En juillet 2018, la maison de ventes aux enchères Sotheby’s frappait un grand coup en annonçant la vente de la collection de bijoux de la Famille Bourbon-Parme. Et plus particulièrement la vente des bijoux ayant appartenu à l’une des plus célèbres reines françaises : Marie-Antoinette. Celle qui ne comprenait pas très bien son peuple et aimait plus la brioche que le pain fut néanmoins assez prudente pour mettre à l’abri ses bijoux quand la situation politique se dégrada en France. Avec l’espoir, certainement, que ses pièces aident le Dauphin et lui permettent d’assurer son avenir. Elle ne savait pas encore que ni elle, ni son époux le Roi Louis XVI, ni son fils ne survivraient à la Révolution Française et n’assisteraient jamais à l’avènement du XIXe siècle. Si la fin de famille royale fut terrible, il nous reste aujourd’hui les pièces historiques qui seront vendues à Genève le 14 novembre 2018.
Lot 25 : ordre de Saint-James of the Sword en forme de Croix de Santiago en argent et rubis. Non signé mais dans un écrin de la maison Moritz Hübner de Vienne. Bijoux de la Famille de Parme en primogéniture selon une note de 1910. Estimation entre 10,000 et 15,000 CHF. Photo : Sotheby’s
Mais la famille Bourbon-Parme n’en ai pas à son coup d’essai. En mai dernier, elle vendait pour 6,7 millions de dollar le fameux diamant bleu « Farnese Blue » et faisait déjà les une de la presse spécialisée. J’avais eu le privilège de le voir, de le manipuler pour me rendre compte de la beauté de la matière et également de m’entretenir avec Daniela Mascetti ; une interview que vous avez pu lire il y a peu sur le site.
Lot 47 : boucles d’oreilles en or, argent et diamant datant de la première moitié du XIXe siècle. Provenance Marie-Thérèse de Savoie, Duchesse de Parme, femme du Duc Charles II de Parme et léguées par elle à son petit-fils Robert I Duc de Parme. Consignée dans l’inventaire de l’Archiduchesse Marie-Anne d’Autriche, Princesse Elie de Bourbon-Parme. Dans un écrin de la maison Froment-Meurice. Estimation entre 150,000 et 250,000 CHF. Photo : Sotheby’s
Cette collection, incroyable à bien des égards, est un concentré de l’histoire des royautés européennes et rassemble un nombre considérable de têtes couronnées. Tout en découvrant ma sélection parmi les 100 lots qui se présentent aux acheteurs, il est nécessaire de faire un peu d’Histoire pour resituer cette famille dans le paysage politique européen.
Lot 69 : broche en or, argent, diamants et saphir jaune de 11,99 carats. Provenance Marie-Anne d’Autriche (1882-1940), Princesse de Bourbon-Parme. Elle lui fut offerte par sa mère, la Princesse Isabelle de Croÿ, Archiduchesse Frédéric d’Autriche, à l’occasion de son 70e anniversaire en 1926. Estimation entre 40,000 et 65,000 CHF. Photo : Sotheby’s
1- Histoire de la Famille Bourbon-Parme
La Duché de Parme est créé en 1545 par l’Empereur Charles V pour Pierre-Louis Farnese, le fils naturel du Pape Paul III. Jusqu’en 1731, le duché reste en ligne directe de descendance grâce aux naissances masculines de la famille. A ce moment là, le duché est transmis à Elisabeth Farnese, laquelle a épousé en 1714 le Roi d’Espagne Philippe V (petit-fils de Louis XIV). C’est d’ailleurs à cette même Elisabeth que le Farnese Blue est offert par les Philippines. Son précédent propriétaire – le Conte de Villafranca – était l’arrière grand-père de son mari, le roi Philippe V.
Lot 80 : broche / Ornement de cheveux en argent, or, diamants et rubis de 6,89 carats certifié Birman et non traité par le SSEF. Vers 1900 dans un écrin de la maison Bachruch. Ce bijou fut offert par l’Archiduc Frédéric d’Autriche à sa fille, l’Archiduchesse Marie-Anne d’Autriche, Princesse Élie de Bourbon-Parme, lors de la naissance de son fils – Charles – en 1905. Estimation entre 200,000 et 300,000 CHF. Photo : Sotheby’s
Leur fils – Charles – aurait du devenir le Roi des Deux-Siciles mais il perd le Duché de Parme au profit de l’Empereur Francis I. Il faut attendre 1748 pour que Philippe, le frère de Charles, retrouve pleinement ses droits sur le Duché. Celui-ci épouse en 1739 Madame Henriette, la fille de Louis XV et en 1749 il initie alors pleinement la naissance de la maison et de la lignée Bourbon-Parme.
