Rencontre avec Tim Searfoss, auteur de The Jeweler comics

Nov 16, 2021

Il y a quelques années, je découvre Tim Searfoos en me perdant dans les internets dédiés aux bijoux. Autant vous dire la vérité, la lecture du premier dessin que j’ai lu de lui a déclenché un fou rire absolu. Depuis, je guette ses parutions et je rigole à chaque fois tant je reconnais les situations dépeintes pour en avoir vécus beaucoup de (très) près dans les ateliers. Loin des clichés sur papiers glacés qui ne ressemblent pas toujours à mon secteur, Tim sait reproduire à la perfection tous ces petits moments qui rendent la vie en atelier si particulière. Mieux que ça, il parle à tous les joailliers, sertisseurs, polisseurs, gemmologues du monde. Tous, partout où nous sommes, de Londres à New-York, de Paris à Genève, nous ne pouvons que nous reconnaitre dans ces caricatures bourrées d’humour et de second degrés. Et si cela n’est pas le cas pour vous, si vous n’avez jamais vécu l’une des situations décrites, c’est que vous n’êtes jamais rentrés dans un atelier. Rencontre avec un auteur talentueux et un homme aux facettes aussi multiples que les diamants qu’il croque!

1- Bonjour Tim, c’est un vrai plaisir de vous rencontrer. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Bonjour Marie et bonjour à tous vos lecteurs! C’est un honneur que d’être interviewé pour votre site. Je m’appelle Tim Searfoos, je suis né au Vénézuéla et ma famille est venue s’installer aux États-Unis quand j’avais 7 ans. Actuellement, je vis à Tampa en Floride.

2- Alors, j’ai exploré votre site internet et vous êtes un peu mystérieux. Qui êtes-vous donc?

Haha, je comprends parfaitement. Je suppose que je suis un peu mystérieux. C’est juste que je n’aime pas trop parler de moi. Je pense que si vous me demandez qui je suis, je dirais que je suis un artiste et un conteur. Ma passion est d’explorer les arts à travers différents médiums. J’ai été photographe, directeur de la photographie, producteur, peintre, sculpteur commercial, animateur, compositeur, scénariste, romancier, auteur de livres pour enfants, bijoutier et bien sûr dessinateur de bandes-dessinées.

J’ai toujours été un artiste, quand j’étais enfant, je dessinais tous mes dessins animés préférés et je voulais grandir pour devenir animateur. Quand j’étais adolescent, j’étais en voyage au Mexique avec mon grand-père, et j’avais apporté un de ces vieux appareils photo jetables bon marché. Je me souviens de m’être arrêté à un point de vue spectaculaire, j’ai sorti mon appareil photo bon marché pour capturer ces magnifiques montagnes mais j’ai été immédiatement frustré car mon appareil photo bon marché ne pouvait capturer que la pointe des montagnes. Mon grand-père a vu ma frustration et m’a tendu son appareil photo reflex avec un objectif grand angle et au moment où j’ai regardé à travers l’appareil, j’ai été accroché. Il n’a jamais récupéré cet appareil photo.

En grandissant, il était difficile d’être un artiste. Mon père était ingénieur et il ne savait pas quoi faire avec un enfant artiste. A l’époque, on disait qu’être artiste était un passe-temps, et non quelque chose de sérieux pour gagner sa vie. J’ai lutté contre ça. Parce que j’étais accro à l’art, à la peinture, au dessin, à tout ce qui stimule visuellement. Et l’idée d’avoir un travail banal où je faisais la même chose tous les jours me désespérait. A l’université, j’ai décidé que si Dieu me donnait le talent et ce truc pour l’art, alors je devais faire quelque chose avec cette passion. J’ai donc décidé de poursuivre la photographie, ce qui m’a ensuite amené à découvrir la cinématographie et la réalisation.

3- Et si on creuse un peu du côte de la bijouterie-joaillerie? Car j’ai lu que vous étiez joaillier à la cheville chez Arney Guess Goldsmith à Chattnooga? Pourtant vous vivez à Tampa…

Oh c’est une sacrée histoire. Je sortais avec cette fille, superbe, que j’aimais. Elle est ma muse. Après l’avoir fréquenté pendant quelques années, j’ai décidé qu’il était temps de l’épouser. Mais je ne voulais pas une bague classique pour elle. Et je ne voulais pas qu’elle porte quelque chose que quelqu’un d’autre aurait fait. Je voulais qu’elle porte quelque chose que j’ai conçu. Je suis un fervent admirateur de l’Art Nouveau. Je pense que c’est la plus grande époque pour les arts visuels et appliqués. Et s’il y a une chose qui distingue l’Art Nouveau, ce sont les bijoux. J’admirais alors Mucha, Lalique, Fouquet, Vever.

J’ai donc voulu faire quelque chose pour ma muse dans cet esprit. Le seul problème était que je ne connaissais rien à la fabrication des bijoux. Mais ce n’était pas cela qui allait m’arrêter. J’ai fait beaucoup de recherches et j’ai découvert que les bagues étaient fabriquées à partir d’une cire positive. J’ai donc acheté la cire sur ebay et je me suis mis à la sculpter. J’ai découvert sa taille de doigt et j’ai acheté un rubis pour la pierre centrale, car j’aime mieux sa couleur vive que celle d’un diamant incolore ennuyeux. Je ne savais pas comment sertir les pierres, alors j’ai décidé qu’il serait préférable que je conçoive la monture pour que la pierre soit sertie par l’intérieur. Et je savais aussi que je voulais aussi de l’émail dessus.

