La possibilité d’une vraie rétrospective du travail de Ramon Puig Cuyas à Paris tient presque d’un miracle. Lequel a pourtant eu lieu et se tient actuellement à la Galerie La Joaillerie par Mazlo à Paris jusqu’au 18 mai 2019. Aussi, si vous ne devez voir qu’une exposition de bijoux durant ce glacial printemps parisien, c’est celle-ci. En effet, depuis la 11 avril, la galerie vous propose de vous plonger dans l’œuvre de ce grand nom du bijou contemporain afin de découvrir un juste mélange entre ses dessins et ses réalisations depuis 1985 jusqu’à aujourd’hui. Un tour de force admirablement mis en scène où les pièces, aussi étonnantes qu’enthousiasmantes, se répondent parfaitement et permettent de mieux saisir la personnalité de cet inlassable créateur.
Mais peut-être vous demandez-vous qui est Ramon Puig Cuyas ? Né en 1953, à Matarò (Espagne), il se destine dans un premier temps à l’illustration. dans cette optique, il étudie entre 1969 et 1974 à l’Escola Massana de Barcelone. Il s’initie au design d’objets et va progressivement glisser vers le bijou. Il impose petit à petit son regard artistique à la fois comme designer tout en étant artisan et donc fabricant de ses propres croquis. Puis, il va également devenir une voix puissante du bijoux contemporain en devenant professeur puis Responsable du Département de Design de Bijou à l’Escola Massana. Entre 1977 et 2016, il enseigne et dirige ce département dont la qualité n’est plus à démontrer. Reconnu et éminemment respecté, il est invité à donner des cours à l’étranger et intervient en France, au Danemark, en Finlande. En 1988, le Royal College of Art de Londres ; en 1990, à Helsinki ; en 2006, à l’Académie des Arts d’Estonie de Talinn… etc.
Son œuvre est une ode à la simplicité des matériaux et à la démocratisation du bijou. Celui-ci doit être beau mais peut être constitué de matières simples, souvent issues d’un process de récupération. Cette démocratisation de l’œuvre plaide également pour l’autonomie du créateur. Autant que possible, celui-ci doit être en mesure de la réaliser entièrement et ainsi, il doit connaitre les gestes comme les techniques qui lui sont nécessaires. Au contraire de la joaillerie qui se veut collective par sa complexité mais également plus élitiste, les pièces de Ramon Puig Cuyas sont le résultat d’une démarche individuelle et deviennent également plus accessibles. Pourtant si la joaillerie est plus simple à décoder car souvent figurative, ici – au contraire – il faut accepter de se laisser entrainer dans un univers onirique dont la poésie imprègne le moindre élément. A l’image des pièces de la « Erfurt Suite » qui sont un hommage aux routes qui défilent par delà les vitres des voitures ou des trains. Rappelant inexorablement, à titre plus personnel, les voyages de l’enfance sur les routes du Sud qui me menaient chez mes grands-parents…
« No 1551 ». Broche, 2014. Série « Suite d’Erfurt: Transparencias of the forgetfulness ». Métal oxydé, émail sur acier. Photo : La Joaillerie par Mazlo
« No 1767 ». Broche, 2018. Série « Maps to get lost in the Forest ». Métal oxydé, feuille d’argent et émail sur acier, albâtre. Photo : La Joaillerie par Mazlo
Depuis 1985, Ramon Puig Cuyas evolue en réalisant des séries plus ou moins longues. Il reconnait lui-même ne pas se limiter et explorer tout ce que sa créativité lui offre. Si toutes les séries sont remarquables, certaines peuvent toucher plus intimement. C’est, là encore, la force du bijou contemporain. Nous retiendrons, entre autres, les ensembles « Utopos », « Natura Morta », « Archipelagos », et la récente « Suite de los sonidos de la Tierra » qui propose des cartes abstraites du ciel. D’ailleurs, l’homme est collectionné, ses pièces toutes numérotées et pour beaucoup présentes dans de grands musées tels que le Fonds permanent du Bijou Contemporain de Cagnes-sur-Mer, le Musée des Beaux-Arts de Montréal, le MAD de New-York, le MFAH de Houston ou encore le LACMA de Los Angeles. Alors, allez voir ses créations, respirez-les et laissez-vous enivrer par son immense talent. Cette addiction n’est définitivement pas mauvaise pour la santé.
« No 1626 ». Broche, 2016. Série « Suite Antarctica ». Métal oxydé, corail blanc reconstitué, basalte. Photo : La Joaillerie par Mazlo
« No 1794 ». Broche, 2018. Série « Sounds from the Earth ». Métal oxydé, feuille d’or et émail sur acier, granit, corail blanc reconstitué. Photo : La Joaillerie sur Mazlo
À bientôt !