Il a suffit d’un bracelet qui va passer aux enchères à Londres dans les jours qui viennent pour rappeler à ma mémoire une famille oubliée et une histoire à tiroirs.
Bracelet, qui m’a fait me souvenir que j’avais de la documentation à la maison et que cela valait peut-être la peine que je vous parle un peu de l’histoire de ces maisons car leurs histoires se confondent…
- 1 – Le Roy & Fils, devenue L. Leroy & Cie
Notre histoire démarre en 1730 qui voit la naissance de Basile Le Roy. Le destin aurait pu lui faire avoir une vie quelconque mais en 1747, il entre en apprentissage chez un horloger célèbre Joseph Quétin. Basile va ainsi ouvrir la voie d’une grande et célèbre famille d’horlogers français. Il restera ouvrier durant toute sa vie et c’est son fils qui installera la maison. Charles Basile, né en 1765, devient maître horloger et achète une boutique au Duc d’Orléans en 1785. Celui-ci, ayant besoin de liquidités, fait ouvrir au commerce le Palais Royal à Paris et de nombreux commerçants et artisans vont ainsi s’installer sous les arcades. Ce quartier parisiens va devenir celui des horlogers. Cette adresse – le 13-15 galerie Montpensier, Palais-Royal – restera celle de la famille durant plus d’un siècle.
Mais la Révolution gronde, et avec un nom pareil, il ne fait bon rester dans un quartier hanté par les révolutionnaires. Une opération immobilière plus tard et Charles-Basile disparait quelques années. On sait d’ailleurs qu’il signe ses pièces Elyor durant la terreur. Il revient et se refait un nom sous le règne de Bonaparte.
En 1805, il devient « Horloger de l’Empereur », puis « Horloger de Madame Mère ». Dès 1810, le succès est tel qu’il doit développer des collaborations en Suisse et dans le Jura français afin d’honorer toutes les commandes. En 1828, son fils Charles-Louis rejoint l’entreprise qui change de nom et devient Le Roy & Fils. Il faut bien comprendre que l’histoire de cette maison est intimement liée à celles d’autres manufactures horlogères, que ce soit par le biais des mariages dans la famille comme par les parcours des employés qui feront la renommé de l’entreprise. On peut ainsi rappeler que l’un des fondateurs de la maison suisse Patek Phillipe a commencé dans cette maison.
Exceptionnelle et rare montre-médaillon « à tact », en or, guillochée et émaillée, sertie de 17 ct de diamants. Signée Le Roy – Horloger de S.A.I. et R. Madame à Paris, n°3191, vers 1810. Collection du musée Patek Phillipe. Photo : Patek Philippe Museum, Genève.
En 1845, la maison est vendue à Casimir Halley Desfontaines. Les descendants de la famille ne souhaite pas la reprendre, et dix ans plus tard la maison part à la conquête de la cour d’Angleterre. Installée en 1854 dans Regent Street, puis dans New Bond Street, la maison renommée Le Roy & Sons devient « Horloger de la Reine Victoria » en 1863. Elle livrera des pièces partout en Europe. Précisons que dès le XIXe siècle, les pièces s’enrichissent d’émail et de pierres comme des diamants ou des saphirs.
Petite montre de poche en or, émaillée et sertie de diamants, modifiée pour être montée sur bracelet, commissionnée par intérêt royal en 1874. Cuvette signée Le Roy & Fils, « To The Queen », 57 New Bond Street, London – Paris. Made in France et gravée de la couronne royale. Vers 1875. Collection du Musée L.Leroy. Photo : L. Leroy.
En 1879, Desfontaines engage le jeune Louis Leroy, dont la famille est aussi dans l’horlogerie. En 1883, George Halley Desfontaines prends la suite de son père. Puis en 1888, Jules Halley Desfontaines prend le relais au décès de son frère. Il nomme le jeune Louis associé. C’est lui qui reprendra la maison en 1889 et lui donnera son nouveau nom : L.Leroy & Cie, ancienne maison Le Roy & fils.
Théodore-Marie Leroy, horloger et père de Louis et Léon Leroy qui donneront le nom définitif à la maison L. Leroy & Cie nait en 1826. Il est Horloger de la Marine et il fut décoré de la légion d’honneur (1884). Il est surtout un fabricant fort connu pour ses chronomètres. Son atelier était au 88 rue de Varenne.
Papier à lettres de la maison Théodore Leroy, constructeur de chronomètre. Il fut le père de Louis et Léon Leroy.
