Sébastien B., Représentant

Mai 9, 2015

Pour ce quatrième rendez-vous Carrière, je vous emmène en Thaïlande, à Bangkok, pour rencontrer Sébastien qui travaille chez Nomad’s. Si nous avons mis du temps à concrétiser cette rencontre en raison de sa charge de travail, je suis vraiment contente de pouvoir vous la proposer aujourd’hui.

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La maison Nomad’s, spécialisée dans la taille et le négoce de gemmes, est bien connue pour la haute qualité des pierres qu’elle commercialise. C’est aussi, pour les avoir rencontré lors du Baselworld, une joyeuse tribu de gens terriblement passionnants et passionnés. Je vous propose donc de partir à la rencontre de l’un des leurs.

  • Sébastien, pouvez-vous présenter rapidement ?

J’ai 31 ans et je suis originaire de la région parisienne. Je travaille chez Nomad’s depuis 5 ans.

  • Quel métier vouliez-vous faire petit ? Comment s’est développé cet intérêt pour les gemmes ?

Enfant, j’étais déjà en train de ramasser des morceaux de quartz et autres cailloux. Rapidement, j’ai commencé à collectionner les pierres et à lire tous les ouvrages de gemmologie et de minéralogie qui pouvaient me passer sous la main.

Vous voyez, j’étais un cas désespéré depuis longtemps !

  • Et finalement, quel est votre poste aujourd’hui ?

Nomad’s, comme la quasi-totalité des entreprises dans le domaine des pierres de couleurs, est une petite entité. Il faut donc être très polyvalent et capable d’assumer plusieurs rôles, de la vente, gestion du stock et des demandes en passant par les questions d’import-export à travers la planète…

  • Vous pouvez nous parler de votre parcours initial d’études ?

Hum… mon parcours a été très classique. Après un baccalauréat Scientifique, je suis allé à L’université où j’ai obtenu un Master de Chimie. Mon idée initiale était de travailler dans un laboratoire de gemmologie, il me fallait donc un excellent cursus scientifique.

  • Et quel parcours de formation spécifique à la gemmologie avez-vous suivi ?

Après mon Master de Chimie, j’ai donc suivi la formation de la Gem-A, la plus ancienne école de gemmologie. Le principal centre est à Londres mais l’école possède de nombreux centres affiliés à travers le monde dont deux en France. C’est dans celui de Versailles que j’ai préparé et passé mon examen. L’enseignement de la Gem-A est complet et très exigeant et j’ai eu la chance d’avoir une enseignante vraiment extraordinaire : Mme Fabienne Thouvenot.

  • À quel moment, avez-vous décidé de partir à l’étranger ?

Au cours de mes études de gemmologie ; nous avons fait un voyage organisé en Thaïlande. J’ai vraiment aimé le pays et je me suis dit que j’y retournerai. Finalement, j’ai intégré Nomad’s à plein temps et j’ai été transféré à Bangkok.

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Spinelles de Mahenge et grenats tsavorites pesant entre 5 et 10 carats. Photo : Nomad’s

  • Vous nous présentez votre entreprise et son fonctionnement ?

Nomad’s a été fondée il y a de cela environ 20 ans par plusieurs amis d’université.

Notre focus a toujours été un certain goût pour les plus belles couleurs et matières ; magnifiées par une taille excellente. Cette dernière caractéristique manquant bien souvent cruellement dans les pierres de couleurs.

Le fonctionnement de Nomad’s est relativement simple sur le papier : nous achetons des bruts, soigneusement sélectionnés par nos soins, puis nous les taillons avant de les proposer à la vente à nos clients en Amérique du Nord, Europe et Asie. En tant que grossistes, nous fournissons les professionnels avec un vaste choix de pierres de centre, de paires ou de parures. Nous travaillons avec une grande variété de gemmes : spinelles, tourmalines, topazes impériales, grenats (démantoïde, spessartite, grossulaire, rhodolite etc.), zircons, péridots, béryls, rubis et saphirs non traités…

Ceux et celles intéressés pourront en lire plus dans l’interview réalisée avec ma collègue Jazmin lors du Baselworld. Ce papier paraitra courant juin dans la Revue Française de Gemmologie.

  • Entrons dans le vif du sujet : comment êtes-vous arrivé à ce poste, racontez-nous votre parcours professionnel ?

Je connaissais une employée de Nomad’s bien avant d’entrer dans la compagnie.

