L’utilisation des cheveux dans le bijou

Avr 19, 2014

S’il est une matière première qui fut fort utilisée dans la fabrication de bijoux et qui est pourtant méconnue du grand public, voir même de nombreux professionnels, c’est bien le cheveu. Je vous propose donc de partir à la découverte de ces pièces souvent très belles, mais soyons aussi honnêtes, particulières et même pour beaucoup de personnes, dérangeantes.

Historiquement, la grande période de fabrication de ces pièces commence au cours du XVIIIe siècle et se poursuit tout au long du XIXe, mais on note des exemples datant de la fin du XVIIe siècle. Si le cheveu revêt une telle importance, c’est que celui-ci est une matière solide et particulièrement résistante. Mais il est aussi une matière présentant un fort impact sentimental : une mère gardera précieusement la première mèche de cheveux que l’on coupera à son enfant, les promis s’échangeront cheveux en gage d’amour et bien sur on conservera souvent des mèches de cheveux d’un mort afin de perpétuer son souvenir. J’ai évoqué plus haut la résistance de la matière mais c’est un autre élément qui explique aussi le succès de l’utilisation des cheveux et ce au-delà de la « disponibilité » de ceux-ci : l’absence d’images. A cette époque, pas de photographies, pas d’images, pas de smartphones où l’on peut enregistrer à foison et engranger des images de toutes sortes. Sauf à faire réaliser des portraits ou des peintures, on ne peut pas s’échanger de photos. Impossible donc pour une mère de conserver des images de son enfant, pour des amoureux de posséder des images de moments partagés et bien sur pour des familles de conserver des souvenirs du vivant d’un être cher. Le cheveu remplit donc ce rôle. L’avènement de la photographie mettra un terme à cette industrie. Ajoutons à cela que le ressenti envers cette matière a changé avec le temps, s’il a tendance à dégouter aujourd’hui, il n’en est rien au XVIIIe et au XIXe siècles.

C’est donc bien de bijoux de sentiments que nous parlerons ici, qu’ils concernent des serments d’amour ou bien qu’ils marquent le deuil et l’absence d’un être aimé. Ces bijoux ne sont pas réservés à une élite mais ils restent prisés par toutes les couches de la population. Napoléon dans son testament, qu’il fait dicter en 1821, demande que : « Marchand (son exécuteur testamentaire, nda) conservera mes cheveux et en fera faire un bracelet avec un petit cadenas en or pour être envoyé à l’Impératrice Marie-Louise, à ma mère et à chacun de mes frères et sœurs, neveux, nièces, au cardinal et un plus considérable pour mon fils. »

La plupart des bijoux qui nous sont parvenus datent de la période 1800 – 1850, période de prédilection pour la réalisation de ces bijoux. Les ateliers se spécialisent dans ce commerce, ils travaillent de concert avec des « marchands de cheveux » mais proposent aussi des catalogues et dessins afin que la clientèle puissent choisir « sur pièces » et faire réaliser bagues, bracelets, boucles d’oreilles, ceintures, colliers, médaillons, voir même des cadres !

Personnellement je suis conquise par ces pièces, peut-être parce que j’ai eu à en restaurer. Mais je trouve que le travail des artisans était admirable. Ses pièces sont d’une grande finesse. Il faut aussi avoir conscience que le cheveu n’est pas une matière facile à travailler, elle nécessite un grand savoir-faire pour en tirer le résultat que vous découvrirez dans les bijoux que je voulais vous faire découvrir.

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Broche en cheveux et or. Sur la plaque est gravée le prénom « Lizzie ». Milieu du XIXe, photo : Morning glory antiques.

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Cadre en or et miniature en base de cheveux et d’aquarelle, travail français de la fin du XIXe siècle. Photo : Rubylane.

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Exceptionnel collier en cheveux blond, fin du XIXe siècle, don de Mme Andrea Tice. Conservé dans les collections du musée du textile et de la mode de Los Angeles, le FIDM. Photo : FIDM Museum.

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Broche composée de cheveux bruns et blancs. On sait que les éléments en or ont été réalisés par l’orfèvre Antoni Forrer vers 1850 dans son atelier de Londres. Il possédait  le titre de « Artist in hair jewellery for her Majesty ». Photo : The victor mourning.

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Bracelet atypique en or et cheveux, puisque chaque bobine est gravée d’initiales correspondant aux cheveux utilisés. Photo : Morning glory antiques.

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Bracelet en or, cheveux, perles fines et émail. Elle est gravée à l’intérieur « John Burdon, b. Octr 14th 1811, d. Novr 12th 1893« . Photo : Morning glory antiques.

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Exemple de chaine en or et cheveux pouvant être réalisées. Ces modèles sont extraits du livre de Mark Campbell « The art of hair work » édité en 1875 et destiné aux femmes qui souhaitent réaliser des ouvrages en cheveux.

J’espère sincèrement que vous aimerez autant que je les aime ces étonnants bijoux. Aujourd’hui délaissés, ils sont souvent abimés. Néanmoins, si vous en trouvez dans les boites à bijoux, ne les jetez pas. Mais renseignez-vous autour de vous. Ces pièces sont véritablement liées à l’histoire de vos familles.

A bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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