Les trésors de la vente Aguttes

Juin 16, 2021

Le 24 juin prochain, à 14h30, à Neuilly-sur-Seine, aura lieu la vente aux enchères de la maison Aguttes. Sobrement intitulée « Bijoux », elle recèle de très belles pièces et de cascades de perles fines, l’une des spécialités de la maison que le département bijoux – dirigé par Philippine Dupré la Tour – aime à sourcer dans les coffrets à bijoux oubliés de la France entière. Alors quand la maison m’a demandé d’effectuer une sélection dans la prochaine vente, j’ai répondu présente pour choisir les bijoux qui m’ont le plus étonné dans un catalogue qui n’en compte pas moins de 150. J’ai retenu 8 lots qui sont un juste milieu entre belles histoires, matières étonnantes et audaces créatives. J’espère que vous aimerez!

Lot 64: paire de broches cigognes en or 750 et platine, diamant, rubis. Signée Van Cleef & Arpels. Epoque Art Déco. Estimation entre 10000 et 15000 euros. Photo: Aguttes

Savez-vous me dire ce que sont les cigognes dans l’armée française? Non? « Les cigognes » est le nom donné a une unité aéronautique de combat qui fut le berceau de grands noms de l’aviation entre 1914 et 1918. Quand le Lieutenant Bellanger fait ses adieux à ses pilotes, comparant leur arrivée prochaine à Belfort aux cigognes qui annoncent le printemps, il donne involontairement son surnom à cette escadrille. Cette paire de broches, réalisée par la maison Van Cleef & Arpels, a été commandée par la grand-mère de la propriétaire actuelle. Celle-ci était la marraine d’une unité de cette escadrille. La position des cigognes aux ailes repliées sera celle qui illustrera les appareils de la SPA 26. Dans cette unité figurait d’ailleurs un monsieur qui a donné son nom à un célèbre tournoi sur terre battue: M. Rolland Garros. Je lui souhaite de voler vers une maison qui les chérira tout autant qu’elles le furent jusqu’à présent!

Lot 67: broche moderniste en or, platine, diamants et aigue-marine. vers 1930. Estimation entre 8000 et 10000 euros. Photo: Aguttes

Quand j’ai vu cette pièce dans le catalogue, j’ai forcément pensé à Templier ou à Fouquet. Parce que tout me faisait penser à leurs pièces respectives. Mais il y avait aussi un je-ne-sais-quoi de Belperron ou de Dusausoy là-dedans… J’ai cherché, j’ai ouvert mes livres, j’ai comparé et j’ai trouvé de nombreuses pièces qui se rapprochaient de cette merveille mais aucune n’était celle-là précisément. Quand il n’y a pas de poinçon, c’est le drame. Ou pas. Le mystère c’est bien aussi finalement. Quoi qu’il en soit, cette pièce est d’une élégance rare. Son équilibre est parfait, il n’y a pas de fausse note ici dans la conception de ce petit objet réalisé principalement en platine. J’y vois un jet d’eau, ou un jardin à la française autour d’un bassin aux eaux limpides, cette broche me transporte. Un jour, peut-être, nous saurons qui a réalisé ce bijou. En attendant, les spéculations vont bon train, et je lui souhaite que le feu d’artifice se produise lors de la vente du 24 juin…

Lot 72: CARTIER, Clip «Cornemuse». Email rouge, vert et blanc, or 18k (750). Estimation entre 2500 et 3000 euros. Photo: Aguttes

Je n’avais encore jamais croisé la route d’une cornemuse signée de la maison Cartier. Pourtant, j’en ai vu des pièces étonnantes, souvent réalisées sur mesure, issues des ateliers de la maison. Mais la cornemuse, c’est une première. Si je l’ai sélectionné c’est parce qu’elle sort clairement du lot. Signée Cartier Paris, elle a donc été réalisée en France. Les couleurs rouge et blanche font référence à la croix de Saint-Georges que l’on retrouve sur le drapeau anglais mais également sur de nombreux autres drapeaux partout dans le monde. Quand au mélange vert et rouge, ce sont les couleurs de nombreux tartans traditionnels utilisés par des clans écossais et irlandais. Vous remarquerez que cette broche représente également un Sporran, mot gaélique écossais signifiant sacoche, cet élément du costume traditionnel masculin des Highlands, en Écosse. Le sporran pallie l’absence de poches du kilt. Il est issu des sacoches communément portées à la ceinture dans l’ensemble de l’Europe médiévale. Nul doute que cette pièce devait appartenir à un amoureux de la région des Highlands, ou de l’Écosse plus généralement.

