La maison Dreicer & Co

Nov 1, 2014

La vente aux enchères « Bijoux » organisée par la maison Freeman’s le 3 novembre à Philadelphie proposera une bien jolie pièce réalisée par la maison Dreicer & Co au début du XXe siècle.

Cette maison, dont l’on retrouve de temps en temps des pièces dans les vacations est une signature célèbre du premier quart du XXe siècle. Je me propose donc ici, de vous en parler et de vous faire découvrir son histoire et quelques unes de ses réalisations.

L’histoire commence en 1868. Cette année-là, deux après avoir émigré de la Russie au États-Unis, Jacob Dreicer et sa femme Gittel installent une première boutique de joaillerie au 1128 Broadway à New York. Tout les ans, Gittel part à l’étranger pour acheter des pierres brutes dont elle supervisera la taille afin que son mari les propose à la vente. Jacob a beaucoup de goût en la matière, lequel est hérité de sa famille et de son passé en Russie. Il propose donc aux élégantes des bijoux enrichis de pierres colorées : rubis, saphirs, émeraudes, diamants aussi. Mais en ce dernier quart du XIXe siècle, les femmes sont conquises par les perles fines. Qu’à cela ne tienne, il proposera des perles ! Son fils qui nait l’année de l’ouverture de la boutique se formera avec ses parents mais aussi durant les voyages de sa mère à Londres, Amsterdam ou Paris. Il va ainsi devenir un expert dans les perles fines pour le marché américain.

En affinant la sélection des bijoux qu’elle propose à la vente, la famille Dreicer va petit à petit rivaliser avec des joailleries plus établies auprès du grand public de l’époque telles Black, Ball & Co. ou encore Tiffany & Co. En 1885, Michael Dreicer rejoint officiellement l’aventure familiale et par la même occasion la maison change de nom pour devenir J. Dreicer & Son.

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Bracelet en or et émail réalisé vers 1900 par la maison J. Dreicer & Son. Il fut vendu chez Sotheby’s en 2003 pour 1900 $. Photo : Sotheby’s.

La maison va, en 1885, acquérir l’immeuble puis déménager au 260 de la 5eme avenue, New York. La maison effectuera aussi plusieurs autres placements immobiliers dans la 5eme avenue. Réputé en cette fin du XIXe / début du XXe siècles comme un quartier chic de la ville, cela ne changera pas au fil des ans. Cependant, notons que Dreicer est l’un des premiers à percevoir à la fin du XIXe siècle le potentiel commercial à venir de cette artère aujourd’hui mondialement connue. Il va ainsi asseoir la réputation de sa boutique et rivaliser avec les plus grands. Le Times va les décrire comme ayant créé « dans ce pays un goût pour les plus belles gemmes et pour l’art exquis de la joaillerie ». Parallèlement à cette boutique, ils posséderont une adresse à Chicago au Blackstone Hotel et une adresse dite « d’hiver » à Palm Beach.

 En 1904, la firme se fait encore un peu plus connaître en représentant la maison française Atanik Eknayan, diamantaires parisiens. M. Eknayan est entre autres connu pour avoir taillé la briolette des Indes entre 1908-1909, laquelle sera vendue par Cartier avant de continuer sa vie parmi les grandes fortunes mondiales. Mais revenons à 1904, lors de la Louisiana Purchase Exhibition, la maison Dreicer va proposer un choix de bijoux en platine et diamants qui auront un grand succès, ce style et ce goût pour les pièces entièrement empierrées de brillants va perdurer jusque dans les années 20 / 30.

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Broche en platine et diamants datant de 1910 environ. Signée Dreicer & Co, elle fut vendue chez Sotheby’s pour 86.500 $. Photo : Sotheby’s

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Collier en platine, diamants et perles fines. Sur ce collier, le poids total des diamants est estimé à 22 carats. Vendu en 2009 chez Bonhams pour 67.000 $. Photo : Bonhams

En 1906, la maison déménage encore pour s’installer un peu plus au nord de la 5eme avenue, elle pose ainsi définitivement ses valises au 560 et n’en bougera plus. Elle fera appel aux plus grands noms du design et de l’artisanat de ce début XXe pour meubler et agencer cette adresse. Il semble aussi que la maison change encore de nom à cette époque pour devenir Dreicer & Co.

En 1915, ils exposent au Grand Central Palace un rang de perles fines, lequel est proposé au prix astronomique pour l’époque de 800.000 $. Le collier, composé de 59 perles, est accompagné d’un fermoir en diamants et émeraudes. L’histoire raconte de Dreicer mis plusieurs années à rassembler les perles qui figurent sur ce bijou. Certaines provenaient de la collection de la Comtesse de Dudley, mais les dernières perles qui permirent de le terminer ont été acquises auprès de la Duchesse de Sutherland. On murmure que les perles furent vendues pour financer les impôts fonciers qu’elle devait pour ses terres en Écosse. Je vous invite à lire cet article du 27 aout 1915 écrit à ce sujet par le New York Times. En 1916, la maison importe et propose à la vente un rang de perles dont on dit que le prix fut de plus d’un million de dollars.

L’entreprise va ainsi continuer de vivre durant tout ce premier quart du XXe siècle. Les années 20 marquent la fin de la maison. En 1921, Michael Dreicer décède à l’âge de 53 ans dans sa propriété de Deepdale à Long Island. Moins d’un mois plus tard, Jacob Dreicer meurt à son tour, dévasté par le décès de son unique fils. L’entreprise ferme définitivement ses portes en 1923 après la liquidation de l’ensemble des actifs. La bâtiment du 560 de la 5e avenue est vendue à la Northern Pacific Railway Company et Cartier se porte acquéreur de l’ensemble du stock pour la somme de 2,5 millions de dollars. La collection de tableaux de la famille rejoint le Metropolitan.

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Bague en platine, diamants et centre émeraude gravée, réalisée par la maison Dreicer & Co vers 1920. Elle fut vendue chez Sotheby’s en 2013 pour un peu plus de 33.000 $. Photo : Sotheby’s

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Bague en platine, diamant certifié GIA E Vs2 de 5,67 carats et émeraude certifiée naturelle par l’AGL de 3,18 carats. Cette bague Art déco signée Dreicer & Co. fut vendue en 2000 chez Christie’s pour la somme de 226.000 $. Elle fut la propriété de Belle Wilcox Baruch.

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Bague en platine et diamants dont le centre est un diamant rose de plus de 9 carats. Propriété de Mme Huguette M. Clark, elle fut vendue en 2012 chez Christie’s pour 15 millions de dollars. Photo : Christie’s. C’est assurément la plus belle et la plus onéreuse pièce de la maison Dreicer vendue ces dernières années.

Régulièrement, des pièces passent dans les ventes aux enchères. Elles témoignent d’une histoire un peu oubliée et d’une époque révolue. La bâtiment existe toujours, si vous allez à New York, allez le voir.

À bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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