Un confinement, un déconfinement, une surcharge de travail en atelier et un déménagement plus tard, je m’attèle à la rédaction de cette note sur les collections présentées en juillet 2020. Avec retard et je m’en excuse sincèrement. Avec la fermeture des ateliers de haute joaillerie, la grande majorité des maisons n’ont pas pu présenter les collections. Mais certaines ont fait le choix de présenter les modèles qu’elles avaient reçu des ateliers. Moins d’une vingtaine de pièces chez Messika Joaillerie, trois bijoux chez Van Cleef & Arpels, six chez Cartier et à peine une trentaine chez Buccellati. Pas de présentations démesurées ou de diners fastueux mais des rendez-vous particuliers, cette semaine de la mode de juillet 2020 était comme entre deux mondes : pas d’euphorie mais pas le calme plat non plus. Et finalement, c’était très agréable. A la place de courir d’un rendez-vous à un autre, j’ai pu prendre mon temps. Je ne suis pas allée tout voir mais mes quelques rendez-vous étaient particulièrement agréables. Je militerai bien pour que toutes les semaines de la mode deviennent comme cela !
Collier HEMIS : platine, une kunzite coussin de 71,08 carats, opales, diamants roses et blancs taille brillant. Photo : Cartier
Bague issue de la collection Tie & Dior en or jaune, diamants, émeraudes, grenats tsavorites et perle de culture. Photo : Dior
La maison qui a réussi à présenter le plus de pièces a été la maison Dior qui a finalement choisi de dévoiler sa nouvelle collection Tie & Dior lors d’un diner de gala à Shanghai le 25 juillet. Pour une raison assez évidente : la grande majorité des collections de haute joaillerie imaginée par Victoire de Castellane se vendent en Asie. Ce fut certainement l’un des plus beaux événements de ce drôle de mois de juillet… La collection se veut une déclinaison toujours plus fine des jeux de couleurs qu’affectionne la Directrice Artistique de la maison qui vient de fêter ses 20 ans à la tête de la direction de la joaillerie Dior. On y retrouve des cascades de pierres gemmes de toutes les couleurs, des mélanges de nuances et des perles – aux teintes parfois surprenantes – qui viennent de confronter pour un contraste étonnant et frais. La maison communique généralement peu sur ses pierres, mais les modèles que j’ai pu avoir entre les mains sont extrêmement beaux. On y retrouve ce qui fait l’âme de la maison : qualité impeccable, complexité de fabrication, pierres aux teintes acidulées et gourmande.
Bague issue de la collection Tie & Dior en or jaune, diamants, saphirs et perle de culture. Photo : Dior
Bague en or blanc, diamant DIF de 5,08 ct, diamants et jade blanc. Photo : Boucheron
La maison Boucheron a également réussi à faire une très belle présentation dans ses salons privés, désormais remarquablement rénovés pour en faire un appartement privé – le 26 – dont je vous longuement parlé ici. Composée de 67 pièces, la collection s’intitule « Contemplation » et elle faisait parfaitement écho à ce que nous avions vécu durant le confinement : certes souvent beaucoup de travail avec le travail à distance, mais également une réflexion sur nos vies privées comme professionnelles. C’est une collection très intime que nous livre Claire Choisne, c’est également une collection qui met en avant énormément de technique et des matériaux aussi innovants que surprenants. Le verre aventuriné, déjà, sur le bracelet « Murmure d’étoile » mais surtout, l’aérogel, une matière composée à plus de 99,8% d’air et de silice que la maison a encapsulé dans une pièce de cristal de roche. Ce collier qui est un vrai réussite esthétique est aussi terriblement déroutant : est-ce une pierre de lune ? Une opale ? Autre chose ? La maison Boucheron est allée chercher ce matériaux auprès de la NASA qui l’utilise comme isolant mais également pour capturer de la poussière d’étoile pour la recherche fondamentale. Une manière de donner raison à Marilyn Monroe qui aurait déclaré « le ciel n’est pas la limite. Seul votre esprit l’est« .
