Gemstone patchwork queen: Valerie Jo Coulson

Fév 26, 2021

Il y a des artistes que j’aurais du interviewer depuis longtemps. Mais voilà, le temps n’est pas toujours le même pour tous et il passe beaucoup trop vite à mon sens. Valerie Jo Coulson fait partie de ces artistes dont j’aime énormément le travail. J’aime également sa manière d’aborder le bijou, ses sources d’inspiration et sa discrétion permanente. Ses pièces racontent des histoires de vie, la première étant peut-être celle de ses parents. Une maman qui était designer textile et qui lui appris à coudre et à assembler. Un père qui était peintre et designer. Chez Valerie, tout est une histoire d’équilibre et de respect des forces naturelles. De cette géométrie sacrée qui a guidé bien des artistes, bien des architectes et surtout qui est l’essence même de toute création, elle en fait des bijoux. Parfaits en tous points. Présentation.

Valerie Jo Coulson

1- Chère Valerie Jo, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis une créatrice indépendante depuis plus de 35 ans. Je réside dans le comté rural de Lancaster, en Pennsylvanie, dans une très vieille ferme de presque 300 ans que mon mari et moi avons méticuleusement restaurée. Au cours de cette période, j’ai décidé de créer des bijoux et des objets d’art uniques en leur genre. Mon travail a été représenté par un certain nombre de galeries reconnues avec des expositions aux États-Unis et à l’étranger. Parallèlement à cela, je suis récipiendaire de plusieurs prix, notamment quatre Saul Bell Design Awards et j’ai la chance que mon travail fasse désormais parti de grandes collections privées et publiques.

2- Quelle est votre formation en bijouterie et pourquoi avoir choisi ce médium comme moyen d’expression artistique?

J’ai grandi dans un milieu artistique où tout était enrichissant. arts visuels, arts du spectacle, architecture, musique, dance… À cela s’ajoutaient des pratiques de disciplines plus artisanalles… couture, tissage, fabrication de perles, macramé, batik. En tant qu’étudiante en beaux-arts à l’université, j’ai poursuivi des études en dessin, peinture, sculpture, gravure, photographie et histoire de l’art. Dans ma quatrième année, j’ai pu m’inscrire à un cours de fabrication de bijoux. J’ai compris presque immédiatement que c’était le médium dans lequel je pouvais fusionner mon attrait pour le design, l’ingénierie et la construction avec l’expression artistique. Après trois semestres de fabrication de bijoux où j’ai pratiqué la fonte à la cire perdue, techniques de brasage/soudure et l’art lapidaire, j’ai commencé à acquérir des outils et du matériel pour mon propre studio et j’ai continué à élargir mes connaissances et mes compétences en lisant et en pratiquant différentes techniques.

Bracelet « Firenze », 2015. Argent avec oeil-de-tigre, d’agate pourpre et Cady Mountain agate . « Best of Show » 2017 Saul Bell Design Awards. Photo: Valerie Jo Coulson. Photo : Valerie Jo Coulson

3- Comment décrivez-vous votre travail?

J’utilise des techniques traditionnelles de fabrication et de mise en forme des métaux précieux; construction de structures architecturales/ponts dans lesquels j’incruste souvent la pierre pour inculquer davantage un récit. Je pourrais décrire mon travail comme un «rationalisme romantique», une synthèse de l’expressionnisme et de Stijl.

4- Vous êtes passionnée par la géométrie sacrée. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi cela est si important? D’où vous vient plus particulièrement cette source d’inspiration?

Mes inspirations pour de la géométrie sacrée résident dans son esthétique, ses mathématiques et sa métaphysique; des proportions idéales et des codes géométriques au cœur de toute création dans les formes de vie à l’intégralité du cosmos, c’est le principe symbolique sous-jacent de l’unité et du rapport inséparable de la partie au tout. Assurément sous la tutelle de mes parents, j’ai assimilé les géométries dès mon plus jeune âge… relation de ligne, d’angles et d’espace avec la connaissance de la philosophie actuelle qui arrive dans le temps. L’aspect métaphysique encadre un principe, puis guide un ordre et un équilibre de et avec la nature ainsi que l’humanité.

Boucles d’oreilles « Regeneration » #1. Argent, Piraha Agate. « Regeneration ». Photo : Valerie Jo Coulson

5- Beaucoup de vos créations me rappellent les designs des patchworks Amish. Est-ce l’une de vos sources d’inspiration?

Tout à fait, oui. Ayant grandi dans une communauté agraire cultivée par la communauté Amish, je me réfère à leur manière simple et claire. En revanche, j’ai travailler à partir de leurs représentations raffinées de la vie et de la foi que sont les motifs et les couleurs audacieuses de leurs traditionnelles courtepointes.

6- Vous souvenez-vous de quand vous avez créé votre premier bijou?

Je dirais que c’est en 1985 que j’ai atteint le niveau nécessaire pour produire ce que je pourrais appeler un bijou. J’ai alors réalisé le bracelet «Pas de Deux». Une note historique Marie qui vous intéressera car cette pièce fusionne une composante amish avec ma passion pour le ballet classique… En 1984, le comté de Lancaster a été le lieu de tournage du film «Witness» sur un petit garçon Amish qui a été témoin d’un meurtre. Alexander Godunov (principal danseur du Ballet du Bolchoï, transfuge aux USA, devenu acteur de cinéma) a joué le rôle principal en tant que fermier amish. J’avais admiré Alexander en tant que danseur spécifiquement dans Don Quichotte et par les circonstances du tournage, j’ai eu la chance de le rencontrer brièvement… La réalisation de ce bracelet a été inspiré par cette rencontre. Très tristement, peu de temps après l’acquisition du bracelet par la collectionneuse de bijoux Daphné Farago, j’ai appris le décès prématuré d’Alexandre, alors âgé de 45 ans. Le bracelet réside dans la collection permanente Daphne Farago du Museum of Fine Art Boston.