Lot 88 : Tiare en or, argent et diamants provenant de chez Hübner en 1912. Les diamants de ce bijou proviennent d’une plaque de l’Ordre du Saint-Esprit qui appartenait au Roi de France, Charles X, et vendue sous le numéro 85 dans le même catalogue. Il existe une photo de Marie-Anne de Bourbon-Parme portant cette tiare en 1913. Estimation entre 350,000 et 550,000 CHF. Photo : Sotheby’s
En 1849, une princesse française devient Duchesse de Parme. Louise d’Artois, future épouse du Duc Charles III, héritera en 1851 d’un tiers de la collection de bijoux de sa tante : Marie-Thérèse de France, Duchesse d’Angoulème dite « Madame Royale » et fille de Marie-Antoinette. Le reste de la collection ira au Comte et à la Comtesse de Chambord. C’est ainsi que débute la collection Bourbon-Parme qui se verra enrichit au cours de la fin du XIXe et du XXe siècle par des corbeilles de mariages successives. La seule descendance actuelle est celle issue du mariage du Prince Elie de Bourbon-Parme avec Marie-Anne de Habsbourg-Lorraine.
Lot 90 : ordre de la Toison d’or en or et argent, diamants, rubis et centre saphir du Sri Lanka non traité de 8,90 carats certifié par le SSEF. Réalisé vers 1820,il provient de Louis-Antoine de Bourbon, Duc d’Angoulême and Comte de Marnes (1775-1844), le plus jeune fils de Charles X qui fut également Grand Amiral de France entre 1814 et 1830. Estimation entre 300,000 et 400,000 CHF. Photo : Sotheby’s
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« Ma cassette contenant mes diamants et perles et bijoux et l’Etui de ceux qu’elle renferme et de ceux déposés au trésor Impérial de Vienne…sera remise à mes exécuteurs testamentaires tout de suite après ma mort. Mes diamants et perles seront divisés en 3 entre mes neveux Henri, Louise et Marie-Thérèse »
Marie-Thérèse de France*****
2- La collection : des pièces historiques rares
L’ensemble proposé chez Sotheby’s inclue des décorations à l’image de l’Ordre de Saint-Louis, l’Ordre de Saint-Georges, l’Ordre de la Maison Royale de Roumanie, l’Ordre de la Toison d’Or ou encore l’Ordre de Saint-James. Ces différentes décorations témoignent de l’intérêt militaire de la famille mais également de son implication dans la vie politique et publique des pays dans lesquels elle fut présente. Mais seront également proposés des bijoux provenant de la caissette de Marie-Anne d’Autriche et de Hongrie, de celle de Charles-Louis Ferdinand d’Artois, de celle de Louis-Antoine de Bourbon et bien sur, la collection de Marie-Antoinette.
Lot 95 : broche en diamant de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. En provenane de la reine Marie-Antoinette, listée dans l’inventaire de Marie-Anne de Bourbon-Parme. Estimation entre 50,000 et 80,000 CHF. Photo : Sotheby’s
« Sa Majesté s’était établie avec moi dans un cabinet d’entresol donnant sur le jardin des Tuileries, et nous emballâmes dans une petite caisse tout ce qu’elle possédait en diamants, rubis et perles »Mme Campan dans ses mémoires
En 1791, les bijoux de celle qui décédera moins de deux ans plus tard quitteront la France pour la Belgique et plus précisément Bruxelles où sa sœur l’Archiduchesse Marie-Christine est Gouverneur. Puis les bijoux iront ensuite à Vienne grâce au Comte de Mercy Argenteau et enfin à Madame Royale qui en héritera à sa libération de la Tour du Temple en 1795.
» Vous recevrez, monsieur le comte, une cassette à moi vers la fin du mois. Je vous prierais de me la garder, et, si vous quittiez Bruxelles, vous la remettrez à ma sœur pour moi »Marie-Antoinette
Lot 100 : Important pendentif en or et argent, diamants et exceptionnelle perle fine datant du XVIIIe siècle. Provenant de Marie-Antoinette, il est listé dans l’inventaire Marie-Anne de Bourbon-Parme. Il existe un tableau de Prosper Raffi représentant en 1849 la Duchesse de Parme et ses enfants sur lequel elle arbore ce bijou. Ce tableau est conservé au Domaine de Chambord. La Reine Marie-Antoinette portait ce bijou dans un important collier de perles fines (lot 97). Estimation entre 1 et 2 milions de CHF. Photo : Sotheby’s
Aussi, il vous est indispensable – si vous le pouvez – de faire le déplacement à Genève pour aller admirer cette époustouflante collection qui sera dispersée sous peu et donc les prix finaux devraient avoisiner les plus hauts records que l’on puisse espérer. Reste à souhaiter qu’un musée français sera sur les rangs de cette vente historique. Mais les coupes drastiques à la Culture ne laisse pas beaucoup d’espoir. Aussi, on ne peut que souhaiter que ces bijoux trouvent des acquéreur qui sauront les aimer et les respecter pour ce qu’ils véhiculent avec eux. Et peut-être les partager avec le grand public à la faveur d’une grande exposition.