S’il m’a fallu du temps avant de vous parler de la remarquable exposition Medusa qui se tient au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, c’est parce que j’ai eu besoin de la revoir pour mieux l’assimiler. En effet, ma première rencontre avec l’installation a eu lieu lors du vernissage et il y avait tellement de choses à voir et à admirer qu’il était nécessaire de retourner la visiter dans le calme. Médusa est, pour moi, un objet culturel non identifié tant la diversité des pièces exposées rend l’événement différent de tout ce qui a été présenté parmi les manifestations culturelles liées au secteur de la bijouterie. C’est en cela qu’elle est une exposition majeure et immanquable.
Photographie d’Evelyn Hofer (1922-2009), Anjelica Huston portant The Jealous Husband (réalisé par Alexander Calder vers 1940). Photo : © Estate of Evelyn Hofer © 2017 Calder Foundation New-York / ADAGP, Paris 2017
Medusa. Méduse fut dans la mythologie grecque l’une des trois gorgones dont le regard avec le pouvoir de changer en pierre quiconque le croisait. C’est sur cette idée du regard que toute l’exposition est justement basée. Car un bijou est trop souvent un objet qui fascine et que la plupart des gens ne voit qu’aux travers des vitrines des joailliers. Objet au prix élevé car les matières qui le composent sont souvent onéreuses, le bijou questionne aussi sur son positionnement sociétal : croix ou médailles religieuses de baptêmes, alliances de mariages, bagues de fiançailles ne sont que quelques exemples de cet objet qui n’est absolument pas anodin dans notre vie quotidienne. Mais au-delà du signe religieux, il se veut parfois politique et peut marquer des événements privés tels que des deuils comme cela était le cas jusqu’à l’apparition de la photographie et la disparition progressive de ces derniers bijoux que je trouve très émouvants.
Reproduction d’une œuvre de Salvador Dali par Henryk Kaston Ruby Lips, années 1970-80. Broche, Or 750, rubis, perles de culture, 5,1 × 2,8 cm. Miami, collection particulière. Photo : © Photograph by Robin Hill
Mais le bijou est aussi un élément pour se parer et pour montrer sa fortune. Il est aussi un élément indissociable de nombreux ouvrages où les joyaux (comme de leurs absences parfois) sont bien présents dans les textes : « Elle n’avait pas de toilettes, pas de bijoux, rien. Et elle n’aimait que cela; elle se sentait faite pour cela. Elle eût tant désiré plaire, être enviée, être séduisante et recherchée. » (« La parure » Guy de Maupassant, Le Gaulois, 1884), « Nous attendons du monde, tu mettras tes bijoux, tes bracelets. Quand on est riche, il faut le montrer » (« Grandeur et décadence de M. Joseph Prudhomme », Henri Monnier, 1853) ou encore « Ce ne sont pas les toilettes coûteuses et les bijoux qui font le charme d’une femme. Vous n’avez pas besoin de fanfreluches et de diamants pour plaire. » (« Bahamas, tome 3: Un paradis perdu », Maurice Denuzière, 2007).
Vous l’aurez compris, le bijou est donc tellement ancré dans notre culture qu’il n’est pas toujours facile de le définir. Il est souvent féminin, mais pourtant terriblement masculin ; il est précieux mais se veut aussi à base de verre, de plastique, de résine, de bois, des matériaux plus communs qui lui confèrent toute sa singularité ; il est destiné aux hommes mais pare les animaux ; enfin, il se mange comme en témoigne le célèbre collier de bonbons Look o Look ou le collier de pâtes que nous avons tous offerts à nos mamans !
Meret Oppenheim (1913-1985), Bracelet, 1935, Paris, fourrure et métal. Collection privée. Reproduit avec l’aimable autorisation de la collection privée © ADAGP, Paris 2017. © ADAGP, Paris 2017.
C’est donc en cela que l’exposition Medusa est intéressante, car elle confronte des univers différents interrogeant la préciosité des objets au travers du prisme de notre propre culture. Qu’est-ce qui est bijou ? Qu’est ce qui ne l’est pas ? Pourquoi ? La commissaire de l’événement Anne Dressen, en collaboration avec Michèle Heuzé et Benjamin Lignel (conseillers scientifiques), propose de concevoir le bijou autrement. Je ne saurai que trop vous conseiller d’aller découvrir la mise scène, sobre et efficace, qui révèle au regard des pièces étonnantes, rares, atypiques mais aussi des pièces plus traditionnelles, touchantes voir porteuses d’histoires à l’image de la gourmette de Saint-Exupéry. Parmi les créateurs, vous retrouverez et découvrirez de grands noms de la joaillerie comme Cartier, Boucheron ou Mellerio ; mais aussi Jean Cocteau, Dali, Pol Bury, Suzanne Syz ou encore Galatée Pestre dont les pièces inspirées par les bijoux perdus me touchent plus particulièrement.
Collier Serpent, Cartier Paris, commande de 1968, platine, or blanc et or jaune, 2 473 diamants taille brillant et baguette pour un poids total de 178,21 carats, deux émeraudes de forme poire (yeux), émail vert, rouge et noir. Collection Cartier. Photo : Nick Welsh, Cartier Collection © Cartier
L’exposition se tient au MAM Paris jusqu’au 5 novembre 2017. Il ne faut pas la manquer car elle vous fera porter sur le bijou un regard différent. Parallèlement, l’événement se poursuit en ligne sur le passionnant site tenu par la journaliste Sandrine Merlé – The French Jewelry Post – qui est pour l’occasion le partenaire digital de Medusa. Vous y découvrirez régulièrement de nombreuses anecdotes sur les pièces présentées aux travers d’articles dédiés. Il vous reste donc une chose à faire : vous rendre au musée !
Medusa
Musée d’Art Moderne de Paris
Mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures (jeudi 22 heures)
À bientôt !