J’ai découvert la marque Dangleterre quelques mois avant le 1er confinement. Désormais, il y aura un avant et un après. Mais cela permet de situer les choses et la rencontre avec cette très belle marque. Bagues opulentes et gourmandes comme je les aime, pierres « juicy » diraient les américains, colorées, pétillantes diront les français. Car c’est certainement ce que l’on remarque quand on pose les yeux sur les bijoux hors-normes de Ségolène, la créatrice de cette maison qui devrait faire parler d’elle sans difficulté. Nous avons mis du temps à concrétiser cette interview et c’est peut-être tant mieux. J’aime me donner le temps, surtout quand je perçois chez les gens que le bijou n’est pas que l’aboutissement d’une longue réflexion artistique et culturelle. Car avec Dangleterre, ce ne sont pas seulement des bijoux, mais aussi de l’art, de l’architecture, du design, et des références aussi multiples qu’enthousiasmantes. Rencontre avec une créatrice à la singularité rare.
Ségolène Dangleterre. Photo: Céline Villegas
« Une première carrière dans le design« , c’est comme cela que se présente Ségolène, et j’ai eu envie de creuser avec elle ce qu’était l’avant Dangleterre. Fin des années 90, la voilà à l’École Supérieure d’Art et de Design de Reims. Puis début des années 2000, c’est par le biais de l’IICP, l’Institut International de Communication de Paris que la future joaillière fait ses premières armes professionnelles. Elle deviendra très vite attachée de presse auprès de l’agence 14 septembre. Une entrée en matière fracassante avec le design dans une agence qui est spécialisée dans ce domaine qu’est l’art de vivre haut de gamme, en lien avec certaines des plus grandes manufactures du territoire. Rapidement, elle saute le pas et initie sa propre structure – Choses – elle a alors 25 ans. Peu de temps avant, alors assistante photo pour le magazine ELLE, elle avait développé un œil et une expertise sur l’objet et sa légitimité.
Bague Villa Esperada, or jaune 750, cornaline et saphir jaune. Photo: Remy Lonvis
Bague Régente en or jaune 750, onyx et cordièrite, photographiée sur cheveux par Roberto Greco.
Jusqu’en 2019, elle reste dans le domaine de la communication, l’énergie de la presse la nourrit, mais les bijoux commencent à faire leur apparition. Elle saute le pas et décide de se former à la Haute Ecole de Joaillerie pour apprendre la maquette cire. Le médium est idéal pour celle qui veut des volumes joyeux, des pièces aux proportions inimitables. Le bijou devient objet magique, objet totem, objet plaisir, pour celui qui veut bien se l’approprier. Puisque le bijou est en soi un objet non essentiel, mais – attention – il peut le devenir, il est donc l’objet parfait pour expérimenter. Il est, en soi, le vecteur d’une créativité sans limite pour qui veut bien sortir de l’ennuyeux solitaire quatre griffes. Pour Ségolène, il s’agit de construire son argumentation et sa légitimité, Dangleterre est né.
Bague Diva en or jaune 750, lapis-lazuli et grenats malaya. Photo: Remy Lonvis
Colliers TOGGLE JASPE (or 750, jaspe rouge et saphirs bleu) et TOGGLE OEIL DE TIGRE (or 750, oeil de tigre et cabochons de lapis lazuli). Bralelets Flat Wood en palissandre des Indes et perles de cultures. Bagues Constantin en or jaune 750, saphirs jaunes, grenats tsavorites, saphirs et diamants. Photo: Nohan Ferreira
Alors qu’est-ce qui caractérise les créations de la maison Dangleterre? Le volume déja, puis les matières gemmes que la créatrice utilise. S’ajoute la modularité des pièces, qu’elle explore pour ses derniers modèles. Si Ségolène travaille quasiment tout à la main, sculptant directement ses envies dans la cire, elle ne s’interdit pas d’explorer ce que la technologie peut lui apporter, ainsi la 3D lui sert parfois à concrétiser une idée et un premier volume auquel elle va ensuite donner vie manuellement. Après la maquette cire, elle a aussi découvert l’art lapidaire et taille certaines des pierres qui se retrouvent sur ses créations. Engagée, elle ne conçoit pas sa démarche créative sans y associer un forme de recyclage : ainsi elle a acquis le stock de pierres ornementales d’un horloger qui partait en retraite pour les utiliser dans sa joaillerie. Comme une passation de flambeau.
Bague Mirage en or jaune 750 et péridot, photographiée sur cheveux par Roberto Greco.
Bague Fredaine en or jaune 750, quartz rose et grenats tsavorites. Photo: Remy Lonvis
Quand à l’esthétique, on retrouve dans les volumes audacieux ce quelque chose qui fait échos aux années 70. Nous avons parlé d’opulences, mais il faut aussi aller chercher du coté de ce que les américains appellent costume jewelry, soit cette bijouterie fantaisie joyeuse, colorée, imposantes souvent, que l’on retrouvera en France chez Chanel ou Yves Saint-Laurent. C’est tout le talent de Ségolène que d’avoir pu la retranscrire sous une forme plus précieuse, en or, diamants, matières gemmes atypiques, souvent oubliées, telles que le jaspe ou le bois. Parmi ses dernières pièces, des bracelets en palissandre des Indes ornés de perles de culture, des fermoirs toogle... Des pièces massives, Belperronesque peut-être car Ségolène confie une passion pour son travail, qui habillent des femmes, mais également des hommes, à la recherche d’un bijou sans tabou.
A bientôt !