9 merveilles parce je me suis arrêtée et qu’il fallait bien choisir. Et choisir c’est renoncer… Nous y sommes, ma période préférée de l’année commence, celle des belles ventes aux enchères en France et en Europe et à cette période, je me balade beaucoup… Je cours les présentations, je dégaine ma loupe à tout va, je scrute les bijoux dans les moindres détails et je me régale ! Chez Aguttes, une belle vente se prépare avec 199 lots tous très différents et enthousiasmants. J’en ai choisi 9 et j’espère qu’ils vous séduiront autant qu’ils ont fait pétiller mes yeux !
1- Un bijou XIXe fantasmé
Parfois, il y a des pièces qui vous laissent un souvenir fort parce que vous les avez trouvé belles en les découvrant. Dans les années 2010, en Espagne, un bracelet époque 1870 exactement identique à celui qui se présente m’avait fait un sacré effet. Seule différence notable avec celui que je vous présente aujourd’hui, la séparation entre les médaillons était actée par des petites émeraudes. Ma surprise fut donc grande de découvrir son jumeau.
Cette pièce est assez typique des bijoux XIXe célébrant la redécouverte de l’Antiquité dans toute sa splendeur imaginaire. Avec la redécouverte de la Grèce, les grandes fouilles de Delphes ou de Troie éveillent tout un chacun à l’importance de la civilisation hellénistique. Les sites archéologiques sont reproduits et diffusés dans la presse.
On s’émeut des constructions grandioses, des motifs intemporels, de la modernité des formes et des objets que redécouvrent alors les premiers archéologues. Le XIXe siècle est aussi celui du Grand Tour, celui qui fantasme l’Italie, les ruines antiques, l’Histoire. La mode ne peut ignorer cet engouement généralisé et propose ses propres interprétations. Les bijoux, bien sûr, sont aux premières loges et se teintent de néoclassicisme mélangeant toutes les inspirations !
Le bracelet dont je vous parle ce jour arrive dans son écrin de forme de chez Mahler, détaillant joaillier installé au 122-123 de la Galerie de Valois au Palais Royal dont on retrouve la trace dans les annuaires vers 1870. Ce quartier est connu pour être celui des horlogers comme la maison Leroy et des bijoutiers. Rappelons que Boucheron débuta son histoire ici-mème…
2- L’élégance des bijoux de sentiments
J’ai toujours aimé les bijoux qui ont un vrai supplément d’âme et les bijoux de deuil et plus largement de sentiments appartiennent clairement à cette catégorie. Imaginez une époque où la photo n’existe pas encore, où les seuls souvenirs des vivants sont les portraits ou une urne funéraire (quand on a assez d’argent), possiblement des éléments du corps humain qui se conservent (cheveux et parfois dents) et dans le meilleur des cas selon les pays européens, une pierre tombale.
Si de nos jours, on conserve le souvenir de la vie en empilant des milliers de photos dans nos téléphones et en s’envoyant des milliers de messages via WhatsApp, il y a presque deux siècles, les choses sont tout autres… Le lot 17 est une bague de deuil, on la reconnait à son urne funéraire sertie de diamants. Quant au lot 18, il est le symbole du deuil d’un couple, la bague était possiblement destinée à un des enfants du couple. Sur ce dernier lot, vous noterez le symbole d’un nœud dit « d’amour » ou ruban noué dont la symbolique témoigne de l’attachement du couple. Plus le nœud est serré, plus l’amour est intense !
La curiosité vous poussera peut-être à savoir qui était le Révérend Andrew Alfred Daubeny et son épouse Frances Elisabeth (dont le décès semble dater de 1878 et non 1869 comme écrit sur la bague, mais les erreurs d’écriture sont tellement courante à cette époque…) était un couple reconnu dans sa communauté en Angleterre, dans le Somerset. Leurs deux noms figurent d’ailleurs dans le cimetière de l’Église Saint-Andrew de Backwell. La famille semble avoir habité la belle maison de Backwell House qui est aujourd’hui un hôtel. Pour le reste, vous mènerez la suite de l’enquête…
3- Connaissez-vous la maison Beaumont & Cie ?
