S’il faut choisir comment finir cette année 2020, je dirai que rester au chaud, avec des livres, en attendant que ça aille mieux dehors serait une bonne idée. Non pas que je sois pessimiste, loin de là, mais le climat ambiant n’est pas très porteur, alors pour compenser, je pense cadeaux de Noël, beaux livres à offrir ou à se faire offrir. Je finirai donc l’année 2020 sur cette note avec de jolies recommandations qui je l’espère vous plairont. N’oubliez pas de vous balader dans la page « bibliothèque idéale » car vous y trouverez encore de très nombreuses idées !
1- In flux : american jewelery & the counterculture (🇬🇧) – Arnoldsche Publishers – 28 euros (Chronique/review IG)
Avec cet ouvrage vous allez pouvoir plonger dans une période troublée de l’histoire américaine qui trouve sa place dans les années 60 et 70. Alors que la guerre du Vietnam éclate en 1955, une partie du peuple américain et majoritairement la jeunesse de ce pays va rejeter une grande partie des valeurs prônées par les présidents successifs que sont Eisenhower, Kennedy, Johnson et enfin Nixon qui voit son mandat s’achever dans le scandale du Watergate en 1974. C’est dans ce contexte que de nombreux studio de bijouterie commencent à produire une bijouterie politique qui dénonce le règne de la consommation de masse mais également cette vie charmante de banlieue qu’on choisit leurs parents. Nous sommes au début des mouvements Hippie et Psychédélique dans lesquels s’expriment le rejet plus au moins violent du conformisme américain.
Cette période symbolise l’avènement de l’amour libre au son des musiques mythiques de Jimmy Hendrix, des Doors, des Pink Floyd ou des Grateful Dead. S’ajoute l’opposition à la guerre du Vietnam, les blocages des universités dont celui de Berkeley entre 64 et 65, le combat pour les droits civils de la communauté afro-américaine comme ceux des femmes qui s’inscrivent dans ce mouvement de libération. On notera la naissance du mouvement Woman Strike for Peace en 1961. Si on connait bien les badges comme bijoux politiques américains, on oublie souvent que de nombreux créateurs ont profité de cette période pour mener des recherches artistiques et explorer des sources d’inspirations provenant par exemple de la culture Indienne faisant apparaitre dans leurs pièces des turquoises, des pierres bleues, des plumes. Avec un objectif, raconter une histoire américaine bien loin des schémas historiques véhiculés dans les livres d’histoire.
De nombreux parallèles peuvent être fait avec notre époque actuelle tant la violence des débats dans les années 60-70 est comparable à bien des égards à l’histoire que nous vivons. Le livre est particulièrement bien écrits, il permet de découvrir le travail de bijoutiers tels que William Clark, Ken Cory, Carolyn Kriegman, Sam Kramer dont je vous ai déjà parlé, Karen McCreary ou encore Bruce Metcalf. Je ne peux que vous encourager à l’acquérir tant il est particulièrement complet et bien documenté. Alors, foncez chez votre libraire et n’hésitez pas à lui passer commande de cette bible de la contre culture bijoutière. Vous ne regretterez pas d’avoir dépensé 44 euros
2- « Thinking jewellery » (🇬🇧) – Arnoldsche Publishers – 15€ (Chronique/review IG)
J’attire votre attention sur la publication du volume deux Thinking Jewellery qui est en réalité la transcription des éléments du colloque du même nom organisé en 2017. Celui-ci s’organise depuis 2005 à la Trier University de Ober-Oberstein. Ce petit livre de 155 pages vous coutera la modique somme de 15 euros et il est édité par Arnoldshe Publischers. Il est un complément passionnant au travail de Marjan Unger dont je vous ai parlé longuement il y a quelques mois.
Le symposium Thinking Jewellery a été fondé par Wihelm Lindemann qui s’occupe de la curation et du management de festival et d’événements culturels. Ce colloque, plus particulièrement, s’organise tous les trois ans à l’Université des sciences appliqués d’Idar-Oberstein, la capitale allemande de la taille de pierres et historiquement celle des agates. Dans ce petit ouvrage, on retrouve la présentation de Lindemann autour de l’évolution de la notion de cristal, depuis sa conception scientifique à sa conception artistique et marketing actuelle. De con coté, Olaf Müller se penche sur les phénomènes physiques des pierres gemmes depuis les premiers travaux de Goethe jusqu’à aujourd’hui. Une manière de montrer l’évolution de la science des pierres depuis ses débuts et de comparer des croyances au travers des siècles. N’hésitez pas à commander ce petit livre qui nourrira très certainement votre réflexion sur ce que l’on nomme une pierre gemme ou un bijou
3- « Silvia Furmanovich » 🇫🇷 – Assouline – 175 euros (chronique/review IG)
Silvia Furmanovich est certainement la créatrice de haute joaillerie brésilienne par excellence. Cette toute première monographie sur le travail de cette très belle maison de joaillerie compte plus de 208 pages pour un total de 150 illustrations toutes dans des formats impressionants qui permettent de saisir le détail et la compléxité des créations imaginées par Silvia Furmanovich.
