Depuis que Suzanne Syz a déserté le monde de la joaillerie, les amateurs de bijoux décalés et à histoires pleurent. Mais c’était sans compter sur la maison Van Cleef & Arpels qui a su penser et réaliser une exposition dédiée à l’humour dans la joaillerie. Alors, il est vrai que de prime abord, associer cette grande maison de joaillerie parisienne et l’humour n’est pas évident tant la marque est plutôt connue pour ses adorables fées, ses délicates danseuses et ses parures gourmandes et opulentes. Lancée durant le confinement, l’exposition a été obligée de fermer ses portes pour mieux les rouvrir il y a quelques semaines. J’ai profité de ma venue à Paris pour la semaine de mode pour aller la visiter et je n’ai pas regretté ce rajout à un emploi du temps très très chargé. Je me suis retrouvée à rire devant les vitrines de la galerie du patrimoine de la boutique de la place Vendôme. Alors que je m’apprête à m’évader pour l’été, voila une idée de balade pour les parisiens de cœur comme de passage. Car vous avez jusqu’au 31 aout pour aller la découvrir. Visite. Et bel été à vous tous et toutes !
Dessin représentant un pendentif « lion en cage », vers 1960. Archives Van Cleef & Arpels.
Dans l’époque actuelle, où le manque d’humour est criant et le politiquement correct souverain, la maison fait le choix de se plonger dans ses archives afin de montrer comment elle a su, au grès des décennies, jouer sur les mots, les situations afin de d’utiliser l’humour comme un vecteur de communication, réinventant son message en temps de paix comme en période de crise. Avec talent. Ici, illustrateurs, dessinateurs, joailliers ont su réinterpréter attitudes cocasses, figures et motifs enfantins, faisant naitre l’esquisse d’un sourire sur les visages des clients. C’est ainsi que dès 1916 on trouve dans les vitrines de la maison autant des symboles d’une époque que des sujets intemporels. Citons ce dessin d’un arlequin facétieux (vers 1930), celui d’un marin à l’accordéon ou ce clip figuratif d’un soldat avec une infirmière, tout deux datant des années 40. La fin de la Prohibition donnera lieu à des bracelets dont les charm’s permettent de reproduire des cocktails célèbres. Passée la Libération, il faut reconnaitre aux années 50 puis aux suivantes une liberté de ton, une joie ambiante marquée autant par des événements politiques importants que par des avancées nécessaires à notre société.
Pancarte-produit d’un clip Infirmière et Soldat, 1940. Archives Van Cleef & Arpels
Bracelet dont les charm’s permettent de reproduire un Martini, vers 1930.
Viendront ensuite les petits animaux qui contribueront aux succès de la marque. Cette ménagerie désirable se compose de lions ébouriffés, de chats mutins, de souris ou encore de canards en goguette. Sertis de diamants, de rubis, d’émeraudes, ces adorables petites broches rencontrent un succès incroyables autant en Europe qu’outre-Atlantique. Il suffit d’ailleurs d’ouvrir les catalogues des maisons de ventes aux enchères pour découvrir ces bijoux qui atteignent aujourd’hui des prix parfois records donnant raison à la publicité de 1969 qui vante la boutique parisienne « où vous découvrirez des bijoux pleins de gaieté et de fantaisie, faciles à acheter, faciles à porter, et des cadeaux spirituels tels que vous aimez les faire… » On retrouve dans ces pièces l’esprit des cartoons américains connus dans le monde entier. Au-delà des bêtes à poils, Van Cleef & Arpels ne s’interdit rien. En témoigne ce pirate émaillé, cet épouvantail sertis de pierres colorées ou encore ces clips Cowboy. Et parlons donc ce briquet Paradoxe, en or jaune, qui dévoile en son sein de vraies allumettes pour parer à une panne de carburant.
Clip Pirate, 1967. Or jaune, émail. Collection Van Cleef & Arpels. Pirate clip, 1967.
Briquet Paradoxe en or jaune. Celui-ci contient de vraies allumettes et un grattoir. A l’époque, il était vendu grâce à une réclame disant « Fonctionne même en cas de panne d’essence ». Archives Van Cleef & Arpels.
L’exposition vous accueille jusqu’au 31 aout 2021. Ne la manquez pas car elle donne à voir une autre façon de vivre la joaillerie. Certes, il est question d’humour mais aussi de cette légèreté dont l’époque ne fait pas preuve. Alors pour la retrouver, poussez les portes du 20 place Vendôme et laissez-vous charmer par ces petits sujets qui racontent plus que vous ne le pensez les époques auxquelles ils ont été fabriqués.
A bientôt !