Parfois, j’aimerai bien avoir les cheveux longs pour pouvoir me faire un énorme chignon et ainsi arborer un accessoire que je trouve chicissime, le peigne ! Comme celui qui se présente avec le lot 35. Platine, or et diamants, ce qui le place résolument à la fin du XIXe siècle ou au tout début du XXe siècle. L’ensemble est totalement transformable, bijoux de jour et bijoux du soir en un seul écrin. Le tout-en-un comme la joaillerie a toujours si bien su le faire !
Pas de poinçon permettant de l’attribuer mais cette pièce arrive dans un écrin de forme de la maison Beaumont & Cie. Vous connaissez ? Possiblement non ! A l’origine, il y a un joaillier lyonnais qui s’appelait Agricol (et pas Agricole comme on le trouve souvent écrit) Beaumont, un prénom rare et pourtant plutôt courant au XIXe siècle à Lyon. Ce joaillier s’établit en 1836. Il décédera en 1871. Dès 1868, son fil Jean-Marie reprend l’affaire de son père jusqu’à ce qu’elle change de nom en 1896, devenant Beaumont & Cie. Ce qui colle assez bien avec la date de notre peigne / collier transformable. Depuis, la maison a évolué et demeure une très belle entreprise lyonnaise que vous connaissez peut-être sous le nom de Beaumont & Finet, laquelle prend son nom en 1956.
Sur ce type d’objet, j’aime la délicatesse des volumes et ce je-ne-sais-quoi que donne ce genre de pièce à l’allure d’une élégante.
4- « Une seule fleur ne fait pas une guirlande »
Cette citation issue d’un ouvrage du XVIIe siècle est assez adaptée à ce remarquable bijou. Remarquable dans son opulence et par sa taille, presque 14 centimètres de fleurs et de feuillages tous recouverts de diamants, lesquels ont du interpeller ceux qui les admiraient sur celle qui les portait ! Oui, parce qu’un tel objet n’est pas anodin. Scrupuleusement assis au creux d’un corsage, ce bijou ne joue pas les figurants et celle qui devait le porter non plus !
Mais prenez le temps de le retourner et de l’admirer dans les moindres détails. Modulable, transformable, cette pièce est une petite merveille de technicité. Les cols de cygne permettent de jouer avec les pampilles, le bijou se transforme au grès des humeurs et des obligations de celle en avait la garde… Quant aux fleurs, elles s’invitent dans les cheveux, se piquent dans un chapeau et permettent toutes les combinaisons possibles.
On connait de nombreuses pièces possédant une telle esthétique, complétement ancrée dans le XIXe siècle. Il existe de très nombreuses photos et des portraits de femmes du monde avec ce genre de broche. Si celle-ci est mobile, elle n’est pas montée en trembleuse mais elle témoigne néanmoins de cette envie des joailliers de l’époque de jouer avec la lumière qui apparait dans les intérieurs alors que la fée électricité illumine tout !
5- Swing !
Il est microscopique mais qu’est-ce qu’il est élégant ce pin’s représentant un golfeur au tournant des années 1920. Alors certes, son club n’est pas très fringant mais rien qui résiste à un joaillier compétant.
Le golf devient un sport de gentlemen réservé à une certaine bourgeoisie et à l’aristocratie au XIXe siècle. Mais il faut attendre les années 20 pour qu’une mode particulière s’empare de ce sport. En 1924, un certain Édouard VIII débarque aux USA pour un voyage diplomatique. Les journalistes de l’époque notent son goût pour les plus-four, ces fameux pantalons larges terriblement confortables apparus au XIXe siècle qui vont devenir dans les années folles l’emblème des golfeurs. Ou celui des Tintinophiles. C’est selon.
De nombreuses maisons de joaillerie ont proposé des bijoux de ce type, célébrant un certain art-de-vivre où le golf et l’apparition de l’automobile sont largement représentés. Je pense plus particulièrement à la maison Tiffany qui a produit une broche très similaire et dont la ressemblance avec notre bijou actuel est frappante. La notre restera anonyme mais elle saura illuminer la veste en tweet de son futur propriétaire. Et ce n’est pas Le Roi ou Faucon ou l’Ours d’Or qui auraient dit le contraire !
6- Onyx et années 20
Alors que l’Art nouveau s’efface, les dessinateurs remettent de l’ordre dans leurs idées et l’après première guerre mondiale ouvre le chemin d’une joaillerie simplifiée, géométrique, ordonnée où les contrastes et les couleurs offrent des harmonies nouvelles. Sur les pièces en platine, l’onyx et le cristal de roche s’affrontent. Les joailliers explorent de nouveaux territoires créatifs où les oppositions deviennent naturelles initiant un nouveau langage artistique.
