Un weekend au salon Baselworld 

Mar 28, 2015

Chaque année, le monde de la joaillerie et de l’horlogerie se retrouve en Suisse pour une semaine de show. Les plus grandes maisons, les ateliers les plus prestigieux se donnent rendez-vous pour présenter nouvelles collections, avancées technologiques et matières audacieuses afin de séduire la presse et surtout les acheteurs du monde entier. C’est d’ailleurs spécialement pour ce salon que la maison Graff Diamonds présentait la montre la plus chère du salon à 40 millions de dollars. Au centre de cette pièce de haute joaillerie, un diamant taille poire D Flawless de 38 carats.

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La montre Fascination a été dévoilée durant le Baselworld. Le diamant central peut se porter en bague ou broche. Photo : Graff Diamonds.

Preuve de cet engouement, ce ne sont pas moins de 150.000 visiteurs et plus de 4300 journalistes print et web qui se sont vu accrédités pour couvrir un salon où la démesure est religion et sur lequel plus de 1800 exposants les attendaient. Malgré cela, il faut noter une baisse de 3 % du nombre total d’acheteurs selon les chiffres communiqués par les organisateurs. Notons, aussi, que se tenait en même temps le salon de Fribourg qui a forcément capté des visiteurs et des acheteurs qui allaient habituellement en Suisse à cette période.

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Ambiance dans le hall 1 où la foule des acheteurs et des journalistes était dense. Photos : Constance Chabrol

Cela faisait quatre années que je n’avais pas eu l’occasion d’y aller. Et ce fut avec un plaisir encore plus important que j’ai retrouvé Messeplatz et son ambiance animée des grands jours. Il faut bien dire que faire le Baselworld est une parenthèse dans un autre monde. Le luxe s’y expose sans retenu, les espaces des marques sont souvent de véritables musées où œuvres d’art côtoient les installations des designers les plus cotés du monde. De nombreux mannequins montrent à voir les dernières créations des joailliers et la plupart des rendez-vous s’effectuent dans des salons privés raffinés. Impossible, donc, de ne pas aimer ce salon et son ambiance particulièrement agréable.

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Présentation de parures d’exception devant l’espace Graff Diamonds. Photo : Constance Chabrol

Pour l’occasion, j’avais un parcours assez ciblé et organisé. Au programme le hall 3,  The stones and pearls hall, centré sur les négociants en gemmes et diamants venant du monde entier. Un moyen idéal de prendre le pouls de ce secteur après le salon de Hong Kong que beaucoup de négociants ont qualifié de décevant. Le marché chinois est plutôt frileux une fois sorti des diamants de couleurs qui affolent la clientèle asiatique. Sans compter que les russes se sont sérieusement mis en retrait avec les variations importantes sur le rouble. Beaucoup de marchands reconnaissaient qu’ils travaillaient entre eux, avec une clientèle ancienne et sûre mais que fidéliser de nouveaux acheteurs est de plus en plus compliqué devant la profusion de vendeurs et de marchandises.

Après avoir récupéré nos badges au press center, traversé le hall 1 et ses stands grandioses dédiés aux plus grandes marques d’horlogerie et de joaillerie, nous voila dans le hall 3 à l’ambiance plus calme et feutrée. Ici, se côtoient les plus belles pierres, avec les origines géographiques les plus désirées et les certifications les plus sûres dans le monde de la gemmologie avec une profusion de documents officiels émanant de la SSEF, du Gübelin et de GIA pour ne citer qu’eux. Inutile de vous préciser que l’on peut – ici –  observer et admirer trop de pierres exceptionnelles au mètre carré. Un paradis pour gemmologues !

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La salon de Bâle permet de passer du temps avec les négociants dans les bureaux d’achats. Ici, observation d’un important rubis naturel (30 carats +) du Mozambique en compagnie de Allen Kleiman de A. Kleiman & Co. Négociant basé à San Francisco, il nous a consacré beaucoup de temps afin de découvrir sa collection et une partie de son stock. Photo : Constance Chabrol

Première constatation, les chrysobéryls oeil-de-chat sont absolument partout. Déjà, depuis plusieurs mois on les voit très souvent en ventes aux enchères où les prix sont de plus en plus élevés. Le salon ne démentait pas cette constatation, tout le monde en présentait dans les vitrines. Et ce, bien que les pierres astériées plus « traditionnelles » (rubis et saphirs) aient été plus discrètes cette année. Deuxième évidence, les matières africaines provenant principalement du Nigeria et du Mozambique représentent la majorité des pierres en exposition. Ainsi, les rubis, tourmalines, grenats ou encore spinelles étaient absolument présents dans tous les stands.

