Les belles surprises de la vente Aguttes, 28 octobre 2020

Oct 19, 2020

L’automne est bien là, le ciel est un peu gris, les températures en chute libre et le moral un peu dans les chaussettes. Et pourtant, il y a aussi de très bonnes raisons d’apprécier ce mois d’octobre 2020. Les expositions bijoux sont nombreuses et les jolies ventes aux enchères se profilent. De quoi réchauffer les froides journées qui s’annoncent. L’une des premières et belles ventes de la saison est celle de la Maison Aguttes qui se tiendra le 28 octobre 2020 à Neuilly-sur-Seine. C’est une petite vente avec moins de 120 lots mais c’est une vente délicate qui recèle de très jolis bijoux anciens et des pièces rares comme étonnantes.

Je me suis donc plongée avec joie dans ce catalogue et entretenue avec Philippine Dupré la Tour pour échanger sur les belles pièces de la vente et vous les présenter. En espérant qu’elles sauront allumer des étincelles dans vos yeux et que vous apprécierez cette sélection. Comme à chaque fois, je me suis volontairement éloignée des lots phares pour choisir avec soin des bijoux qui ont su éveiller mon intérêt : matériaux étonnants, fabrication délicate, signature inattendue ou modèles rares composent donc cette sélection.

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Lot 4 : épingle en or et labradorite. Estimation entre 400 et 600 €. Photo : Aguttes

Le premier bijou que je voulais vous présenter est une adorable petite épingle en or sertie d’une labradorite (lot 4). Ce feldspath si particulier est réputé pour ses magnifiques jeux de couleurs – dont le bleu et l’orange – qui sont recherchés quand ils sont très intenses. Ce petit bijou pourrait être facilement ignoré à condition de prêter attention aux délicats petits détails qui le composent. Sa fabrication est très simple et pourtant complétement maitrisée, notez le soin apporté à la réalisation de la date, à la forme des lettres et des chiffres. Nul doute que ce 14 avril 1921 a eu une très grande importance pour son ou sa propriétaire de l’époque. S’ajoute bien évidement cette pierre. Si elle est mieux connue désormais, ce n’est pas forcement le cas à l’époque. On connait très peu de bijoux de cette époque avec cette pierre et c’est certainement ce qui a attiré mon attention. Ne la laissez pas vous échapper !

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Lot 14 : pendentif en or, diamants et perle fine dans son écrin de Paul Templier, vers 1905. Estimation entre 3000 et 3500 €. Photo : Aguttes

Pour la seconde pièce, je pourrai vous raconter de nombreuses histoires mais je vais tacher de ne pas être trop bavarde. Un bijou de Paul Templier qui se présente aux enchères ne peut absolument pas être ignoré. Le lot 14 est un très beau pendentif en or gris, diamants et perle fine. Il est en très bon état même s’il est possible que deux pampilles soient manquantes. Il y a certainement eu une transformation de celles-ci en boucles d’oreilles. Ce bijou est démontable et peut se porter en broche. Il date de 1905 environ, son style « guirlande » étant parfaitement reconnaissable. Mais Paul Templier est surtout le père de Raymond Templier ; lequel d’ailleurs viendra travailler avec son père à la fin des années 1910. Paul sera installé au 3 place des Victoires à Paris, son travail sera récompensé à de nombreuses reprises ; d’ailleurs l’écrin du collier précise qu’il a reçu en 1900 la Médaille d’or de Paris et également un Grand Prix à l’Exposition Universelle de 1904. Savez-vous qu’il est un des premiers joailliers à utiliser le platine dès 1900 ? C’est également un nom important pour le syndicat de la bijouterie car il en deviendra le président en 1907. Historiquement ce bijou et son écrin sont très intéressant. Les Templier ont honoré la joaillerie française de très belles créations, à ne pas laisser passer !

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Lot 23 : broche en or rose et platine, diamants et perles du Mississippi. Estimation entre 2000 et 4000 €. Photo : Aguttes

Je crois pouvoir dire que j’aime éperdument le lot 23. La forme, le sujet et ses perles qui évoquent inévitablement les chrysanthèmes de Henri Vever qui passèrent par la Collection Faerber. Mais cette jolie broche gardera son secret. Pas de poinçon lisible, pas d’écrin. Elle demeurera une inconnue, mais une très très belle inconnue. De celle que l’on croise dans la rue et dont le visage et l’attitude restent marqués à jamais dans votre esprit. J’aime bien cette idée, cette part de secret, ce voile que l’on ne peut pas complétement soulever. Quoi qu’il en soit, ce bijou est magnifique, son état de conservation impeccable et c’est suffisamment rare pour un bijou de ce type. Alors, il est nécessaire de le signaler. Je suis persuadée qu’elle trouvera un propriétaire qui saura l’aimer, l’apprécier et lui fera honneur de temps en temps lorsqu’un beau bijou sera nécessaire pour accompagner une tenue. Car avec ses 10 cm, elle est quand même imposante et n’est pas destinée à de la simple figuration. Les perles en témoignent par le réalisme évident qu’ils confèrent à cette jolie demoiselle.

