Il y a quelques semaines, à Genève, des pièces signées René Lalique attiraient et étonnaient les amoureux et les marchands spécialisés chez Sotheby’s. L’exposition du Mandarin Oriental présentait autant les lots phares qui étaient vendus quelques jours plus tard que des pièces qui vont illuminer les ventes de fin d’années. Et voila que la collection Claude H. Sorbac se dévoilaient en partie devant nos yeux.
Broche acier et aluminium. Acquise auprès d’un marchand londonien en 1979. Estimation entre 8000 et 12,000 euros. Photo: Sotheby’s
De René Lalique, on connait beaucoup et parfois si peu. Il suffit d’une pièce complétement différente des autres pour révéler une facette d’un créateur. Quand l’une des filles de Claude Sorbac, Marie-Louise, a accepté de nous parler de son père et de sa collection, c’est un monde qui s’est dévoilé. Au travers de l’histoire de sa famille, la collection de son père s’est révélée. Si Sotheby’s proposera sous peu 39 lots, la collection a compté jusqu’à une cinquantaine de pièces. « Papa disait que cet homme était un génie par l’oeil qu’il avait, par la diversité des matériaux qu’il a toujours utilisé. Il a toujours regretté, en son temps, qu’il soit si peu considéré. Chaque objet est un témoignage de sa pluridisciplinarité et de sa curiosité » commence Marie-Louise, posant ainsi l’une des lignes directrices de l’entretien. Fasciné par les objets en verre, Claude va d’abord collectionner les objets signés Daum ou Gallé pour ne citer que ces deux signatures. Si les bijoux arrivent tardivement, il a 45 ans quand il bifurque vers ce médium, il est déjà fasciné par le verre depuis longtemps. Et c’est par cette matière qu’il va découvrir le travail de Lalique. Le goût de l’art est un pilier de la famille. Pour comprendre, il faut dérouler l’histoire familiale et resituer Claude dans celle-ci. « Notre arrière grand-père s’appelait Jules Strauss. Il était un grand collectionneur. Les tableaux, les objets étaient partout chez lui. Il a transmis ce goût du beau à toute sa famille » ajoute sa fille. Parmi les auteurs présents dans cette collection familiale, on trouve des Renoir, des Sisley, des Degas et même Tiepolo.
René Lalique | Peigne corne et diamants, « Hirondelles Amoureuses ». Formant deux hirondelles en corne, l’une tenant dans son bec une branche rehaussée de diamants taille ancienne et 8/8, dimensions 218 x 167 mm environ, signée Lalique, poids brut 31.55 g, vers 1906-1908, dans son écrin signé Lalique. Héritiers de René Lalique. Acquis en 1979 à Paris, auprès d’un descendant de René Lalique. Estimation entre 400,000 et 600,000 euros. Photo: Sotheby’s
Claude Sorbac né en 1921. Son père Roger et également collectionneur d’art quand sa maman est décoratrice pour une grande maison parisienne. Sa formation à HEC est interrompue par la guerre car il doit s’enrôler au STO. A 22 ans, il intègre le 1er régiment des Spahis Marocains et participera à la libération de Paris avec la 2e DB. Il apprend au sortir de la guerre le décès de son père, Roger, qui avait été déporté à Auschwitz suite à la « rafle des notables« . Après avoir repris puis terminé ses études, il éprouve le besoin de s’éloigner de la France et de la situation compliqué de l’après-guerre. « Il a alors accepté un poste à Buenos Aires pour relancer une usine qui fabriquait des fermetures éclair. L’aventure Argentine le tente alors et il dit oui » explique sa fille. Après plusieurs années, il s’installe en indépendant et initiera plusieurs sociétés, toujours en Argentine. « Ce pays fut une vraie terre d’accueil, il rencontrera notre mère là-bas et ils auront cinq enfants dont moi » ajoute Marie-Louise. Malheureusement, les années 70 voit la situation politique se dégrader. Claude ferme ses sociétés et décide de revenir en France. C’est à cette époque qu’il commence à acquérir des objets. Il visite inlassablement les antiquaires, les marchés, ses amis le conseillent aussi. Partout où il voyage, il regarde, observe et achète, la plupart du temps, ils sont en lien avec l’Art nouveau.
Peigne ivoire, corne, émail et diamants, « Cattleya ». Héritiers de René Lalique. Acquis en 1976 à Paris, auprès d’un descendant de René Lalique. Estimation entre 700,000 et 1,5 millions d’euros. Photos: Sotheby’s
L’ensemble de la collection est saisissant. Les pièces sont remarquables, beaucoup sont étonnantes et révèlent un peu plus l’artiste qui est derrière. Bien sûr, les pâtes de verre sont sublimes. Le travail du métal tout autant. Les deux broches en acier et aluminium sont stupéfiantes par leur modernité et elles sont totalement inattendues. Le verre est un point commun de nombreux bijoux ici présentés. « Portable » revient régulièrement dans la discussion avec sa fille, mais il faut noter ici la fausse simplicité des pièces qui les rend d’autant plus désirables. Si les bijoux sont nombreux, on découvre aussi des médailles, une imposante boucle de cape et un collier col liés à la pièce d’Edmond Rostand, Chantecler, qu’il mit huit ans à écrire, de la vaisselle. L’éclectisme du tout rend cet ensemble fabuleux. Nul doute, on l’espère en tout cas, que les amateurs seront nombreux. Claude Sorbac nous a quitté en mars 2021 dans sa 100e année. On notera le clin d’œil de Lalique. Sa manufacture de Wingen-sur-Moder vient de fêter son centenaire. Si vous voulez découvrir les pièces, il faudra vous rendre chez Sotheby’s à Paris à partir du 11 décembre. L’événement s’annonce somptueux, comme la vente!
A bientôt !