Thierry Pradat, négociant en gemmes

Sep 3, 2016

Pour cette première interview de rentrée, je vous propose de partir à la rencontre de Thierry. Cela fait maintenant quelques années que nous nous connaissons et je trouvais particulièrement intéressant de l’entendre parler de son parcours et de son métier. Je vous invite donc à découvrir les spécificités de son métier et son regard sur son secteur professionnel. Bonne lecture !

M. Thierry Pradat

1-Thierry, pouvez-vous vous présenter rapidement ? 

Je m’appelle Thierry Pradat, père de deux garçons majeurs. J’habite et travaille à 10 minutes de Lyon, ma ville d’enfance.

2-Quel est votre métier actuel ? 

Je suis négociant en gemmes. Je revends à l’unité ou par quantité des gemmes non montées, achetées lors de mes voyages en Asie (Inde, Thaïlande, Sri Lanka) et aux USA (Tucson). Ma spécialité est plutôt les pierres de collection dites « exotiques » ou « atypiques », sans pour autant négliger le secteur de la bijouterie-joaillerie. Mon créneau de distribution est principalement par Internet sur mon site web Gems-Plus.com et accessoirement lors des expo-ventes de MineraLyon en Novembre et de Sainte-Marie-aux-Mines en Juin.

3- Quel a été le déclic pour décider de travailler dans le domaine de la bijouterie et/ou gemmologie ? 

Dans mon enfance déjà, je me suis passionné pour les fossiles et minéraux, n’hésitant pas à partir « gratter la roche » durant les vacances scolaires. J’ai constitué ainsi une collection de gamin au fil de mes découvertes et de mes petits achats, notamment dans les Alpes. Concilier passion et métier à l’approche de mes 40 ans a été une évidence assez naturelle pour moi, puis tout s’est enchaîné assez vite.

4- Pouvez-vous nous raconter votre parcours professionnel ? 

Mon activité professionnelle a démarré dans le marketing et l’édition, avec notamment la création d’un guide de découverte de restaurants à prix d’ami nommé Passeport Gourmand que j’ai lancé en 1987 à Lyon. Avec un associé, nous avons élargi le concept à d’autres régions françaises, dans les Dom-Tom et en Suisse romande. Près de 30 ans plus tard, le concept est inchangé avec l’existence d’une vingtaine de guides locaux différents proposés à la vente chaque année. Je suis toujours le propriétaire et le détenteur des droits sur la marque en France.

Quant au négoce de gemmes, une amie bijoutière a bien voulu me mettre le pied à l’étrier en me présentant mes premiers fournisseurs au Népal et en Inde en 2001. Dans la foulée, j’ai créé et ouvert mon site de vente sur Internet, au moment où le web en était encore à ses balbutiements. Depuis cette date, j’ai à mon actif près de 40 voyages d’achats à l’étranger, et Internet a rencontré le succès qu’on lui connaît aujourd’hui.

Photo : Gems-Plus.com

5- Quel est votre parcours d’études initial ? 

Je me suis arrêté avant la fin d’une Terminale Technique, une voie de garage qui ne m’était pas du tout destinée. Ma meilleure école a été celle de la vie avec l’acquisition des expériences directement sur le terrain et au travers des livres. Je suis un pur autodidacte, à mon compte depuis 1987, refusant très tôt toute forme de hiérarchie professionnelle. On ne se refait pas…

6- Quel est votre parcours d’études spécifiquement lié à la joaillerie et à la gemmologie ? 

Je souhaitais un diplôme reconnu à l’international. Il y en a trois, celui de la FEEG, de la Gem-A et du GIA. Pour des raisons surtout pratiques, j’ai opté pour le diplôme FGA de la Gem-A grâce aux excellents cours dispensés par le Gem Lab de Marseille. Mais il y a bien d’autres très bonnes écoles de formation en Europe et dans le monde.

7- Vous voyagez beaucoup pour acheter des pierres. Parlez-nous de vos expériences à l’étranger? 

