Paula Crevoshay au Musée de Minéralogie de Paris

Nov 14, 2016

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L’événement de novembre à Paris, c’est l’ouverture de l’exposition « Illuminations, de la terre au bijou », une remarquable rétrospective de l’artiste joaillière américaine Paula Crevoshay.

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L’artiste dans son studio. Photo : Paula Crevoshay

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Bracelet « Sabrina » en or jaune, grenats tsavorites, zircons bleus et opales. Photo : Paula Crevoshay

Exposée pour la première fois en France, elle a choisi le Musée de Minéralogie Mines ParisTech pour faire découvrir ses créations et ainsi proposer aux visiteurs un superbe voyage depuis la pierre brute jusqu’à sa mise en valeur dans un bijou unique.

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Liddicoaite. Photo : Mines ParisTech

Mondialement reconnue pour son travail, ses pièces sont aujourd’hui préservées dans de nombreuses collections particulières et dans de nombreux musées tels que : le musée du Gemological Institute of America (Carlsbad, Californie, USA), le Carnegie Museum of Natural History (Pittsburgh, PA, USA), et dans la Collection Nationale de Gemmes à la Smithsonian Institution (Washington, DC, USA).

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Broche en or jaune, zircons bleus, marqueterie de pierres dures dont rhodochrosite, opales, turquoise, malachite et onyx. Photo : Paula Crevoshay

C’était donc une évidence de venir à Paris où le Musée de Minéralogie présente la plus riche collection systématique comprenant des spécimens d’une grande rareté et de très nombreuses gemmes issues des anciennes collections royales. À cette occasion, nous avons pris le temps de rencontrer l’artiste et de lui poser quelques questions sur son travail.

  • Chère Paula, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? 

Mon intérêt pour la joaillerie date de mon enfance. J’ai toujours peint, dessiné et j’ai très tôt développé un sens artistique. Quand j’étais enfant, entre quatre et neuf ans, j’ai aussi constitué une collection de bijoux fantaisies. Puis en Licence, j’ai aussi étudié et pratiqué l’orfèvrerie comme hobby.

Quand j’étais en Asie où j’ai vécu durant quatre ans, je me suis essayée au travail de l’or et des pierres gemmes et j’ai commencé à apprendre des techniques traditionnelles liées au travail du métal. Mes toutes premières pièces ont rapidement eu du succès et j’ai été encouragée dans cette voie.

J’ai très vite compris que les pièces uniques retenaient bien plus l’intérêt des collectionneurs, et à vingt-six ans j’ai pris la décision de ne plus jamais faire des pièces reproductibles. Trente-trois ans plus tard, ma passion pour la gemmologie, l’histoire de l’art, la couleur et la lumière est toujours intacte. Elle trouve aujourd’hui une résonance particulière dans cette collection qui mêle la science et l’art de la joaillerie.

L’exposition « Illuminations, de la terre au bijou » vient d’ouvrir au Musée de Minéralogie de Paris. Elle raconte mon parcours d’artiste passionnée par la lumière de la Terre et tout ce qu’elle peut nous apporter. J’ai la chance formidable d’être soutenue par mon public et mon industrie professionnelle qui m’a surnommé depuis longtemps « La Reine de la Couleur » et je suis reconnaissante pour cela !

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Bracelet « Rainbow over Montana« , or jaune et saphirs du Montana. Photo : Paula Crevoshay

  • Où avez-vous appris l’art de la joaillerie ?

Comme je vous le disais, j’ai commencé à étudier la fabrication joaillière durant ma Licence à la Virginia Commonwealth University. À cette époque, mon objectif principal était l’étude des disciplines plus classiques : la peinture, la sculpture et le dessin. Mais ma passion pour la joaillerie était toujours là et elle a refait surface avec force à cette période.

Après un master en peinture et gravure à l’Université du Wisconsin, à Madison, je me suis envolée pour l’Inde pour quatre années avec mon regretté mari George Crevoshay qui avait obtenu une bourse Fulbright et une bourse de l’America Institute of Indian Studies pour quatre ans. C’est en Inde que tout s’est véritablement révélé avec l’apprentissage de techniques traditionnelles. Quand je suis rentrée aux États-Unis, j’ai proposé des créations dans des concours et j’ai obtenu des prix. J’ai alors compris que la joaillerie serait désormais mon médium d’expression artistique.

J’ai pris rapidement conscience que pour exprimer la totalité de mon potentiel créatif, j’avais besoin d’aide. Comme beaucoup avant moi, Lalique ou Fabergé, je me devais de m’entourer d’artisans compétants pour réaliser mes ambitions artistiques. Mon premier atelier fut fondé en Thaïlande puis nous avons ensuite ouvert un autre lieu au Nouveau-Mexique (où je réside) et je me suis aussi adjoint les compétences d’artisans spécialisés à Hong Kong, New York et aussi en Floride. L’art de la joaillerie est une industrie globale et de nombreuses techniques sont spécifiques à l’endroit sur terre où vous les trouvez. Aussi, quand je trouve des personnes engagées au plus haut niveau dans leur pratique professionnelle, je les recrute !