Lot 78: bague patriotique en or, saphir, diamant et rubis. Estimation entre 4000 et 4500 euros. Photo: Aguttes

Récemment je vous parlais sur Instagram des bijoux patriotiques lorrains. Il y aurait matière à écrire un ouvrage entier sur le sujet tant la politique et la bijouterie sont des sujets intimement liés. Les bagues « tricolores » françaises ne sont pas légion sur le marché, nous avons un rapport à notre drapeau national très différent des américains, qui par exemple, le font flotter dans leurs jardins ou aux frontons de leurs maisons. Sans que cela soit vu comme un signe politique. Les bagues aux couleurs françaises ont surtout existé au sortir de la deuxième guerre mondiale. On se souviendra de Jeanne Toussaint, arrêtée par la Gestapo pour avoir exposé en vitrine de la maison Cartier une broche avec un oiseau aux couleurs françaises enfermé dans une petite cage. A la libération et jusque dans les années 50, ces bagues sont assez courantes, puis disparaissent progressivement… Aussi en voir une, entière, en bon état, n’est vraiment pas courant. Alors, le 14 juillet approche, je ne sais pas si on pourra faire la fête, mais on pourra au moins faire preuve de chic et de choc avec une bague!

Lot 79: parure signée René Boivin en or et calcédoine bleue. vers 1950, dans son écrin d’origine. Estimation entre 10,000 et 15,000 euros. Photo: Aguttes

C’est marrant, parce que quand je vois des bijoux avec de la calcédoine bleue, je ne peux m’empêcher de penser à la Duchesse de Windsor dont les bijoux ont marqué l’imaginaire collectif. Cette parure des années 50, est un très bel exemple des réalisations imaginées par Juliette Moutard qui intègre la maison René Boivin dès 1933 et y restera jusqu’en 1976, date de son départ à la retraite. Cette matière n’est pas si courante dans les créations de la maison. On connait quelques exemples mais je n’ai pas en tête une parure aussi imposante et graphique avec cette pierre. J’ai particulièrement aimé la souplesse de cette parure et le délicat travail de l’or qui enserre les boules de calcédoines. Si cette parure semble très simple, il faut observer finement le travail du métal et les motifs en volutes qui rappellent les filigranes sardes. Les pompons ajoutent cette touche musicale, on les imagine tintinnabulant au grès des mouvements du porteur… Un bel objet qui saura, à n’en pas douter, réjouir sa futur propriétaire. J’imagine déjà cet ensemble au cou et au poignet d’une élégante.

Lot 81: broche fleur en or, rubis et émail par la maison Mellerio. Estimation entre 2500 et 3000 euros. Photo: Aguttes

Le talent de la maison Mellerio pour réaliser des broches fleur n’est plus à démontrer. Sur ce bijou, j’aime plus particulièrement le travail d’embouti pour réaliser les pétales de cette pièce suffisamment imposante qui mesure près de 8 cm de hauteur. Les pistils sertis de rubis apportent une touche de couleur élégante et j’aime ce centre en émail qui fait invariablement penser à un saphir étoilé. Cela fait longtemps que je pense que les pièces Mellerio ont une vraie place à prendre sur le marché des enchères mais les prix demeurent relativement bas. Et pourtant, les pièces ne sont pas nombreuses et toujours très bien exécutées. Alors si vous aimez la belle bijouterie, avec une fabrication soignée, ce clip fleur saura illuminer vos vestes et manteaux. Son coté rétro est vraiment parfait et on sent que le créateur a été un fin observateur de la nature. Regardez l’épanouissement de la fleur, le délicat tombé des feuilles, la savante dissymétrie des pistils. Cette broche est d’abord un travail botanique avant d’être un bijou. Peut-être parce que les joailliers sont des conteurs de la nature…

Lot 83: bague en or, diamant, émeraude, vers 1955. Signée Van cleef & Arpels. Estimation entre 12,000 et 15,000 euros. Photo: Aguttes

Il y a dans cette bague, quelque chose de terriblement gourmand. De prime abord, je n’ai pas pensé à une pièce Van Cleef & Arpels, mais plutôt à une pièce Bulgari par exemple. La faute, où la chance surtout, à ce cabochon imposant en émeraude que je trouve vraiment beau avec toute ses inclusions qui racontent toute l’histoire de sa formation naturelle. L’espace d’un instant je me suis vue sous le soleil brulant de Rome avant de revenir flâner dans la ville de toutes les lumières. Ici, la fabrication du panier montre tout le talent du joaillier qui, à l’époque, ne travaillait qu’à la main. Avez-vous vu le sertissage, par palier successif, qui donne un volume particulier à cette pièce? Il y a un coté joyeux, froufroutant, festif, dans cette monture où les diamants apportent un vrai plus à l’ensemble. La maison de la place Vendôme est connue pour ses pierres spectaculaires et, déjà, cette pièce de 1955 démontre le talent de la marque à présenter des gemmes rares. A l’heure où l’absence d’inclusions et la pureté des pierres sont des gages de qualité, cette bague montre à quel point le contre-pied est possible. Et à quel point, les pierres même incluses savent être aussi belles que désirables. Regardez cette couleur, intense, vive, franche, on croirait tenir un de ces glaçons à la menthe qui rappellent autant les étés brulants que les joies de l’enfance. Ces étés qui ne finissent jamais!

A bientôt!

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.