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Chrysobéryl oeil-de-chat présenté dans la main d’Allen Kleiman. Photo : Constance Chabrol

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Peut-être l’un de mes plus beaux rendez-vous du show. Je voulais depuis longtemps rencontrer les Nomad’s dont les pierres m’impressionnent depuis un moment déjà. C’est chose faite ! Et autant vous dire que je n’ai absolument pas été déçue du voyage avec eux. Ici, une impressionnante tourmaline bleue naturelle du Mozambique (SSEF) de plus de 130 carats. Et soudain, ma main parue bien petite. Photo : Constance Chabrol

Les prix qui étaient encore « corrects » pour les matières africaines sont désormais très hauts et il ne semble pas que cela change dans les années à venir. Beaucoup de négociants ont évoqué ce problème qui rend – pour eux – l’acquisition de bruts de qualité difficile. D’abord, il faut trouver de nouvelles poches ou gisements mais surtout il faut pouvoir avoir les liquidités pour les acquérir. Et aujourd’hui le système des Sightholders mis en place par la De Beers pour le diamant – depuis de longues années – s’étend aux pierres de couleurs.  Principalement par un système des ventes aux enchères tel que celui mis en place par Gemfields et qui permet une spéculation plus importante sur les gemmes. Si la demande est certes importante, n’oublions pas que la rationalisation des volumes de ventes fait forcément monter les prix. Moins de matière, de la demande et au final des prix qui flambent. Une conclusion logique. Néanmoins, si le haut de gamme se doit d’être cher car il est rare, il faudra surveiller avec attention les ajustements de prix sur le beau milieu de gamme, et plus précisément des pierres plus petites allant de 3 à moins de 10 carats et à priori plus accessibles.

Mais Bâle est surtout l’occasion de pouvoir voir des pierres de tailles importantes assez facilement. Notons aussi que les pierres dites « historiques » sont toujours aussi prisées des acheteurs : les provenances birmanes ou cachemires sont toujours autant recherchées pour les corindons. De même pour les émeraudes anciennes provenant de Colombie. Encore une fois, le « non traité » fait la différence. Et de très nombreuses pierres possédaient des doubles ou des triples certifications.

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Cette émeraude ancienne de Colombie nous a été présentée par Emmanuel Piat, négociant en pierres de couleurs basé à Paris. Percée de plusieurs trous, elle ne peut – aujourd’hui – pas faire l’objet d’une réelle retaille. La maison s’en sert pour montrer aux gemmologues et aux acheteurs l’action du huilage traditionnel dans ce type de matière. Selon la façon dont on regarde la gemme, le trou de perçage disparait, l’huile faisant office de joint optique. Une curiosité ! Photo : Constance Chabrol

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Bague en platine, diamants et centre spinelle rose de 11,33 carats provenant du Vietnam. Cette pierre – certifiée naturelle et non traitée par le laboratoire parisien Gem Paris – était exposée sur le stand de la maison Piat. Photo : Constance Chabrol

Le salon fut aussi l’occasion de voir beaucoup de perles fines et de perles de culture. Les perles de conques ont toujours du succès mais nous avons noté une certaine diminution des volumes concernant les perles de mélos. Les marchands spécialisés dans ces matières ont évoqué la prédominance depuis de nombreuses années de la perle d’eau douce chinoise en relativisant néanmoins son impact sur le marché. Si on s’applique à rester dans de la très haute qualité, on trouve des acheteurs. Notons aussi, que les perles des Philippines et celles d’Australie sont toujours très demandées. Dans sur ce secteur bien précis, le salon de Hong Kong a été une réussite. La clientèle asiatique aimant beaucoup les perles.

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Ces deux colliers nous ont été présentés par la maison parisienne Alain Boite, spécialiste de la perle de culture. Perles d’eau douce, perles gold, perles de Tahiti et perles blanches d’Australie se côtoient dans un très bel effet. La taille a son importance dans les perles où les plus belles pièces vues sur le show présentent des diamètres supérieurs à 15 mm. Photo : Constance Chabrol

Nous avons, bien sur, pris du temps pour aller admirer les dernières collections et les nouveautés dans les halls dédiés à la joaillerie. Beaucoup de pièces intéressantes mais des collections très classiques. Notre coup de cœur va indéniablement à la maison Jewellery Theatre dont le travail fera l’objet très bientôt d’un article sur le site. Nous retiendrons des pièces massives, très travaillées, colorées et franchement atypiques. Mais surtout des bijoux qui racontent des histoires et qui ne peuvent pas laisser indifférents.

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Bague Mushroom en or, diamants et grenats par la maison Jewellery Theatre. Photo : Constance Chabrol

En conclusion, je parlerai d’un salon intéressant mais sans grandes nouveautés. D’un point de vue purement gemmologique, il n’y a pas de grandes découvertes de gisements depuis un moment donc pas de pierres véritablement atypiques. Par contre, nous avons pu observer de très belles matières remarquablement taillées. Preuve que le savoir-faire lapidaire est d’une importance cruciale pour la mise en avant des gemmes de qualité. La présence des grands laboratoires mondiaux attestait l’intérêt croissant de la profession pour des certifications apportant une valeur ajoutée importante aux gemmes. Une absence remarquée par les négociants français fut celle du Laboratoire Français de Gemmologie qui avait toute sa place sur ce salon. Nous espérons grandement pouvoir les voir exposer en 2016. Quand on connait le niveau important des connaissances de ce laboratoire, cela ne serait que normal. Au niveau de la joaillerie et de l’horlogerie, nous avons admiré de très belles pièces. La joaillerie française est un symbole d’élégance et de savoir-faire, mais les maisons allemandes, anglaises, suisses ou encore américaines présentaient des modèles remarquablement exécutés. Nous aurions aimé voir plus de pièces moins conformistes et plus audacieuses. Mais les collections de haute joaillerie arrivent dans quelques mois et je suis déjà persuadée que nous serons subjugués lors des présentations ! Rendez-vous est pris pour 2016.

À bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.