Fabergé, une éternelle légende russe

Fév 3, 2019

Le 15 décembre dernier, à Istra (Russie), au Musée du monastère de la Nouvelle Jérusalem, ouvrait une exposition consacrée à l’histoire de la maison Fabergé. Si la Russie a déjà proposé de nombreux événements autour du maître de l’émail, il s’agit – cette fois-ci – d’une rétrospective principalement historique dont le but est de clarifier, pour les visiteurs et les passionnés de cette maison, le fonctionnement exact depuis sa création en 1842 jusqu’à sa fermeture en 1918. Une histoire aussi riche que mouvementée à découvrir jusqu’au 24 mars 2019.

fabergé, nouvelle jérusalem, istra

Tiare de l’impératrice. Or, diamants. La maison Fabergé, atelier de Perkhin, Saint-Pétersbourg, 1880. Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée de la Nouvelle Jérusalem


« … Quand je compare des entreprises comme Tiffany, Boucheron ou Cartier à la mienne, il apparait qu’ils possèdent plus de pièces de joaillerie que je ne peux en produire… Aussi, ils peuvent produire un collier dont le prix de vente sera de 1,5 millions de roubles… Mais, ce sont des négociants pas des créateurs de bijoux. Une pièce ne m’intéresse pas si sa valeur dépend seulement du nombre de diamants ou de perles que l’on trouve dessus… »

Carl Fabergé


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Ensemble de lièvres. La maison Fabergé. Russie, Moscou, 1894. Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée de la Nouvelle Jérusalem

1- 80 ans d’une histoire méconnue

Pour beaucoup de gens, l’histoire de la maison Fabergé se limite aux célèbres œufs édités par l’atelier pour la famille impériale de Russie. Mais, en réalité, l’histoire commence au milieu du XIXe siècle avec Gustav Fabergé lorsque celui-ci installe en 1842 son atelier de joaillerie à Saint-Petersbourg. Installé dans la rue Bolshaya Morskaya, il va assez vite connaitre un certain succès et ce pour deux raisons essentielles : l’atelier est situé dans l’un des quartiers les plus luxueux de la ville et les productions de G. Fabergé suivent parfaitement la mode, s’adaptant ainsi aux goûts pointus de la société aristocratique russe.

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Broche. La maison Fabergé, atelier de Guryanov. Russie, Saint-Pétersbourg, 1899-1904. Or, grenats. Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée de la Nouvelle Jérusalem

En 1864, Peter-Carl Fabergé rejoint l’entreprise de son père puis en prendra la direction dès 1872. C’est avec lui que l’atelier va connaitre un très important développement. A partir de 1882, les récompenses pleuvent sur l’atelier qui deviendra, premièrement, « Fournisseur du Tsar » puis « Expert de sa Majesté Impérial » et « Bijoutier de la cour du Roi de Suède et de Norvège ». Dès 1911, il devient enfin « Joaillier de la Cour Impériale de Russie ». 1887 voit l’ouverture d’un atelier à Moscou puis les inaugurations s’enchainent progressivement : Odessa (1900), Londres (1903) et Kiev (1905). En 1900, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur par le gouvernement français.

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Œuf de Pâques impérial « Constellation du Tsarévitch ». La maison Fabergé, atelier de Vigstrem. Russie, Petrograd, 1917. Poinçons: H.W. Or, diamants, strass, verre, jade. Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée de la Nouvelle Jérusalem

Cette histoire familiale se terminera en 1918 avec la Révolution Russe et l’assassinat politique de la famille impériale par les Bolchéviques. Durant toute son existence, l’atelier aura vu passer nombre de membres de la famille Fabergé à l’image des méconnus : Agathon Fabergé, Eugène Fabergé (St-Petersbourg), Agathon Carl Theodor Fabergé (St-Petersbourg), Alexander Julius Fabergé (Moscou) et Nicholas Fabergé (Londres).

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Un étui à cigarettes. Atelier Ruckert, Russie, Moscou. 1899-1908. Argent, émail cloisonné. Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée de la Nouvelle Jérusalem

Carl Fabergé s’était rendu compte que ni ses fils ni lui n’avaient d’avenir en Russie. En 1918, le bijoutier partit à l’étranger avec sa famille et mourut en 1920 en Suisse. Nicolas Fabergé a vécu et travaillé dans la succursale londonienne de la Maison Fabergé. Ses fils – Eugène et Alexander émigrèrent à Paris en 1923 où ils fondèrent «Fabergé & Cie». Agathon est le dernier des fils de Carl Fabergé à fuir de l’Union soviétique en Finlande en décembre 1927. Il travaillait comme commissaire au Gokhran (Dépôt de l’État des Métaux précieux du Commissariat du Peuple pour les Finances) et évaluateur depuis 1922. Il vivra de la vente d’une partie de sa riche collection de timbres.

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Kovsh avec un aigle impérial. Atelier de Lyubavin. Russie, Saint-Pétersbourg, Russie, 1899 – 1904. Argent, dorure, émail cloisonné. Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée de la Nouvelle Jérusalem

2- Des chefs d’ateliers qui ont fait la renommée de la maison

Les archives de la maison nous permettent de bien connaitre les différents chefs d’ateliers qui ont émaillé l’histoire de la maison. Regardons donc comment les deux principales succursales de Saint-Pétersbourg et Moscou ont fonctionné.