Lorsqu’elle a quitté (en bons termes) la société, elle m’a demandé si je souhaitais avoir le poste. J’ai accepté et envoyé mon CV. Le lendemain, j’ai été contacté par un des associés de Nomad’s qui m’a dit, en paraphrasant «  Toujours intéressé ? Bon, très bien ! Tucson commence dans 3 jours, prends un billet d’avion dès maintenant et rejoins nous là-bas. »

Je réservais mon billet d’avion et faisais mes bagages le jour d’après. C’était il y a six ans de cela.

Le courant est très bien passé avec le reste de l’équipe et j’ai fini par rester dans la joyeuse caravane de Nomad’s, d’abord à temps partiel pour les salons d’expositions internationaux puis enfin à temps plein, j’ai alors déménagé à Bangkok et me suis jeté pleinement dans l’aventure.

  • Parlons un peu de votre travail, typiquement une journée / semaine de travail ressemble à quoi ? Et d’ailleurs, parlez-nous un peu de vos voyages.

A Bangkok, les horaires sont typiquement 9h30-18h du lundi au vendredi plus une partie du samedi, mais cela peut varier en fonction d’évènements type salons ou d’exportations importantes, dans ce cas nous restons sur le pied de guerre jusqu’à l’heure nécessaire : il m’est arrivé de ne quitter le bureau qu’à 21h ou 22h.

Ensuite, il y a les salons internationaux en eux-mêmes. Généralement, nous sommes parés dès 7h30 et cela continue jusqu’à 19h30 parfois 21h pour les clôtures, lorsqu’il faut faire les exportations et plier bagages.

Cela peut être vraiment intense avec 15-20 minutes de pause dans la journée et pas plus comme lors du dernier GJX 2015 [l’un des salons de Tucson].

Enfin, il y a tous les autres voyages annexes, entre les salons. Disons que j’utilise pleinement mon passeport!

En résumé, je préfère découper cela par mois car le rythme de travail dépend énormément de notre planning :

Le mois de janvier est dédié à la préparation de Tucson puis direction les USA pour le salon en lui-même jusqu’à mi-février. C’est le grand évènement de début d’année et il sert de thermomètre pour juger en chiffres le climat des affaires de la nouvelle année en Amérique du Nord.

Tucson est simplement indescriptible. L’ambiance est absolument unique, un mélange incroyable de tout ce qui est imaginable, on croise une foule de personnes intéressantes. L’atmosphère de la ville est aussi fantastique avec ses restaurants et ses groupes musicaux qui viennent jouer en live presque tous les soirs. Vous l’aurez compris, c’est mon salon préféré !

Après l’Arizona, c’est à nouveau le retour vers Bangkok, puis quelques semaines plus tard, direction Hong Kong pour le salon de mars. De même que pour Tucson, Hong Kong donne le ton pour le marché Asiatique.

Le mois d’avril est dominé par Baselworld, qui est un également un évènement important, très différent des autres car très orienté vers le très haut de gamme uniquement. Le début d’année est assez épuisant physiquement !

Juin est également important en raison des salons du JCK Las Vegas et de Hong Kong. De manière générale, l’activité continue jusqu’à début juillet.

La reprise commence début septembre, à nouveau pour la préparation puis le salon de Hong Kong septembre qui est le plus important des trois salons de HK.

Là encore, ambiance spéciale, digne du plus grand salon d’Asie. Le salon étant près de l’aéroport, nous logeons également à proximité. Cela donne l’impression de vivre dans un vaisseau spatial durant une semaine, car nous ne sortons quasiment pas du coup. C’est une expérience différente.

Après Hong Kong, il n’y a plus de salons majeurs pour l’année mais il y a un travail monumental à fournir jusqu’à la fin en raison des fêtes.

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Aigues-marines de Madagascar. La poire, naturelle, taillée pèse 37,60 carats. Photo : Nomad’s

  • Que préférez-vous dans votre métier ?

La réponse évidente serait les pierres. Et c’est vrai que je prends plaisir chaque jour où presque en voyant de nouveaux bruts et les nouvelles pierres fraîchement facettées. Je ne pense pas que l’on puisse faire ce job sans aimer les pierres.

Néanmoins, au-delà des pierres, j’apprécie énormément la galaxie hétéroclite de personnes que je côtoie. C’est bien plus important que les pierres en elles-mêmes au final.

  • Quels sont les aspects plus négatifs, plus ennuyeux ?

