Alice Fournier, poésie joaillière entre Paris et Genève

Sep 19, 2022

Il y a quelques années, nous sommes alors en 2016, je rencontre Alice Fournier au détour d’une soirée dans le 9e arrondissement de Paris. Depuis, je l’ai vu évoluer ces dernières années jusqu’à s’installer à son compte et ouvrir son bureau à quelques encablures de la station de métro Cadet. A force de la croiser, de parler avec elle, de partager des TGV Paris-Genève autour d’un café, j’ai eu envie de vous la présenter et de lui proposer de vous raconter sa vie à 100 à l’heure entre les pierres, les bijoux, la France et la Suisse… La Suisse, d’ailleurs, où elle vous accueillera du 3 au 8 octobre chez Francioli au 11 rue de l’Hôtel de Ville à Genève. Alors, si vous passez par cette ville magnifique, allez la voir et découvrir ses pièces. Je n’ai absolument aucun doute sur le fait que vous l’adorerez autant que ses créations joaillières pleines de couleurs.

Alice Fournier. Photo : Chloé Bruhat

1- Peux-tu te présenter en quelques lignes?

J’ai grandi en Suisse, à Genève, entre lac et montagne. J’ai une passion infinie pour la nature, les extérieurs et je vis pourtant aujourd’hui en ville, à Paris. Certains diront que je suis parisienne maintenant, je ne suis pas convaincue par cette idée ! Ma famille n’est pas du tout du milieu de la joaillerie, mais mes parents m’ont transmis les valeurs du savoir-faire et le goût des belles choses.

2- Quel a été ton parcours avant le lancement de ta marque éponyme?

J’ai commencé à travailler en tant que designer pour une marque parisienne, puis j’ai été débauchée pour ouvrir le bureau parisien d’un fournisseur allemand, l’un des leaders mondiaux du marché de la pierre de couleurs. Après en avoir pris plein les yeux pendant plus de 4 ans, j’ai décidé de retourner à mes premiers amours, la création et me suis mise à mon compte fin 2018.

Bague Yukon en or blanc et rose, diamants et tourmaline Paraïba. Photo : Alice Fournier

3- Pourquoi avoir décidé de te lancer et qu’est-ce que cela t’apporte?

À l’époque je n’avais pas d’enfants, pas d’emprunt, aucun engagement… Je me suis dit que si je ne le faisais pas maintenant, je ne le ferai jamais. Et que si ça devait ne pas marcher, je ne perdrais finalement pas grand-chose. Soutenue par mon entourage et l’entreprise que je quittais, je me suis lancée.  Et c’est surement l’une des meilleures décisions que j’ai prise ! J’ai la chance de pouvoir gérer mon temps comme je l‘entends, c’est extrêmement précieux. Je travaille avec de belles matières, des artisans qui font des merveilles, c’est magique d’avoir les yeux qui brillent tous les jours.

Et puis les rencontres avec les clients sont très agréables, je les accompagne pour de beaux événements de leur vie, c’est quand même chouette de se dire que l’on amène un peu de bonheur dans la vie des gens.

4- Qu’est ce qui t’inspire dans ton quotidien et comment cela se retranscrit dans ton travail ?

Les contrastes ! De couleurs, de matières, de volumes, de situations… Je trouve que deux éléments qui se contrastent se mettent en lumière l’un et l’autre. Pour le retranscrire dans mon travail, je joue évidemment sur mon terrain préféré, la pierre de couleur, en l’associant à du métal poli, ciselé, brossé. J’essaie de rajouter des détails là où l’on ne s’y attend pas forcément. J’aime l’idée qu’un bijou soit serti de pierres à des endroits que l’on ne perçoit pas immédiatement, ça rajoute de la surprise, c’est excitant.

Bague Sasha en or rose, diamants, rubis et spinelle. Projet sur mesure. Photo : Alice Fournier

5- Quelle est ta matière préférée, celle avec laquelle tu ne peux t’empêcher d’imaginer un bijou?

J’allais te dire les cailloux en général ! Sincèrement, j’aime tellement les pierres de couleurs que certaines me retournent le ventre… ça paraît fou, mais je sais que tu sais ce que je veux dire. Malgré tout, lorsque j’imagine un bijou, il y a toujours du métal. Je travaille beaucoup l’or rouge, que je trouve très doux et réconfortant.

6- Et le bijou d’ailleurs, plutôt pour les femmes ou les hommes? Ou les deux?

Les demandes que je reçois sont essentiellement pour des femmes. Mais j’ai réalisé des pièces pour des hommes aussi, des colliers, notamment avec des pierres de couleurs.

7- Tu es Franco-Suisse. Quelle est ta ville joaillière préférée : Paris ou Genève?

Joker ? Je peux dire Genève, car c’est dans cette ville que mon envie pour ce métier à germé.

Boucles d’oreilles Opotiki en or rose, diamants et lapis-lazuli. Photo : Alice Fournier

8- Tes deux bonnes adresses dans chaque ville?

