Une histoire familiale : la maison John Rubel

Fév 11, 2017

Quiconque s’intéresse ou se passionne pour l’histoire du bijou ne peut pas ignorer l’existence de la maison franco-américaine John Rubel. J’ai refermé il y a peu le magnifique livre concernant cette entreprise et rassemblant les souvenirs de la famille Rubel. Cette lecture fut d’autant plus émouvante que ce livre n’est pas encore édité et qu’il permet de partir à la rencontre de personnalités importantes pour l’univers de la joaillerie parisienne.

Sophie Mizrahi-Rubel

Ma lecture terminée, j’ai eu envie de mieux connaitre celle qui aujourd’hui incarne la maison. C’est autour d’un chocolat chaud, rue de la Paix, que j’ai proposé à Sophie Mizrahi-Rubel de me parler d’elle, de sa famille et de ses inspirations. Retour sur un très joli rendez-vous, une « histoire de pierres en filles » comme elle aime la définir…

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Bague « La Divine » en or blanc, diamants, rubis dont centre de 4,09 cts en provenance du Mozambique (2015). Photo : John Rubel

La famille Rubel est hongroise et est depuis très longtemps impliquée dans le commerce des bijoux. Les parents de Jean et Robert Rubel possédaient une boutique à Budapest. En 1915 quand ils arrivent en France, ils ouvrent un atelier au 22 de la rue Vivienne. La société « Rubel Frères » va très vite acquérir une excellente réputation auprès des joailliers de la place et c’est ainsi qu’il va devenir l’un des ateliers privilégiés de la maison Van Cleef & Arpels, jusqu’à partager le même dessinateur : M. Maurice Duvalet.

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Déclinaison de la bague « Ginger » en or blanc ou jaune, diamants, saphirs, émeraudes, perles de culture ou encore turquoises. La bague est personnalisable à l’infini… Celle-ci est inspiré du bracelet « Rouleau » qui fut vendu aux enchères en 2012. Photo : John Rubel

Tout au long des années 20 et 30, la maison écrit un chapitre d’histoire riche de créations emblématiques de cette période de l’entre deux-guerres. Et puis, en 1939, tout change. Van Cleef & Arpels vient de s’installer aux États-Unis et elle appelle les deux frères pour superviser la fabrication des pièces américaines de la maison. Ils quittent donc la France pour New York où ils resteront plus de dix ans. Le temps de créer des modèles iconiques comme les ballerines qui font aujourd’hui encore chavirer le cœur des collectionneurs…

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Collier de la période américaine. Photo : Famille Rubel

Le succès américain est au rendez-vous et l’alliance avec la maison Van Cleef & Arpels s’arrête en 1943 quand les deux frères décident de produire leurs propres modèles. Le prénom de Jean est alors américanisé et la maison John Rubel voit le jour. Une première boutique sur la 5e avenue puis en 1946, une autre à Palm Beach. Ils ont déposé des brevets, possèdent un corner chez Saks et leurs créations ornent les tenues des élégantes comme Ingrid Bergman. Juste avant l’installation aux USA, un voyage par le Mexique leurs permet de devenir le représentant exclusif de la maison Puiforcat sur le territoire américain.

Et en France ? La guerre a éclaté et le jeune Marcel Rubel a hérité de l’atelier avec le départ de ses oncles. Celui-ci a déménagé au 16 de l’avenue de l’Opéra. Mais les temps sont durs et la situation catastrophique pour toute les familles juives. Marcel évite de justesse une première arrestation lors d’un contrôle de l’atelier. Mais pas la deuxième. Puis il s’enfuit, passe en zone libre et se cache jusqu’à la Libération.