Je ne trouve pas mon métier ennuyeux du tout ! J’ai la chance de faire ce que j’aime. Quant au négatif… s’il fallait à tout prix en mentionner un… peut-être le stress dans certaines situations ? Mais cela ne sort pas du lot commun du monde du travail actuel et je ne veux pas m’y attarder.

  • Il y a certainement des aspects insoupçonnés par le grand public ?

Honnêtement, je pense que l’intégralité de notre métier ou presque est inconnu du grand public. La plupart des personnes n’imaginent pas le travail nécessaire qu’il a fallu fournir pour arriver au résultat final que l’on peut admirer.

  • Comment concevez-vous l’exercice de votre profession au quotidien ?

L’éthique et l’intégrité sont des valeurs primordiales dans notre domaine d’activité où la confiance joue un rôle clef.

Cela commence par appliquer une totale transparence vis-à-vis des traitements éventuels.

Nous privilégions les matières non traitées mais il nous arrive de chauffer nous-mêmes certaines pierres comme des tourmalines ou aigues-marines par exemple. Chaque pierre chauffée sera clairement mentionnée comme telle sur nos étiquettes et le client sera toujours prévenu.

De même, nous avons tissé au fil des ans un important réseau ainsi que plusieurs partenariats avec des exploitants miniers pour garantir à nos clients les origines de nos pierres.

Nomad’s a également signé avec plusieurs de nos clients importants des chartes de fournisseur où nous nous engageons à respecter un code de conduite strict incluant le respect de normes environnementales, des closes de non discriminations, d’absence de travail de mineurs, de liberté syndicale etc. Nous avons des audits réguliers de contrôle.

Pour finir, nous avons toujours travaillé avec plaisir avec les divers grands laboratoires ainsi que les écoles de gemmologie. Nous pouvons ainsi citer la SSEF, le GIA, l’AGL, le GGTL, Lotus Gemology, Christian Dunaigre…etc.

  • Comment gère-t-on la sécurité des marchandises, particulièrement sur les salons ?

Bien sûr, la sécurité est une préoccupation majeure et gérer le risque reste en permanence présent en arrière pensée.

Le vol est un problème durant les salons, les histoires de ce type arrivent malheureusement trop fréquemment. Nos confrères diamantaires sont parfois victimes de substitution entre un diamant et un autre de moins bonne qualité, voir d’un CZ (oxyde de zirconium synthétique, nda). Pour les pierres de couleur, ce genre d’opération criminelle est nettement plus compliquée mais nous devons toujours garder l’œil ouvert, ce qui n’est toujours facile lors des moments d’affluence.

Ceci dit, les salons sont de façon générale bien protégés avec une bonne présence policière. À Tucson par exemple, la police municipale et le sheriff surveillent les entrées et sorties et organisent des patrouilles 24 heures sur 24.

  • Comment se passent les relations commerciales dans un secteur pro aussi multiculturel ?

Sans trop de difficulté particulière. Nous sommes tous liés à une passion, du moins un centre d’intérêt commun. Je pense que l’énergie et le coté très positiviste des Nomad’s en général participe au phénomène : en conservant une bonne attitude, vous attirez naturellement les gens positifs ; une sorte de champ gravitationnel de la bonne humeur. Peut-être que les verres de Porto et les chocolats durant les salons participent également.

  • Une anecdote à nous raconter ?

Une bonne partie de mon parcours est une suite d’anecdotes ; mon recrutement en est l’archétype. En voilà une autre, parmi tant d’autres : lors d’un salon de Hong Kong, il y a quelques temps, un groupe d’acheteurs Chinois est venu sur notre stand. Ils sont restés l’après-midi, regardant chaque péridot de la collection à la loupe. Puis ils sont repartis en nous disant qu’ils repasseraient plus tard. Ils sont effectivement revenus…et ont acheté toutes les pierres.

  • Bon, et comment décompresse-t-on quand on a un métier si prenant ?

L’équipe partage toujours d’excellents diners le soir après les salons et il y a toujours des Nomad’s party lors de Tucson. Nomad’s, c’est une sorte de grande famille, un peu dysfonctionnelle parfois, mais toujours géniale. Ce qui explique pourquoi je n’ai pas tellement envie de quitter mon job.

  • D’ailleurs est-ce qu’on décroche vraiment ?

Difficilement, mais on y arrive. L’équipe raccroche complètement l’été et tout le monde prend 6 semaines de vacances ; loin des pierres.

*****

Je remercie très sincèrement Sébastien pour le temps qu’il a consacré à répondre à mes nombreuses questions.

À bientôt pour un prochain portrait !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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