Le collier Goutte de Ciel en cristal de roche, diamants et aérogel. Le tout en or blanc. Photo : Boucheron
La bague Trio, un diamant poire de 5,02 ct E VS1, 1 diamant rose à pourpre de 0,73 ct VS2 et un diamant bleu de 0,7 ct VS1. Photo : Messika
La maison Messika a, de son coté, présenté une dizaine de pièce mettant en avant uniquement des diamants, sa spécialité. La créatrice – Valérie Messia – a joué ici sur la notion d’équilibre en imaginant la collection Voltige. Ici, les parures s’appellent Danseurs Aériens, Bascules, Trapézistes ou illusionnistes. Les diamants semblent flotter sans contrainte aucune pour simplement révéler l’éclat qui est le leur. La maison a fait le choix d’utiliser des pierres de centres avec des poids plus que conséquents, allant de 3 à plus de 10 carats comme ce diamant fancy yellow de 10,19 carats. Les montures sont audacieuses mais légères, les pierres volontairement serties d’une manière aérienne donnant l’illusion de tenir comme par magie.
Bague Flying Diamonds avec un diamant jaune de 10,19 ct. Photo : Messika
Bague issue de la collection Tie & Dior en or jaune, diamants, saphirs et perle de culture. Photo : Dior
Collier TILLANDSIA : or gris, deux béryls verts ovales pour 163,97 carats, un diamant poire fancy yellow de 0,55 carat, un diamant poire fancy dark orangey- brown de 0,53 carat, quartz rutile, diamants bruns poire, diamants jaunes taille rose, diamants blancs et jaunes taille brillant. Photo : Cartier
La maison Cartier a présente six pièces toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Au cœur des bijoux, des pierres, rares, remarquables, aux contrastes vibrants : on retrouve ainsi des appairages parfaits de saphirs de Madagascar, de béryls verts, d’opales d’Australie. La pierre la plus désirable: peut-être cette émeraude de Zambie de plus 59 carats, mais je crois – à titre plus personnel – que la montre Panthère tropicale est l’une des plus jolies créations de la maison parmi les dernières collections.
Montre PANTHÈRE TROPICALE en or jaune, deux aigues-marines octogonales pour 12,71 carats, deux tourmalines bleues octogonales pour 20,58 carats, corail, onyx, diamants taille brillant, mouvement à quartz. Photo : Cartier
Boucles d’oreilles « Murmure d’étoiles » en or blanc, diamants et deux gouttes en tanzanite pour 79,06 ct. Photo : Boucheron
Bague de la collection Caravanes Lointaines en or, saphirs, diamants et nodule d’azurite. Photo : Lydia Courteille
La créatrice Lydia Courteille nous emmène cette année sur la route de la soie et plus particulièrement dans la ville de Samarcande. Mais également aux confins de la Russie et de la Chine, où les paysages et les traditions séculaires ont inspiré la créatrice. C’est ici toute l’Asie centrale qui se trouve réinterprétée dans ce nouvel opus qui met en avant les saphirs, mais également des matières plus rares comme un nodule d’azurite ou du jaspe de Biggs (Oregon, USA) qui lui permet de représenter ces déserts où le saxaoul, une plante endémique de cette région, s’épanouit. Une collection qui permet de rêver à ces terres lointaines qui furent tellement importantes pour les joailliers.
Boucles d’oreilles en or, saphirs, tsavorites, jaspes de Biggs, fossiles. Photo : Lydia Courteille
Bague en or, diamants et cabochon d’aigue-marine de 31,53 ct. Photo : Boucheron
Bague issue de la collection Perspectives de Chaumet, en or blanc, saphirs, diamants, émeraudes, laque et centre opale noire de 8,70 cr. Photo : Chaumet
La nouvelle collection de la maison Chaumet devait être éblouissante. Contenant presque 100 pièces, sa présentation officielle devait coïncider avec la semaine de la mode de juillet 2020 et se voulait somptueuse, à l’image de la rénovation de l’hôtel Baudart de Saint-James, écrin de la maison depuis 1907. Malheureusement, comme pour beaucoup de maisons, le confinement et la fermeture des ateliers parisiens auront perturbé les festivités prévues. Nous n’avons pas pu découvrir beaucoup de pièces mais nous nous sommes régalés des dessins, tout aussi magnifiques. Cela dit, la maison avait néanmoins de très belles parures à présenter : plusieurs colliers dont un en résille d’or encapsulant une imposante tourmaline, cette bague sertie d’une opale noires aux feux puissants ou encore cette très belle bague, en or jaune et diamant, homage évident à Pierre Sterlé qui fut l’un des fabricants historiques de la maison.