L’atelier et le magasin principal ainsi que le bureau se trouvaient dans la maison de Carl Fabergé, construite en 1900 dans la rue Bolchaïa Morskaïa. À cette époque, la société fabriquait plus de 1000 articles différents chaque année et employait environ 500 orfèvres, bijoutiers, peintres en émail et sculpteurs sur pierre.

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Un service de vodka de vingt-cinq articles : deux pichets, douze bases en argent, dix tasses en cristal et un plateau. La maison Fabergé. Russie, Moscou, 1895. Argent, dorure, cristal. Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée de la Nouvelle Jérusalem

Les plus beaux objets en or conçus par Fabergé ont été créés dans l’atelier de Michael Perkhin et ensuite chez Henrik Wigström. Les objets exceptionels en diamant ont été produits dans les ateliers d’August Holmström et d’August Hollming. L’atelier de Julius Rappoport a été le premier à se spécialiser dans l’argenterie.

La succursale moscovite de la maison Fabergé (usine et magasin) fonctionna de 1887 à 1918. L’usine de Moscou était principalement connue pour sa production d’articles en argent, notamment de vaisselle. Certains designers de la branche moscovite méritent d’être mentionnés, tels que Ivanov, Clodt Ier, Clodt II, Balashev, Borisov, Lieberg, Abradushkin, Andrianov et l’un des principaux maîtres-ouvriers Alexander Julius Fabergé, le fils cadet de Peter Carl Fabergé, devenu chef de la maison. Il y avait aussi des sculpteurs, tels que Sokolov, Shishkina et Cheshuin, Kulesha et le graveur Konstantinov. Sazikov et Chepurnov ont, eux, géré la fabrique.

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Coffret du Cabinet de Sa Majesté Impériale. La maison Kehli. Russie, Saint- Pétersbourg, jusqu’en 1898. Or, diamants, émail sur fond guilloché. Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée la Nouvelle Jérusalem

3- Reconnaitre une pièce signée Fabergé

Pour avoir déjà admiré de remarquables faux Fabergé, dont un petit œuf parfaitement convaincant, je n’aurai pas la prétention de répondre entièrement à cette question. L’exposition de la Nouvelle Jérusalem non plus. Cela dit, elle donne quelques pistes de reflexion intéressantes au sujet des objets produits par cette célèbre maison. Ainsi, vous pouvez retenir que :

  • Les écrins d’origine portant l’inscription « Kiev » appartiennent à des pièces fabriquées entre 1905 et 1910.
  • Une pièce Fabergé peut, possiblement, être considérée comme authentique si elle porte le poinçon datant entre 1908-1927 et qu’elle a un écrin inscrit « Moscou – Saint-Pétersbourg » sous le blason impérial.
  • Une pièce Fabergé peut être possiblement considérée authentique si elle possède les poinçons des années 1873-1927 et qu’elle possède un écrin estampillé « G. Fabergé ».
  • Une pièce Fabergé peut être possiblement considérée authentique si elle possède un poinçon antérieur à 1899 et qu’elle possède un écrin où figure un des mots suivants : Odessa, Londre, Kiev ou Petrograd (Saint-Petersbourg).

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Broche Papillon. 1895-1896. Russie, La maison Fabergé. Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée de la Nouvelle Jérusalem

L’exposition offre ainsi au regard des visiteurs quelques 400 objets appartenant aux collections du musée Fabergé de Baden-Baden (Allemagne), du musée de l’Ermitage, de la réserve muséale d’État de Peterhof, du musée d’histoire historique, du musée d’art russe décoratif, appliqué et folklorique et du musée national russe. Bien sur, vous y découvrirez également des objets issus de collections privées.

Cet événement n’a pas forcément pour objectif de présenter les objets les plus onéreux ni les plus spectaculaires ; mais bien de couvrir toute la richesse des productions des ateliers de la maison. Cela dit vous pourrez y admirer « L’œuf impérial de Pâques » fabriqué à partir de bouleau de Carélie (1917). Il s’agit de la dernière pièce réalisée et présentée à la famille royale par Fabergé. En outre, il sera possible d’admirer l’œuf de Pâques de la “Constellation » du tsarévitch Alexei, destiné à être présenté à l’impératrice Alexandra Feodorovna à Pâques 1917. Mais également la broche «Butterfly» (1896), présenté par l’empereur Nicolas II à l’actrice Maria Ermolova.

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Œuf impérial de Pâques avec support et clé à enroulement dans l’étui original avec les armoiries impériales. La maison Fabergé, atelier de Vigstrem. Russie, Petrograd, 1917. Bouleau de Carélie, or, saphir (clé d’une surprise : or, argent, diamants, émail, acier). Musée Fabergé, Baden-Baden. Photo : Musée de la Nouvelle Jérusalem

Aussi, si vous prévoyez de vous rendre en Russie avant fin mars 2019, ne manquez cette exposition située à 60km de Moscou. Ce bel événement nécessite obligatoirement un détour !

A bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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