Le bracelet « pas de deux » en or, jade noir et jade vert, 1985. Don de Daphné Farago, Musée des Beaux-Arts de Boston. Photo : MFA Boston

7- J’aime vraiment votre sourcing en terme de matériaux. Les pierres d’origine américaine semblent très importantes dans votre démarche créative?

J’ai beaucoup de splendides pierres précieuses et de spécimens minéralogiques provenant de régions d’Amérique du Nord et du Sud… Jade noir, jaspes, agates, turquoise, opale. Très tôt, j’ai fréquenté les magasins de pierres et les salons de pierres précieuses comme de minéraux. C’était une incursion passionnante et colorée dans l’esprit et la personnalité des mineurs. Un ami de mes grands-parents qui était l’un de ces collectionneurs avait parcouru le monde avec le Rotary Club pour acquérir un vaste ensemble de roches, de minéraux et de pierres précieuses. J’ai une précieuse collection de matériaux bruts de sa part, provenant de vieilles mines fermées depuis longtemps. Je possède aussi des géodes en agate retrouvées dans les champs des agriculteurs au Brésil.

8- Il semble qu’un sourcing éthique soit nécessaire dans votre cheminement créatif?

Oui et cela s’inscrit dans la philosophie de la géométrie sacrée, ce qui équivaut à la gestion de notre terre. Le respect  de tout fait partie intégrante de l’œuvre que j’ai créée, il m’a orienté vers les fabrications structurelles et les incrustations qui me permettent de construire des pièces de taille substantielle tout en utilisant le minimum de matériaux précieux

La bague « Duomo » inspiré du dôme de Brunelleschi de la Santa Maria del Fiori. Fabriqué en argent, incrusté d’œil de fer, d’œil de tigre, jaspe vert impérial et opale australienne. 2012, Collection privée. Photo : Valerie Jo Coulson

9- Quelles sont vos matières gemmes préférées?

J’adore: l’opale pour son feu et sa vie, le jade pour sa ténacité et sa résilience, l’oeil de tigre pour sa chatoyance et le quartz rutile pour son mystère.

10- Avez-vous un outils préféré et pourquoi?

Je ne pourrais pas me passer de ma scie, c’est le premier outil dans mon processus de fabrication puisque je découpe avec tous les éléments que je vais assembler ensuite.

Manchette « The Gauntlet », 2004. Or jaune 22 carats, bande intérieure en or jaune 14 carats, opales boulder noires du Queensland, rubis, incrustations de jade noir, chrysoprase, opale de Coober Pedy et grenat almandin. Photo : Valerie Jo Coulson

11- Sur votre site, j’ai vu une merveilleuse maison rouge. Je suppose que c’est votre studio. Pouvez-vous nous dire comment celui-ci vous inspire et vous guide au quotidien?

Oui, c’est mon studio de joaillerie et aussi notre studio de photographie. Lorsque nous avons acheté notre propriété et notre ferme, il y avait aussi les fondations en pierre d’une grange délabrée depuis peut-être 75 ans. Nous avons restauré ces fondations, autrefois elles étaient recouvertes de mortier de boue et certains des murs s’effondraient. Nous avons terminé ce travail, puis embauché une équipe Amish pour élever une grange à poteaux et poutres… Trois hommes ont terminé ce travail en trois jours… Nous avons ensuite isolé et terminé avec le revêtement et les fenêtres. L’inspiration et l’anticipation de ressusciter cette structure m’ont permis le deuxième jour de capturer cela dans une photographie ; en regardant à travers les poteaux et les poutres qui se découpaient sur un ciel bleu turquoise. Je l’ai traduit par une broche, «The Barn Raising / Yellow Cross» en hommage aux bâtisseurs amish et en référence au tableau «Yellow Christ» de Paul Gauguin…corrélatif de son hommage à la piété des paysannes bretonnes. J’ai finalement fait don de ce bijou au Museum of Fine Art Boston

Broche en argent, en turquoise et œil de tigre, 1996. Celle-ci représente la construction d’une grange sous un ciel bleu. Photo : MFA Boston

12- Vous êtes une artiste discrète mais très respectée par l’industrie de la bijouterie. Comment expliquez-vous votre longévité?

Merci, j’apprécie vos mots. L’art, pour moi, n’a jamais vraiment été une question de gain commercial ; il s’agit de connexions forgées dans la mise à nu de l’âme de chacun pour toucher celle des autres. C’est profondément personnel, les bijoux sont, à plusieurs niveaux, le moyen de communication le plus personnel. La beauté est intemporelle; la quête éternelle.

13- Pour conclure cette interview, avez-vous un conseil pour les jeunes joailliers?

Philosophiquement… Restez fidèle à ce que vous êtes tout en étant suffisamment sage pour vous adapter, vous améliorez. Il faut aussi ajouter à votre bibliothèque le livre d’Oppi Untracht intitulé «Jewelry Concepts and Technology».

A bientôt !

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.