Bague en or jaune, diamant type IIa taille asscher D Flawless de 7,34 ct. Photo : Chaumet
Montre Secret Cenote en or blanc, diamants, saphirs et opale noire. Photo : Piaget
Collier Unica en or jaune et blanc, 57 rubis pour 23,05 ct. Photo : Buccellati
Rendez-vous était pris dans la nouvelle boutique Buccellati pour découvrir la nouvelle collection faite à la main en Italie dans les ateliers de la maison. La marque ne présente jamais beaucoup de pièce car le temps d’éxécution nécessaire est long pour créer les dentelles d’or dont elle a le secret. Comme à chaque fois, la présentation était délicate, charmante, à l’image de cette maison dont la discretion n’a d’égal de son talent. J’ai aimé toutes les pièces que j’ai pu admirer et manipuler. L’équilibre est là, les belles matières également. C’est une joaillerie faussement simple, extremement rafinée, aussi joyeuse et colorée que l’Italie qui l’a vu naitre. Mention spéciale pour plusieurs pièces dont une bague sertie d’un diamant rose-cut de plus de 14 carats ou encore pour ce collier où vibrent plus de 60 grenats spessartites parfaitement appairés.
Le collier Unica est en or jaune et blanc, 68 grenats spessartites (65,58 ct) et 102 saphirs (58,80 ct). Photo : Buccellati
Le collier Merveille d’émeraudes en or blanc, 5 émeraudes de Colombie pour 70,40 ct, 1 diamant Type IIa DFL de 5,81 ct et deux diamants type Iia DIF pour 7,18 ct. Photo : Van Cleef & Arpels
Chez Van Cleef & Arpels, seules trois pièces ont été présentées à la presse. La collection n’étant pas finalisée, la maison a fait le choix de montrer trois bijoux réinterprétant trois bijoux historiques de la maison : le collier qui fut commandé en 1929 pour la Princesse Faiza d’Egypte, le bracelet de rubis qui fit la réputation de Marlène Dietritch et enfin, la paire de boucles d’oreilles qui fut offerte par Onassis à Jackie Kennedy-Onassis. Des trois pièces, j’ai retenu le collier, pour ses émeraudes. Mais le bracelet et les boucles d’oreilles valent également le détour : 84 ct de rubis birmans de la meilleure qualité sur le premier et deux diamants type IIa DFL de plus de 10 carats sur cette dernière paire de boucles. Eblouissant et grandiose !
Bague Cocktail en or blanc et jaune, diamants dont le centre rose-cut de 14,83 ct. Photo : Buccellati
Bague Ecstatic Dance de la collection Wings of Light de Piague : or rose, diamants, saphirs et tourmaline. Photo : Piaget
Chez Piaget, la direction artistique continue son exploration de la lumière. Avec Wings of Light, les belles matières sont toujour au rendez-vous, les couleurs sont franches, soutenues et nous avons le plaisir de retrouver ce qui fait la signature de la maison depuis plusieurs saisons : la marquéterie de bois de la talentueuse Rose Saneuil et les plumes de Nelly Saunier. Pari réussi avec cette jungle éclatante, riche d’oiseaux aux plumages magiques et de plantes aussi tentantes que dangeureuses. Sans oublier les couchers de soleil poétiques sur des criques secrétes… De Cartier à Piaget, c’est une ode parfaite à cette nature sauvage et inaltérée par l’homme. Comme pour nous rapeller – peut-être – qu’il serait temps, sérieusement, de la protéger. La maison reste discrète sur les superbes pierres qui ornent les pièces, mais il suffit de les admirer pour comprendre les mois de travail qui ont été necessaires pour les trouver et les retailler afin que ateliers puissent avoir le privilège de les monter.
Bague Secret Cenote en or blanc, diamants et saphir. Photo : Piaget
A bientôt !