Jacques Frappa, une vie de négociant

Juin 18, 2018

Rencontrer Jacques Frappa, c’est ouvrir un livre plein de souvenirs, c’est voyager aux quatre coins du monde, c’est rire et réfléchir beaucoup car l’homme possède une humour franc et porte un regard plein d’intelligence sur son univers professionnel. Je vous emmène donc à la rencontre d’un négociant dont la vie s’ancre entre le Brésil, la France et le monde entier. Mais pour comprendre son parcours, il faut repartir dans les années 70…

Jacques frappa, gama gem

Opale d’Ethiopie pour 20,40 carats. Photo : ©MarieChabrol

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« J’achète des pierres pour les vendre. Mais aussi pour stimuler l’imagination des créateurs. J’aime pouvoir proposer des matières qui vont raconter des histoires et en faire naître ! »

Jacques Frappa

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Jacques frappa, gama gem

Saphirs « rose cut » naturels et non traités en provenance du Sri Lanka.  Photo : ©MarieChabrol

1973, Jacques est un jeune adulte qui a besoin d’aventures. C’est comme cela qu’il décide, grâce à des relations familiales, de partir au Brésil. Un premier passage par Rio puis après quelques mois, il arrive et s’installe à Salvador de Bahia. S’en suit une première année festive. Puis l’envie de s’établir le rattrape. Et il ouvre entre la fin 74 et le début 75 un bar restaurant le « Berro d’Agua ». Il ira même jusqu’à posséder une boite de nuit. La vie nocturne s’avère être pleine de surprises et c’est par ce biais qu’il va redécouvrir les pierres gemmes et continuer sa vie avec elles…

Jacques frappa, gama gem

Appairage de béryls vert facettés sur les faces des bruts, 80 carats. Photo : ©MarieChabrol

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« Pourquoi les pierres ? Ma mère avait toujours eu de très beaux bijoux et de très belles pierres. Je me souviens de ses saphirs par exemple. Je n’avais jamais imaginé devenir négociant. Personne de ma famille ne faisait ce métier. C’est l’histoire d’une rencontre. »

Jacques Frappa

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Jacques frappa, gama gem

Saphirs bruts roulés en provenance du Sri Lanka et de Madagascar. Photo : ©MarieChabrol

Un soir, il fait la connaissance de M. Alain Pigot, un négociant français qui connait bien le Brésil et qui s’intéresse à des pierres qui n’ont pas encore vraiment percées en Europe mais qui sont bien connues localement : les émeraudes de Carnaïba. Ce gisement s’est fait connaitre à partir de 1965 et la ville a vu sa population croitre de 200 à 15,000 âmes en quelques mois. Nous sommes au début des années 80 et Jacques vient de trouver une passion qui ne le quittera jamais : les gemmes. Il s’associe à Alain et ils investissent leur économies respectives pour commencer à acquérir des pierres brutes afin de les faire tailler. A l’époque, ce secteur du Brésil est un véritable lieu de chasse pour les quelques négociants présents pais surtout pour les garimpeiros qui ont afflué de partout à la recherche des précieuses pépites vertes. Mais le gisement s’épuise. Par contre, ils vont être parmi les premiers sur la mine de Socoto. La phlogopite qui caractérise le lieu est riche en béryls et la présence de mica se retrouve souvent en petites inclusions dans ces pierres, signant en partie cette provenance particulière. 1983, c’est la ruée dans l’Etat de Bahia.