Les boucles d’oreilles pampilles deviennent des incontournables du vestiaire féminin. Alors que les tenues se raccourcissent, que les robes se font bien plus légères et que Jeanne-Florentine Bourgeois aka Mistinguett enflamme le dance-floor, le bijou se fait mobile et ludique. Les boucles d’oreilles s’allongent en pendants aussi fins que délicats. Les pampilles en pierres ornementales, onyx, corail, lapis-lazuli prennent d’assaut les vitrines des joailliers et les femmes du monde entier les adoptent. Le jazz résonne dans les clubs, le Lindy hop et le charleston secouent la vieille génération. Si le vieux monde n’est pas si loin, le nouveau est définitivement bien là !
7- L’objet précieux selon Cartier
L’objet Cartier est une source d’admiration depuis de très nombreuses années. Quiconque aime la joaillerie est forcément, un jour, tombé en amour devant un objet de la maison. Qu’ils soient extraordinaires, voir même totalement improbables ou au contraire, comme avec le lot 57, plus petits, plus simples et taillés pour la vie quotidienne, il y a forcément un objet Cartier fait pour vous.
Mon rêve, avoir un petite boite de la célèbre maison pour y ranger mes trésors. Je trouve cet objet un peu décadent mais je me dis souvent que je ne suis pas née à la bonne époque. A l’image des peignes, je trouve que le necessaire, l’étui, la boite sont autant de pièces que je qualifie aisément de magiques. Réalisé en or et laque, l’étui qui se présente est une boite à cigarette. Il cumule, comme c’est parfois le cas, du vermeil, de l’or et même un peu de platine. Réalisée dans les années 1925, il fait écho à l’imaginaire asiatique. En opposition à la rigueur du cubisme, les chinoiseries de cette époque sont une échappatoire vers un monde merveilleux et fantasmé.
Le poinçon de maître révèle une maison plus discrète. C’est l’atelier Stoederum & Ruthenburg. Cet atelier qui voit le jour en 1919, succédant à celui de Benjamin Wollès, se fait une spécialité des articles pour fumeurs. Il n’existe quasiment rien à leur sujet et peu de pièces avec ce poinçon sont connues. Si quelques mentions dans la presse de l’époque existent, elles ne disent que peu de la réalité du travail de cet atelier dont cet objet délicat se présente à vous.
8- L’étoile de mer selon Tiffany & Co.
Le bijou Tiffany & Co. me réjouit depuis longtemps. Ce modèle des années 90 est un classique de la maison américaine. Cette étoile de mer dansante aux volumes généreux est un appel à la bonne humeur.
L’étoile de mer apparait à ma connaissance dans les collections de la marque aux boites turquoises dans les années 50. Jean Schlumberger la décline sous toutes les formes, coutures et volumes au gré de son imagination débordante. On la connait en émeraudes et rubis, en tourmalines et saphirs, en or brossé, mat ou au contraire brillant. Elle se fait aussi petite qu’envahissante, proposant avec ses mille couleurs des versions que même la nature n’a pas pensé à imaginer.
On la retrouve dans de nombreuses publicités, en 1958 sertie de pierres, en 1962 avec des turquoises et du corail. Schlumberger avait alors commencé à dessiner pour la marque dès 1956, inaugurant un partenariat fructueux. Sa maison dans les îles est une source d’inspiration sans fin pour ce créateur prolifique.
Avec l’arrivée de Elsa Peretti, l’étoile de mer devient plus organique et plus graphique. En simplifiant ses volumes à l’extrême, la créatrice revient à la ligne et sublime les contours de cet animal quelque peu mystérieux… Elle la décline alors en métal mais aussi en verre. La rendant peut-être plus poétique. La créatrice Sonia Younis la décline également, en témoigne un magnifique bracelet bicolore des années 70.
L’étoile de mer est donc bien partout chez Tiffany. Le design de ce modèle synthétise un peu les codes de tous les créateurs qui se sont un jour installés à la direction artistique de la maison. L’essayer c’est l’adopter. So…make a wish upon a starfish !
A bientôt !