La fin du XIXe voit l’ouverture d’un atelier à Besançon, puis l’arrivée de Léon Leroy, frère de Louis. En 1899, la maison s’installe boulevard de la Madeleine dans le 8e arrondissement de Paris. Durant tout le XXe siècle, la clientèle restera prestigieuse et assurera le reconnaissance constante de la maison. Je m’attarde rapidement sur la montre Leroy 1 créée en 1900, petit chef d’œuvre de l’horlogerie, laquelle restera la montre la plus compliquée du monde jusqu’à la création par Patek Philippe de la Calibre 89. La maison ne produit pas de joaillerie mais vous remarquerez que de nombreuses montres présentent des fabrications particulièrement ouvragées permettant la présence d’éléments de joaillerie.
Montre en or et argent sertie de diamants, vers 1905, Le Roy & fils. la pièce est gravée : « To The King », Le Roy & Fils, 57 New Bond St, London. Vendue chez Sotheby’s en 2013 pour 6200 €. Photo : Sotheby’s
En 1935, Louis (sans descendance) décède et Léon transfère l’entreprise rue du Faubourg Saint-Honoré. Elle gardera cette adresse jusqu’en 1980. Les héritiers de Léon cèdent la maison à cette époque. C’est en 2004, qu’un nouveau chapitre entreprend de s’écrire pour cette illustre entreprise. Miguel Rodriguez achète la maison et ses archives, puis l’intègre au groupe Festina-Lotus. C’est désormais une seule maison d’horlogerie. Les archives révèlent que ce sont presque 400 000 pièces qui ont été fabriquées durant deux siècles d’existence de la maison… Un chiffre épatant !
- 2 – Leroy & Fils
Au début du XIXe, une autre famille d’horlogers est installée au Palais Royal : la famille Leroy. D’après les renseignements que j’en ai, la maison nait vers 1813. Il est installé au 114 et 115 (peut-être même au 116 à un moment donné) galerie de Valois. On trouve des exemples de réalisations datant du milieu du XIXe dans les ventes aux enchères. La maison porte le nom de Leroy & fils.
Exemple de gravure sur une montre Leroy & fils, en or jaune, circa 1850. Photo : The pocket watch spécialist.
N° 13802 Montre de poche extra plate en or ciselé, à bordure mouvementée et fond gravé de feuillage et de volutes. Cadran en émail blanc à chiffres romains. Avec sa barrette d’accroche en or ciselé et ajouré. Poinçon chimère, XIXe siècle. Signée Leroy et fils, horlogers du Roi, galerie de Valois n° 114, Palais Royal. Photo : Gazette Drouot.
Il semble, et cela est fort probable au vue des échanges qui se faisaient et qui continue de se faire dans ce métier, que Théodore Leroy fut à même de travailler avec d’autres horlogers célèbres et particulièrement la famille Lepaute. Néanmoins, beaucoup de renseignements que l’on peut trouver semble s’avérer faux, les dates ne correspondent pas toujours. C’est donc avec beaucoup de prudence que j’écris cet article. Je le mettrai à jour avec grand plaisir si vous avez des renseignements complémentaires. Je trouve trace de la maison dès 1823 dans le Bulletin d’Encouragement pour l’Industrie Nationale. Il obtient de Louis-Philippe le titre d’horloger du roi en 1835. Vers 1850, il semble que la maison soit rachetée par Jean-Auguste Fraigneau, lui-même horloger. Et elle va garder le nom de Leroy & fils.
Toujours est-il qu’après 1883, la maison Leroy & fils semble s’être basée au 35 av. de l’Opéra à Paris. Et elle ne quittera plus cette adresse jusqu’à la fermeture de la maison vers 1960. Des montres avec des parties empierrées existent dès la fin du XIXe siècle et les bijoux apparaissent dans les années 30. La maison qui commercialise des montres bracelets va proposer des pièces le plus souvent réalisées en platine, diamants et pierres de couleur (rubis, saphirs, émeraudes).
Broche en platine, diamants et rubis datant de 1935. Signée et numérotée Leroy et fils. Vendue chez Sotheby’s en 2013. Photo : Sotheby’s
Ces deux publicités datent des années 1942 et 1943, elles sont tirées de l’Officiel de la mode. On peut ainsi y voir quelques exemples des pièces que proposait la maison. Photo : Édition Jalou
À bientôt !