Le 10 février prochain, la toute nouvelle maison de ventes aux enchères Art Research Paris proposera une vente dédiée aux designers joailliers. Une vente comme j’en ai rarement vu. Forte de 205 lots, cette vacation est une véritable plongée dans la joaillerie contemporaine comme on en fait peu. A la fois bijoutiers, joailliers, visionnaires, les signatures de ce catalogue sont toutes exceptionnelles à plus d’un titre. Plus important encore, il s’agit là d’une collection privée époustouflante. Le mot est faible tant j’ai été subjuguée lors de la découverte des pièces. Déballés devant moi s’exposaient ainsi et sans complexes des bijoux signés Jean et Thierry Vendôme, Gilbert Albert, Wolfers, Fernand Demaret ou encore Diana Carmichael. Et je ne vous parle pas des montres… Cadrans en pierres ornementales parfaites : malachite, œil de tigre, opale… Trop ou pas assez, impossible de trouver les bons mots pour décrire l’accumulation des pièces. Ou si, un. « Liberté », car tous les bijoux présents dans ce catalogue célèbrent la liberté créative, l’imagination poétique et la confiance totale envers ses joailliers de celle qui les acquis, portés et aimés.
Alors je vous propose de découvrir quelques lots de la vente, la sélection fut rude, mais le catalogue vous attend sur le site de la maison ARP Auction Paris. Et si vous le pouvez, ne manquez pas la vente. Elle sera, je l’espère, à la hauteur des pièces proposées. Et quelle collection !
La catalogue est riche de 31 pièces signées de Jean ou de Thierry Vendome. Impossible donc de choisir une pièce en particulier tant elles sont toutes superbes. Cinq pièces, un peu au hasard donc, mais c’était éblouissant de les manipuler lors de la découverte de la vente. Dans le diaporama, les lots 3, 74, 75, 76 et 80. Certaines pièces avaient été présentées à l’occasion de l’exposition à la Galerie de Minéralogie de Paris en 1998. Né en 1930 et décédé en 2017, Jean Vendome laisse derrière lui une œuvre incomparable dans l’univers de la joaillerie contemporaine française. Cet ensemble reflète toute la diversité de son travail, son amour pour les pierres brutes, sa passion pour la matière. Mais surtout, c’était un joaillier, un technicien, qui connaissant parfaitement son métier, qui savait quand faire appel à des savoir-faire qu’il n’avait pas. C’était un artisan, avec un métier dans les mains, et une créativité débordante nourrie par ses propres recherches et sa curiosité pour le monde et la nature.
Fernand Demaret était le pionnier de la joaillerie contemporaine belge. Si son style est très différent de Jean Vendome, il n’en demeure pas moins une signature incontournable du mouvement moderniste et contemporain. Le catalogue compte 31 pièces du créateurs, j’ai choisi de vous présenter les lots 5, 22, 27, 32 et 34. Né en 1924 à Namur, son père est bijoutier-joaillier et son grand-père est horloger. Son ambition était de base relativement simple, apprendre le métier de son grand-père et reprendre la clientèle de celui-ci en y ajoutant un peu de bijouterie. Mais une rencontre de 1954 va rebattre les cartes de son destin. Un jour de 1954, il rencontre Mme Liliane Nathalie Mosselmans qui va devenir son épouse. Avec son ami André Lamy, orfèvre, il initie l’Atelier Demaret dès 1961 où se côtoieront des signatures importantes de la joaillerie contemporaine belge. On croisera régulièrement dans l’atelier Claude Wesel par exemple. Son premier magasin en nom propre se situera rue du Bailli puis il déménagera sur l’Avenue Louise, une des plus belles de la ville. Reconnu comme l’un des chefs de file de la création contemporaine belge, il laisse une marque indélébile dans l’histoire de la bijouterie joaillerie. Son univers, bien à lui, reconnaissable entre mille est définitivement devenu inoubliable. Ses circuits électriques et ses vaisseaux spatiaux sont autant d’élément qui caractérise sont style futuriste. Ne me demandez pas pourquoi, mais à chaque fois que je vois ses pièces, je pense à ce dessin animé qui a marqué mon enfance: les mondes engloutis.
Parmi les créateurs phares de cette vente, on retrouve également Gilbert Albert, le joaillier contemporain suisse par excellence. 21 pièces avec sa signature font parties de cette fabuleuse collection privée. Pour illustrer mon propos, les lots 4, 16, 40, 41 et 51. Quand j’ai démarré dans ce métier il y a plus de 20 ans, j’étais – et je suis toujours – une inconditionnelle de son travail donc j’admirais chacune des pièces que je les voyais apparaitre dans la presse. Alors pouvoir manipuler autant de bijoux de ce monstre sacré de la joaillerie fut un moment assez fabuleux. Gilbert Albert apparait peu dans les ventes aux enchères, et ses créations sont recherchées. Son travail est plus proche d’un Jean Vendome par le volume des pièces et par les matières même si le créateur était un amoureux des matières issues du règne végétal et du règne animal. L’ambre, le corail, l’écaille de tortue, les dents de requin tigre, les noix de muscades, la carapace de tatou, les piquants d’oursins crayons… La liste est sans fin. Et ses pièces nécessitent souvent un certificat CITES en raison des matières rares et précieuses qui les habillent. Rentré en 1955 comme dessinateur chez Patek Philippe, il en deviendra chef d’atelier. L’homme est diplômé de l’École des Arts Industriels de Genève et des beaux-arts de cette même ville. Dès les années 60, il s’affranchit et ouvre sa première boutique. Le succès le suivra jusqu’au bout. Son travail est unique comme la majorité de ses pièces. Il est incontournable dans la joaillerie contemporaine internationale. Beaucoup essayent de l’imiter sans y arriver.
Le reste du catalogue est composé de signatures parfois plus confidentielles mais tout aussi existantes. Ce qui étonne dans cette collection, c’est éclectisme de la collectionneuse et c’est bien ce qui rend cet ensemble parfaitement exceptionnel. Vous croiserez des pièces signées de Wolfers, de Landuyt, de Chopard, de Tiffany & Co, de Fred, de Zolotas… Coup de cœur plus particulier pour le lot 143, un bracelet en ébène et or signé de Cléto Munari. Choisir n’est pas vraiment possible. Un tel ensemble serait parfait dans un musée. Les pièces seront dispersées le 10 février prochain au 174 rue du faubourg St-Honoré. Mais vous pouvez profitez de quelques jours pour aller les voir. C’est nécessaire. Aucun amoureux du bijoux ne peut manquer un tel phénomène. Chapeau ARP Paris, avec ce premier catalogue, vous vendez du rêve!
A bientôt !