide d’implanter sa collection. Il décède la même année mais une dizaine d’année plus tard, sa maison est ouverte au public et devient alors le musée que nous connaissons actuellement.
Jade de la dynastie Qing (1644-1911). Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
Ensemble de flacons à tabac de la Dynastie Qing (1644-1911). Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
1- Qui etait Alfred Baur ?
Né en Allemagne en 1865, Alfred Baur va se spécialiser dans le commerce international et va très vite être envoyé à Colombo (Sri Lanka) ou il va fonder rapidement sa propre entreprise d’engrais organique A. Baur & Co, laquelle existe toujours aujourd’hui. Dès 1906, il rentre en Suisse car c’est la ville de son épouse : Eugénie Baur-Duret. C’est à la même époque qu’il commence à collectionner les objets d’art asiatiques. D’abord les netsuké, les sabres puis les céramiques. Tous ces objets étant principalement japonais. Recherchant la perfection technique, il s’entoure dès 1924 de l’expert Tomita Kumasaku qui est également marchand. C’est grâce à ses conseils avisés qu’il va constituer l’une des plus belles collections de Suisse. Cependant d’autres marchants vont l’accompagner dans ses choix de collectionneurs : on citera par exemple Gustave Loup qui l’aidera à acquérir des objets chinois de belles factures comme certains jade ou encore Thomas Bates Blow qui lui est spécialisé dans les objets japonais.
Jade de la dynastie Qing (1644-1911). Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
Ensemble de flacons à tabac de la Dynastie Qing (1644-1911). Lapis-lazuli et tourmaline rose. Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
2- La Fondation Baur
La maison, située rue Munier-Romilly date du tout début du XXe siècle. Acquise en 1951 par Alfred Baur, celui-ci souhaite créer dans ce lieu un espace de présentation de sa somptueuse collection qui regroupe aujourd’hui – grâce aux donations – presque 9000 objets dont les plus anciens sont des céramiques de la dynastie des Tang (618-907). Il voulait un lieu où les visiteurs « n’auraient pas l’impression d’un musée, mais plutôt d’une maison particulière, où les objets d’art pourraient être examinés à loisir ». Il faudra attendre 1964 pour que celui-ci ouvre.
Flacon à tabac de la Dynastie Qing (1644-1911). Verre, calcédoine et jade. Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
La décoration intérieure se veut sobre, raffinée et au service des œuvres. Et le pari est pleinement réussi. Le rez-de-chaussée est réservé aux céramiques des dynasties Tang, Song et Ming ainsi qu’aux jades et aux sculptures en cristal de roche. Au premier étage, il faut prendre le temps d’admirer la collection de flacons à tabacs chinois. Vous y découvrirez un ensemble de pièces en quartz, jade ou agate dont les bouchons en tourmalines roses sont d’une couleur parfaite. Une mention spéciale pour plusieurs flacons taillés dans du quartz à tourmaline noire dont le rendu est particulièrement époustouflant. La grande majorité des jades et des flacons date de la dynastie des Qing (1644-1911).
Vase sculpté en cristal de roche. Dynastie Qing (1644-1911). Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
Flacon à tabac de la Dynastie Qing (1644-1911). Tourmaline et jade. Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
Au dernier étage, il s’agit de découvrir les collections japonaises constituées de sabres, boites à thé et netsuké. La scénographie est, comme ailleurs dans le musée, extrêmement apaisante. Les couleurs – souvent neutres – mettent en valeurs les objets et ne polluent pas le regard. On est, partout, concentré sur les œuvres afin de les détailler dans le calme. Si ce dernier niveau reprend la thématique d’une chambre du thé, le rez-de-chaussée accueille une petite fontaine et son bassin dont le son guide une partie de votre visite. Enfin, un jardin japonais est visible depuis toutes les fenêtres de la maison et achève la sensation de paix et de sérénité de la Fondation Baur.
Jade de la dynastie Qing (1644-1911). Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
Le jardin japonais de la Fondation Baur. Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
3- Les collections de jades et de flacons
Alfred Baur a rassemblé dans sa collection chinoise plus de 1500 pièces. On y compte 756 céramiques de la plus belle facture et cet ensemble est réputé dans le monde entier pour sa cohérence. S’ajoutent 137 jades avec des vases, des brûle-parfums, des coupes et des bols qui furent exécutées entre le XVIIIe et le début du XXe siècle. Baur aimait particuliérement des jades dits « Moghols » dont les motifs de style indien se combinent à des éléments stylistiques du boudhisme tibétain. On sait que Baur était un passioné de techniques et qu’il recherchait la perfection dans les objets qu’il acquérait. La collection reflète bien cette volonté et présente une homogeneité surprenante.
Jade de la dynastie Qing (1644-1911). Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
Ensemble de flacons à tabac de la Dynastie Qing (1644-1911). Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
Enfin, on compte plus de 500 flacons à tabac dont les matériaux sont tous très différents allant du verre « overlay » ou peint, au cristal de roche, au jade, l’agate, la calcédoine, la porcelaine, la nacre, la laque, l’ivoire ou encore émail. Là aussi, on note l’extréme raffinement avec lequel Baur a choisi les pièces dignes de figurer dans sa collection. Aussi, je doute que vous puissiez être déçu ! Quand à la mise en scène, elle est impecablement soignée. Seule chose à savoir, il vous faudra prendre à l’entrée de chaque salle le petit livret qui vous donnera les différentes informations sur les pièces exposées. Le musée a fait le choix de ne pas poser de cartels dans les vitrines.
Jade de la dynastie Qing (1644-1911). Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
Flacon à tabac de la Dynastie Qing (1644-1911). Verre, calcédoine et jade. Photo : ©Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève. Photo Marian Gérard
La Fondation Baur mérite que vous preniez le temps de la visiter. En plus des collections permanente, elle propose des expositions temporaires d’une grande qualité. Elle a d’ailleurs exposé de la joaillerie et surtout une très belle expostion sur Cartier et le japonisme. Cette grande maison de maître posséde de très nombreux atouts mais c’est principalement sa localisation dans un quartier calme et verdoyant qui contribue à rendre, plus encore, l’experience de la visite inoubliable. Il est maintenant temps de reprendre une activité normale. Mais désormais vous savez !
À bientôt !
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La Fondation Baur est ouverte du Mardi au Dimanche de 14 à 18 heures.
Tarif : 10 CHF. Expostion temporaire : 5 CHF