Lot 30 : paire de boucles d’oreilles en platine et or, diamants, centres pour environ 3,40 ct. Vers 1920. Estimation entre 30,000 et 35,000 €. Photo : Aguttes

Vous le savez, j’ai toujours aimé les bijoux qui bougent et qui dansent. Car un bijou doit absolument suivre les mouvements du corps, il doit s’adapter à la personne qui le porte. Comme cette délicate paire de boucles d’oreilles en or et platine sertie de diamants qui se veut aussi joyeuse que ludique. Les bijoux des années 20 sont toujours pleins de surprises et je trouve qu’ils reflètent cette « fête » permanente qu’étaient les années de l’entre deux-guerres : on y retrouve cette joie, cette envie d’éclat, ce non conformisme qui a révolutionné cette époque, la rendant magique et magnifique. Indéniablement, la dame qui portait ce bijou devait avoir un très beau train de vie et elle devait certainement sortir ou recevoir beaucoup. On imagine aisément cette élégante dans ces robes droites qui simplifient les mouvements, dans cette mode à la Chanel qui se veut aussi belle que simple et pourtant sophistiquée. On aime à l’imaginer jouant avec ses bijoux, faisant scintiller les diamants grâce à la fée électrique… Ces boucles d’oreilles invitent à la danse, alors ne vous privez pas et entrez sur scène.

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Lot 69 : bague en argent, or et pâte de verre de couleur bleue, signée de l’artiste Jean Després. Estimation entre 2000 et 3000 €. Photo : Aguttes

Étonnante est le bon mot pour introduire cette magnifique bague de Jean Després. Si sa forme générale et son esprit reflète bien le créateur, cette pâte de verre bleue n’est pas courante dans le travail du joaillier moderniste que fut Després. On connait bien quelques exemples avec des pierres, souvent ornementales par ailleurs, je n’ai pas trouvé de bijoux se rapprochant de celui-ci. Il est suffisamment massif, imposant même. Il habille la main et on ne manque pas de le remarquer. Ce bijou n’est pas fantaisie, il n’est pas vraiment précieux au sens où on utilise ce mot désormais et pourtant il a tout pour plaire et pour ne pas lasser. En ce sens, alors, il devient précieux. On y retrouve les grandes inspirations de l’artiste : les formes de Braque, la couleur de Picasso ou de Modigliani qu’il fréquentera longtemps et qui, tous, nourriront son esprit créatif. Il y a ce quelque chose de très libre dans ce bijou qui pourrait faire penser à une structure utopique et architecturale. C’est certainement ce qui le rend aussi singulier dans l’œuvre de l’orfèvre joaillier. La maison Aguttes présente une large palette de pièces de l’artiste, mais cette bague sort clairement du lot !

Lenfant

Lot 86 : collier Hermes « chaine d’ancre » en or réalisé par la maison Georges Lenfant. Estimation entre 6500 et 8500 €, s’ajoute le bracelet (lot 87). Photo : Aguttes

Parce qu’il faut bien finir un jour, j’avais envie de terminer avec ce collier de la maison Hermès qui compose le lot 86 ; le lot 87 se composant – lui – du bracelet pour former la parure. Si j’ai retenu cette pièce, c’est d’abord car il est en or gris et que ce modèle est surtout connu en or jaune. Mais c’est surtout pour ce travail incroyable sur les mailles qui le constituent. Car, forcément, avec une fabrication aussi soignée, on ne peut que penser à la maison Georges Lenfant dont les mailles sont aussi célèbres que recherchées. Je suis amoureuse de ces bijoux, j’aime leur fausse simplicité et leur vraie compléxité. Car pour réaliser cela, il faut une sacrée dose de savoir-faire et une parfaite connaissance du métal. Voyez la parfaite fuite des maillons car, ici, il n’y a pas de fausse note. Pas de pierres, elles ne sont pas necessaires et c’est tant mieux. L’atelier Lenfant à lui aussi marqué l’histoire de la joaillerie parisienne. Apprentie, j’avais eu la chance de pouvoir admirer certaines archives de cette belle maison. Leurs bijoux sont aussi indémodables qu’ils sont beaux. Que ce soit les mailles ou les animaux, eux aussi célèbres et célébrés. Il y a des bijoux qui marquent et qui deviennent iconiques. Le collier « chaine d’ancre » fait définitivement parti de cette caste particulière des bijoux qui restent.

A bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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