Jacques frappa, gama gem

Photo des exploitations à Carnaibe,  années 80. Photo : Jacques Frappa

Le village est devenu une ville et des mineurs s’installent un peu partout. Ce terrain est riche et les pierres, certes souvent petites, sortent en grandes quantités. C’est le moment où jamais de prospecter et d’acheter. Jacques explique alors que ces émeraudes sont souvent des pierres plus commerciales. Il y a peu de grosses pierres même si elles existent et les vendeurs tentent, à l’époque, de les vendre comme de la colombienne. Plusieurs verts existent : « Alface » décrivant un vert salade quand « Sumo » s’utilise pour un vert plus profond et saturé. Les années 80 voient aussi l’arrivée des traitements à la résine. A l’époque, il faut acheter les pierres brutes qui sont proposées dans l’eau, car le gras de l’huile ou de la résine réagit et se voit en surface. Le danger est présent aussi. Et « l’attaque de la diligence » une réalité quotidienne… Après quelques années à acheter et à vendre sur le territoire brésilien, Jacques décide de revenir vers son pays d’origine : la France. A ce moment, l’aventure va continuer, pour lui, en solo. Début 1990, il commence à prospecter dans l’Hexagone !

Jacques frappa, gama gem

Opales du Mexique pour 14,31 carats. Photo : ©MarieChabrol

Les débuts de l’émeraude brésilienne en France ne sont pas évidents. Les créateurs et les départements pierres des maisons sont habitués à la chaleur de l’émeraude de Colombie. Il faut dire que le marketing autour de cette pierre est très présent, parfois même agressif, ne laissant pas ou peu de place aux autres provenances. Pourtant, Jacques va réussir à convaincre ses premiers clients avec ces pierres plus atypiques. Il va aussi progressivement s’ouvrir aux autres matières et explorer d’autres territoires. Les tourmalines du Brésil vont devenir l’une de ses spécialités, sa connaissance du pays et la langue lui permettant de se fournir sur des gisements tout neufs ! Puis l’Asie va devenir un terrain de jeu merveilleux pour cet amoureux des gemmes. Depuis une dizaine d’années, il s’autorise des matières plus atypiques avec des pierres et des tailles souvent étonnantes qu’il garde dans sa collection et propose à des créateurs en recherche de choses différentes.

Jacques frappa, gama gem

Quartz bicolores de type améthystes. Photo : ©MarieChabrol

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« J’aime chercher. Plus la recherche est difficile et compliquée, plus cela me plait. J’aime me creuser la tête, trouver de nouveaux fournisseurs, nouer des relations pour arriver à dénicher la pierre qui va faire pétiller les yeux de mon client. »

Jacques Frappa

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Jacques frappa, gama gem

Dans la main de Jacques, un nodule d’opale du Mexique, 30,45 carats. Photo : ©MarieChabrol

A la question de savoir si une pierre le fait plus vibrer qu’une autre, il répond sans hésiter que le rubis possède définitivement quelque chose de différent. De toutes les pierres, c’est une des seules qui se doit d’être absolument parfaite. Sa couleur rouge ne lui laissant pas le choix. Vendre des pierres gemmes n’est pas un métier facile, il faut connaitre les matières, les prix, savoir ce qui plait et faire – parfois – des paris risqués. Le risque fait parti intégrante de ce métier mais il ne peut être pris que si l’on connait parfaitement les pierres et l’industrie sur le bout des doigts.

Jacques frappa, gama gem

Formidable bonbon que ce grenat spessartite taille cabochon. Photo : ©MarieChabrol

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« J’aime du rubis son rouge feu, éclatant. J’aime que cette couleur soit puissante, qu’elle évoque la braise. Le rubis ne supporte pas d’être moyen. »

Jacques Frappa

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Jacques frappa, gama gem

Grenats tsavorites en rose cut. Photo : ©MarieChabrol

Aujourd’hui, l’avenir frappe à la porte de la maison Gama Gem. La fille de Jacques – Claudine – est un peu plus présente dans l’entreprise. Lui-même souhaitant former une personne pour pouvoir continuer l’aventure de cette entreprise dont le destin s’est joué un soir, dans les années 80, autour d’un verre sur la terrasse d’un restaurant à Salvador de Bahia.

À bientôt !

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Pour en savoir plus sur cette maison discrète, celle-ci vient d’inaugurer son site internet. Une belle mine d’informations à enregistrer dans vos favoris : gamagem.com 

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

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Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.