La créatrice est issue d’une famille de joailliers puisque son père fabriquait des ornements sacrés pour le Vatican quand son père éxercait son art comme orfèvre. Son enfance dans l’atelier de son père lui donne envie de créer sa propre marque et elle démarre en 1998. Dix ans plus tard, elle ouvre sa première boutique à Sao Paulo. Son travail est unique : mélange d’influences diverses, de techniques oubliées, de matières inattendues dans l’industrie de la joaillerie. Parmi ses choix audacieux, on retiendra la marqueterie de bois qu’elle sait utiliser avec brio, les miniatures peintes qui habillent parfaitement ses pièces ou encre le bambou tressé qu’elle dévoile dans sa dernière collection. Les pierres sont aussi extrêmement importantes pour celle qui offre à ses clients des matières souvent spectaculaires : ici des rhodonites gemmes, là des jades gravés, ailleurs d’imposantes opales de feu ou des grenats multicolores.
Son approche du design en joaillerie est presque unique en soi, tant la créatrice s’affranchit des barrières du métiers en osant mélanger des matières et des techniques pour créer des pièces qui ne ressemblent à nulle autre. Le livre écrit par Béatrice del Favaro vous emmène à la découverte de cette très belle maison et vous offre la possibilité de découvrir des pièces souvent confidentielles.
4- « Hunt : Kadri Malk’s jewelry collection » 🇪🇪🇬🇧 – Arnoldsche Publishers – 44 euros
Au travers de ce bel ouvrage, la collectionneuse et créatrice Kadri Mälk – elle est également professeur à l’Académie des Arts d’Estonie (EAA) – présente l’ensemble de sa collection de bijoux contemporains. Son amour pour le bijou débute après ses études de peinture. Elle va alors étudier en Finlande, en Russie et sera également l’élève du maitre lapidaire Bernd Munsteiner. Après plusieurs années de formation, puis en tant que créatrice free-lance, elle intègre l’EAA où elle devient professeur et où elle enseigne autant la création que le travail du métal.
Au travers de ce magnifique ouvrage, elle présente des créateurs dont elle aime et collectionne le travail, des créateurs qui – selon elle – apporte et insuffle quelque chose de nouveau et d’audacieux à la bijouterie contemporaine. Parmi les artistes de ce livre, on retrouve Julia Maria Künnap ou Kristi Paap mais également Robert Baines ou Darja Popolitova. Si j’ai énormément aimé cette compilation, je ne la conseillerai pas à un néophyte qui cherche à s’initier au bijou contemporain. C’est un livre pour les connaisseurs, les gens qui se posent des questions sur le bijou et qui ont déjà mené une réflexion sur la fonction et la valeur de la parure. Il y a des ouvrages plus simples d’accès, celui-ci est donc réservé à des lecteurs éclairés.
Le livre est très bien écrit, les photos sont très belles et elles permettent de saisir les détails des matières comme ceux de la fabrication des pièces. Dernier détail et non des moindres, à chaque page, quand vous découvrirez un bijou, vous découvrirez également le porteur : artistes, bijoutiers, élèves de Kadri Mälk… Tous se sont prêtés au jeu en apportant un regard propre sur la manière d’aborder ces bijoux dans le quotidien.
5- « Shaun Leane » 🇬🇧 – Arnoldsche Publishers – 68 euros au départ de l’éditeur
C’est peut-être le livre que j’ai le plus lu et relu ces dernières semaines. Et c’est peu dire que j’attendais depuis longtemps une monographie sur le travail de ce créateur incroyable qu’est Shaun Leane, le créateur le plus éclectique et prolifique de ces dernières années.
Connu pour avoir travaillé et collaboré étroitement avec Alexander McQueen, ses pièces sont aussi dingues qu’audacieuses. Parmis ses designs avant-gardistes, on peut citer le corset squelette emblématique avec une colonne vertébrale, son spectaculaire corset en métal, inspiré des anneaux de cou des Ndebele, ou encore – après la mort de McQueen – le gant de soirée serti de diamants – intitulé Contra Mundum – que porta l’artiste Daphnee Guiness. La réalisation de cette pièce a nécessité 4 joailliers à temps plein, 21 essayages. On notera que cette pièce est sertie de 4290 diamants.
En plus de collaborations avec de grandes marques de mode et de joaillerie comme Givenchy et Boucheron, le créateur de bijoux et sa société Shaun Leane Jewellery commercialisent également ses propres collections de séries. Björk et Elton John font partis de ceux qui portent des bijoux Leane, tout comme Emma Watson, Kate Moss ou des membres de la famille royale britannique. En outre, des œuvres du designer ont été incluses dans les collections permanentes du Metropolitan Museum of Art de New York ou du Victoria and Albert Museum de Londres.
Le livre qui compte 320 pages et plus de 260 illustrations regroupe des visuels de photographes célébres tels que Nick Knight, Robert Fairer et Chris Moore. S’ajoutent aussi de très belles photos prises par Ann Ray, peut-être l’une des personnes dont il est le plus proche. De part son talent, Shaun Leane repousse toujours plus les limites de ce qui est portable. Et son extravagance rappelle sans cesse que sans folie il n’y a pas de création. Alors, tachez de vous procurer cet ouvrage car il est, à mon sens, plus que nécessaire !
A bientôt !