Être sérieusement dans le négoce de gemmes sans aller les chercher dans ou au plus proche des pays producteurs est une hérésie, tout au moins à mes yeux. C’est pourquoi je me déplace 2 à 3 fois par an pour acheter, principa­lement en Asie. Trouver des fournisseurs de pierres là-bas est très facile. Mais trouver de BONS fournisseurs de confiance avec la BONNE marchandise aux BONS prix m’a demandé plus de 5 ans. Que ce soit à Jaipur ou à Bangkok, je dirais qu’il n’existe qu’un fournisseur ou broker sur dix qui mérite que l’on travaille avec lui. Affiner la sélection des fournisseurs demande de la patience et donc du temps. La majorité des fournisseurs ne sont pas gemmolo­gues. C’est à moi que revient toujours l’obligation de m’assurer, par les instruments de gemmo ou par la présence d’un certificat, que chaque pierre proposée correspond bien à l’identité annoncée. J’ai régulièrement eu quelques mauvaises surprises, par exemple avec les pierres incolores sans inclusions…

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Photo : Gems-Plus.com

8- Vous êtes beaucoup spécialisé dans les pierres atypiques et rares, pourquoi ce choix ? 

Mon esprit scientifique m’a poussé très tôt à m’intéresser aux matières qui sortaient des sentiers battus. Je me suis rendu compte à cette occasion qu’il existait un marché spécifique des collectionneurs. Ceux-ci présentent l’énorme avantage d’être fidèles et réguliers en achats. Ils représentent 75% de ma clientèle. Nous sommes 3 ou 4 en France sur ce créneau bien particulier. Lorsque la confiance du client est acquise, la fidélité est sans faille. La seule difficulté pour certains clients très fidèles de longue date est de leur trouver des gemmes ou des variétés qu’ils n’ont pas encore dans leur collection !

 9- Vous menez beaucoup d’activités en plus de votre entreprise : groupe internet sur Facebook dédié à la gemmologie, AFG Lyon, base de données gemmolo­gique… Tout le monde n’a pas ce sens du partage. Ce n’est pas trop fatiguant ?

J’avoue avoir un peu levé le pied ces derniers mois car le temps me manque mais le plaisir et la passion sont toujours intacts. Lorsqu’on a la chance d’exercer un métier de passion, je trouve qu’il est bien normal de partager ses expériences et connaissances avec le plus grand nombre.

 10- Notre métier regorge d’anecdotes et d’histoires. Je suis sûre que vous avez des choses à partager avec nos lecteurs.

Ce que l’on retient avec le sourire en tant qu’acheteur est lorsque le fournisseur se trompe à votre avantage sur l’identité d’une pierre. Cela se produit surtout lors de l’achat de lots complets car on ne peut pas tout vérifier sur place. On se rend compte de l’erreur une fois rentré chez soi. Par exemple, il m’est arrivé de trouver une jolie Taafféite violette dans un lot de Spinelles, une grosse Aigue-marine bien bleue dans un lot de Topazes traitées ou une imposante Tourmaline Achroïte dans un lot de Topazes incolores. L’inverse peut se produire également et là c’est moins marrant.

11- Qu’est-ce qui vous plait le moins dans votre métier ? 

Les longues heures dans les aéroports et les avions, d’autant plus que j’ai un problème chronique d’oreille interne !

12- Négociant, voilà une profession qui fait rêver beaucoup de jeunes. Nombre d’entre eux vont déchanter. La concurrence est rude. Quels conseils donneriez-vous à de jeunes gens qui souhaitent faire ce métier en particulier ? 

  • D’abord commencer par une bonne formation.
  • Puis choisir son créneau : pierre spécifique et ses variétés, pays spécifique, taille spécifique…
  • Puis sa clientèle : particuliers, professionnels…
  • Puis opter pour un ou plusieurs modes de distribution : Internet, expo-ventes, démarchage, boutique…
  • Puis s’armer de patience, persévérer et encore beaucoup de patience car la confiance et la fidélité s’acquièrent avec le temps.

À bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.