Après la guerre, l’atelier français ne rouvrira pas ses portes et la famille Rubel va s’investir dans le commerce de diamant. Une autre façon de vivre sa passion des bijoux alors que la famille a perdu un nombre important des siens. Avec le temps de la reconstruction vient aussi le temps du retour. En 1950, la maison John Rubel ferme ses portes. Jean et Robert font le choix de revenir en France auprès des leurs. Ainsi voit le jour en 1956 la Maison Rubel, diamantaire dont Marcel Rubel deviendra l’un des acteurs majeurs sur la place de Paris. Et le bijou devient secondaire…

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Réunion de la famille Rubel à Paris en 1965 : Didier, John, Marcel, Claude, Robert et Michel Rubel. Photo : Sophie Mizrahi-Rubel

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Bague « Liberty » en or blanc, diamants, saphirs et centre émeraude naturelle et non traitée de Zambie de 6,22 carats (2016). Photo : John Rubel

Sophie est la petite-fille de Marcel. Formée dès son plus jeune âge aux diamants et aux pierres de couleurs, sa vie professionnelle s’inscrit forcément dans le milieu de la joaillerie parisienne. Directrice du développement chez Fred, elle fait un crochet par la maison Cartier au service pierres pour devenir ensuite Directrice Générale Adjointe de la maison Mauboussin. Et puis en 2012, en rangeant la maison familiale, elle rouvre une malle qui contient toutes les archives de John Rubel où plusieurs centaines de dessins attendent sagement d’être redécouverts.

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Quelques pièces Rubel vendues aux enchères.

Depuis plusieurs années, déjà, des pièces de la période américaine se vendent à des prix élevés aux enchères. Une paire de clips d’oreilles est adjugée 25,000 $ (est. 8000-12000 $) chez Christie’s en 2008 ; une ballerine double son estimation haute à Genève en 2010, se vendant pour 87,000 CHF ; un rare bracelet « rouleau » se vend pour presque 70,000 CHF (est. 23,000-30,000 CHF) en 2012. Mais c’est surtout une bague remarquable en platine, diamants et centre saphir qui bat tous les records : estimée entre 200,000 et 300,000 $, celle-ci est finalement vendue pour plus de 780,000 $ à New York par Sotheby’s. Et la liste est encore longue !

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Collier « Mistinguett » en or blanc, diamants, émeraudes, perles et rubis (2015). Photo : John Rubel

La découverte des dessins opère comme un déclic. Encouragée par de nombreuses personnes dont son compagnon, négociant en gemmes, elle entreprend de dessiner plusieurs modèles s’inspirant de l’héritage laissé par ses grands-oncles : le bracelet « rouleau » se voit alors décliné en bague, le jupon de la ballerine devient la bague « Carmen ». Certaines pièces sont aussi rééditées à l’image du pendentif-flacon « Amélia » breveté en 1945.

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Pendentif « Amélia » en or gris, diamants, saphirs et turquoise (2015). Photo : John Rubel

En septembre 2015, un siècle exactement après l’arrivée de ses oncles en France, la maison John Rubel est officiellement relancée. Une première collection de haute joaillerie, très colorée et joyeuse, « Vie de Bohème » est dévoilée avec des retours positifs et élogieux. À une fabrication française très soignée, s’ajoutent des pierres méticuleusement choisies dans un esprit Art Déco. La maison propose des pièces pour différents budgets : les gammes Yoko et Ginger Light plus access mais aussi des pièces de haute joaillerie à l’image des dernières créations que sont les bagues Zsa Zsa, Jolie Môme ou Liberty. Sophie propose aussi des pièces sur-mesure et présente régulièrement de nouvelles créations que j’ai toujours un immense plaisir à découvrir. Il ne faut donc pas hésiter à la contacter !

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Bague « Louise » en or et rubis naturels dont centre de 3,02 ct en provenance du Mozambique (2016). Photo : John Rubel

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Bague « Zsa Zsa » en or blanc, diamants et tourmalines dont centre de 3,98 cts (2016). Photo : John Rubel

Plusieurs projets s’annoncent pour la maison et la collection est actuellement visible chez Doux Joaillier à Courchevel. Elle reviendra sous peu à Paris. Je vous en reparlerai !

John Rubel Paris

contact@johnrubel.com

Tel: +33 (0)1 70 37 57 77

À bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.