Alors comme tu le sais, ma passion à part les pierres et la joaillerie c’est manger… Donc je vais recommander à Paris notre petit restaurant que l’on adore toutes les deux, Abri Soba, rue Saulnier dans le 9ème. On y mange divinement bien, c’est chaud en hiver, frais en été et toujours réconfortant ! Un petit voyage express au japon. A Genève, les Bains des Pâquis ! On est au bord de l’eau, on se baigne depuis les rochers, avec une vue de dingue et on peut y déguster une fondue (Suisse bien sûr), rien de mieux pour être heureux.

9- Comment te positionnes-tu face aux défis sur la traçabilité et à la fabrication qui modifie le paysage joaillier?

C’est un vaste sujet que l’on ne peut pas mettre de côté aujourd’hui. Les clients sont demandeurs de transparence et je les comprends. Je pense qu’il y a une grosse partie d’éducation (dans le bon sens du terme !) que nous professionnels devons apporter, c’est finalement normal d’expliquer d’où viennent les matières, comment cela se passe pour les extraire, les tailler…. Il me semble que cela fait parti du rêve que l’on vend à nos clients, ça permet aussi de les impliquer, qu’ils prennent part à 100% au projet.

Pour autant, je trouve dommage que l’on tombe dans la folie des certificats. J’ai peur que le client ne prête finalement plus attention à la pierre en elle-même, mais uniquement au papier, dans un souci de traçabilité. C’est d’ailleurs déjà ce qui est entrain de se passer sur certaines variétés.

Pour ma part, j’ai pris le parti de travailler au plus proche de mes fournisseurs afin de pouvoir garantir une traçabilité à mes clients. Certaines pierres sont certifiées, pas toutes. J’aime l’idée de travailler avec des pierres totalement naturelles, non traitées, ni chauffées, mais ce n’est pas toujours le cas – l’idée est de se rapprocher le plus possible du budget transmis par le client et ce point-là est un facteur déterminant. Je dessine tous les modèles, je mets parfois en volume puis la fabrication est entièrement réalisée à Paris, dans des ateliers RJC travaillant également avec les Maisons de la Place Vendôme. Ça me permet de suivre toutes les étapes et c’est précieux.

Bague Baku en or blanc et diamants. Photo : Alice Fournier

10- Si tu t’imagines dans dix ans, tu te vois où?

La vérité ? Créer tout autant de bijoux et ne jamais avoir à les vendre. C’est un privilège de faire de sa passion son métier, mais j’en paye le prix émotionnel à chaque pièce vendue que je vois partir… Dans 10 ans, je ne me vois plus forcément à Paris. Mais bon je disais ça il y a 10 ans déjà alors on verra bien ! Mais plus sérieusement, j’aimerais travailler davantage avec l’international, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Brésil… J’espère que j’aurai développé tout ça, que je continuerai à aller chercher de beaux projets riches en couleurs qui émerveilleront mes clients ! Accessoirement, si Beyoncé pouvait porter l’un de mes bijoux en chantant Halo, je pourrais quitter ce monde l’esprit tranquille !

11- Une anecdote à nous raconter?

Il y a quelques mois, une cliente m’appelle pour me raconter qu’elle était dans le métro et qu’en face d’elle vient s’assoir une jeune femme très élégante qui porte une bague. Ma cliente remarque la bague, reconnait le style et se met à parler à cette personne en lui demandant s’il s’agit d’une bague Alice Fournier. C’est idiot mais ça fait chaud au cœur. Je suis encore confidentielle, je n’ai pas de point de vente et tout est en direct. Si en plus de créer des bijoux je créé du contact et des liens alors je suis la plus heureuse !

12- Ton plus grand rêve ou la personnalité joaillière que tu rêves de rencontrer?

Je crois que j’aimerais beaucoup déjeuner avec Suzanne Belperron, ça semble un peu compromis mais c’est un rêve !

Bague Nicole en or blanc, émeraudes, saphirs et tourmalines paraïba. Photo : Alice Fournier

13- Et pour conclure, tu dirais quoi à un jeune qui veut faire comme toi et se lancer un jour?

Se mettre à son compte dans la création de joaillerie c’est finalement 20% de création et 80% de gestion, de logistique, de douane, de tout le reste. Je pense que c’est important de connaître le métier pour pouvoir échanger correctement avec tous ses partenaires. Du fournisseur de pierres, au lapidaire, en passant par le joaillier… et jusqu’au polisseur ! Il faut être curieux, s’informer du marché, de ce qu’il se passe, de comment ça évolue. Rester attentif au client, l’écouter. Regarder, j’ai passé des heures à observer des pierres. Et bien sûr apprendre, écouter… mais regarder, comparer, c’est ce qu’il y a de mieux pour se faire un œil ; il ne faut pas avoir peur de solliciter de l’aide, demander l’avis de son entourage proche et moins proche, ça créé un réseau et les gens sont souvent très flattés que l’on fasse appel à leurs lumières. Cela permet de prendre du recul en ayant un avis extérieur. Enfin, il faut avoir envie ! Il ne faut pas avoir peur des montagnes russes et des loopings, profiter du voyage, tout ira bien j’en suis convaincue !

A bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.