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Saphir. Photo : Mines ParisTech

  • Pouvez-vous nous en dire plus sur vos inspirations et sur votre cheminement créatif ? 

Ma plus grande source d’inspiration est Mère Nature. La beauté et même la splendeur de la nature est sublime. En tant qu’artiste joaillière, j’aime mélanger plusieurs disciplines dans mon travail. De la même manière que quand j’étais peintre.

Quand vous observez un bijoux signé Crevoshay, vous voyiez aussi qu’une grande partie de mon travail se fonde sur les principes de gemmologie. Je tiens compte autant des couleurs que des indices de refraction mais aussi de tellement d’autres choses… Mon mémoire en Master avait pour objectif de montrer que l’on ne peut pas initier une pièce maitresse sans combiner les savoir-faire. Quand vous étudiez l’Histoire de l’Art, vous comprennez très rapidement que les grands maîtres ont perçu cela très tôt. Léonard De Vinci en est le parfait exemple.

Ma prochaine idée sera de mettre à l’honneur les grandes mines et de créer des bijoux qui reflètent les spécimens geologiques et gemmologiques que l’on peut trouver dans ces lieux. L’exposition « Illuminations, de la terre au bijou » n’est que le début et aussi le catalyseur d’un travail que mène depuis trois ans maintenant. J’ai encore tellement à donner et j’aimerai que mon travail ouvre des horizons et des chemins pour la future génération.

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Broche « Gift of the Sun« , or jaune, sphalérite de 8,25 ct, diamants bruns, grenats démantoides et opales. Photo : Paula Crevoshay

  • Vos bijoux sont toujours impressionnants et très colorés. Quelles sont vos gemmes favorites pour travailler ? 

Je me suis souvent posée cette question et je dois reconnaitre que j’aime toutes les gemmes. C’est comme me demander en tant que mère si j’ai un enfant préféré. Je ne peux pas choisir !

Mais je dois admettre que l’opale est très souvent présente dans mon travail. Cela est du au fait que je la trouve très graphique voir même « picturale ». Si on regarde le travail de Monet, Van Gogh ou d’autres modernites, tous paignaient comme cela avec des couleurs franches. Ensuite, il y a les feldspath car je suis absolument facinée par le phénomène d’adularescence intrinsèquement lié à leur structure minérale. Les tourmalines et les spinelles sont absolument fantastiques car elles fournissent une myriade de coloris. Enfin ma réponse doit aussi tenir compte des caractéristiques des pierres et de ce que la lumière produit sur elles. Je souhaite que celui qui regarde le bijou ait envie de s’attarder sur chacune des gemmes que j’ai décidé d’associer.

L’un des buts que je me suis fixée quand j’avais vingt-six ans est de sertir un maximum de gemmes avant que je quitte cette terre. C’est un objectif ambitieux !

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Azurite. Photo : Mines ParisTech

  • C’est une occasion unique pour les français de voir vos bijoux car c’est la toute première fois que vous exposez en France. Pourquoi avoir choisi Paris et plus spécialement le Musée de Minéralogie pour exposer vos pièces ? 

Je suis venue en France à la toute fin des années 80 et j’ai tout de suite aimé Paris et ce qu’elle représente pour l’Histoire de l’Art, la Culture ; il y a de la beauté et de l’art partout. Je ressents cette ville comme un flambeau culturel pour l’Humanité. Je ne pouvais pas espèrer meilleure ville que la Ville Lumière pour le lancement de mon exposition. Le nom même de l’événement « Illuminations » est parfaitement adapté au lieu !

Le Musée de Minéralogie m’a été suggéré par une amie très chère : Delphine Le Blanc. Elle aime et comprends mon travail. Je lui ai expliqué un jour que j’avais ce rêve d’exposer mes pièces à Paris et elle a immédiatement répondu qu’elle pouvait m’aider. Les années ont passé et j’ai gardé cette idée dans un coin de ma tête. Il y a deux ans, Martin et moi-même sommes revenu à Paris et nous avons rencontré Delphine, Jean-Claude Bouillard (directeur de la collection de minéralogie de l’Université Pierre-et-Marie-Curie, nda) et Didier Nectoux (Conservateur du Musée de Minéralogie de Mines Paristech, nda). J’ai alors exposé mon projet et les choses se sont enchainées.

Les salles du Musée sont absoluement parfaites pour un tel événement car l’exposition est un mélange d’art, de science et d’histoire. De plus, ce musée a été créé avec cette idée de partage quand René Just Haüy fonde le lieu en 1794. Je me sens donc privilégiée de pouvoir exposer ici car aucun autre lieu n’aurait eu le même impact.

L’exposition qui vient d’ouvrir dure jusqu’au 1 février 2017. Je vous invite fortement à aller à la découverte de ce très bel événement comme à la rencontre de la collection du Musée. C’est un lieu hors du temps qui saura vous faire aimer les minéraux!

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Opale. Photo : Mines Paristech

Enfin pour compléter votre collection de livres sur le sujet, sachez que l’artiste en collaboration avec l’équipe de conservation du Musée vient de publier un très bel ouvrage retraçant cet événement. Il est disponible au tarif de 50 $.

Bonne visite et à bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.