J’ai donc conçu une bague avec des fleurs sur le côté et un papillon de lune vert émaillé sur le dessus entourant le rubis. J’ai décidé que l’or, le rouge et le vert iraient bien ensemble. Après avoir sculpté la bague, j’ai fabriqué un collier avec ce fameux papillon lune pour l’accompagner également, toujours avec de l’émail vert, de l’argent et un rubis également. J’ai demandé à des membres de ma famille un bon bijoutier et je suis donc allé chez Arney Guess Goldsmith avec mes deux pièces de cire et leur ai demandé s’ils pouvaient les couler pour moi.

Arney était vraiment perplexe quand il a vu les morceaux de cire sculptés. Il m’a demandé « Qui a fait ça? »

J’ai dit: « Je l’ai fait.« 

« Comment as-tu appris à faire ça?« 

« Je ne sais pas, je peux sculpter, alors j’ai juste sculpté la cire.« 

« Où avez-vous trouvé la cire?« 

« Ebay.« 

Il a ri, puis il a dit « Voulez-vous un travail?« 

Je travaillais en indépendant en tant que photographe et vidéaste à l’époque, donc mon emploi du temps était flexible. Je lui ai dit que j’adorais les bijoux et que j’aimerais apprendre, que quand je ne filmais pas, je pouvais venir travailler et apprendre. Et c’est ainsi que j’ai commencé à travailler chez Arney Guess Goldsmith! Arney m’a beaucoup appris, j’y ai travaillé à temps partiel pendant quelques années, et j’ai apprécié le métier, la précision, les frustrations et la beauté des bijoux. Je n’y travaille plus, puisque je vis maintenant en Floride en tant que réalisateur.

4- Quand est né le concepts de The Jeweler?

Comme je l’ai mentionné précédemment, j’ai toujours aimé les dessins animés et je faisais à l’occasion des caricatures de mes amis. D’habitude, je le faisais pour rire, je n’aurais jamais imaginé pouvoir trouver un travail en le faisant! Un jour, alors qu’il travaillait à la bijouterie, quelque chose d’amusant s’est produit. Arney était super stressé, il avait un énorme diamant à sertir et il l’évitait depuis une semaine.

Enfin, Arney allait poser la pierre, mais tout le monde bavardait et faisait des blagues et tout ce qu’il voulait, c’était un peu de silence pour se concentrer. Je pense qu’il a peut-être crié et dit à tout le monde de se taire, ce qu’il ne fait jamais, alors nous sommes tous restés immobiles en essayant de ne pas rire, parce que c’était tellement inhabituel de sa part. Puis le téléphone a sonné. C’était sa femme, et il a répondu au téléphone d’une voix tendre et gentille, comme si de rien n’était. J’ai pensé que c’était hilarant, il était juste stressé et il criait et au moment où sa femme était au téléphone, il s’est transformé en un homme tendre et doux. J’en ai fait un croquis. Le lendemain, je me suis présenté avec le dessin de la situation et nous avons tous bien ri.

Et, à mon insu, Tyler Smalley, l’un des bijoutiers en chef a pris mon dessin et l’a envoyé au rédacteur en chef du magazine InStore. Il a fait semblant d’être moi et a dit qu’ils devraient avoir des dessins humoristiques dans leur magazine. Et depuis, j’ai une petite chronique depuis 6 ans maintenant.

5- Comment créez-vous les situations? (Je dois vous dire que tous les joailliers, partout, peuvent se reconnaitre dans vos dessins!)

Les situations proviennent de nombreuses inspirations différentes. Comme j’ai travaillé comme bijoutier pendant plusieurs années, je voyais beaucoup de situations amusantes. Je cumule cela avec ma manière décalée de voir le monde et j’essaye de trouver un lien avec la bijouterie. C’est là que j’ai découvert l’anatomie de la pizza et montré comment une tranche de pizza et un diamant peuvent être très proches. J’essaie de faire en sorte que les blagues fonctionnent à la fois pour les bijoutiers et pour les clients, mais c’est difficile, parfois je me contente de blagues sur les bijoutiers. Je m’inspire de mes propres expériences personnelles, et je parle aussi à des bijoutiers. Je suis toujours ouvert aux idées, si quelqu’un veut m’en envoyer, j’aimerais les entendre et peut-être transformer la votre en dessin.

6- Je me rend compte que je vous ai découvert par hasard, vous êtes peu connu en France. Vous ne voulez pas publier un livre?

Oui un livre serait une bonne idée, nous en avons déjà parlé. Je pense que je devrais en faire un bientôt. C’est définitivement sur la liste des choses à faire.

7- Si j’en crois votre site, il n’y a pas que la bijouterie dans votre vie. Vous venez de signer un film, Break every chain, avec Dean Cain (en France, on le connait surtout pour son rôle de Superman). Et ce film a été acclamé par la critique américaine je crois.

Oui, je suis aussi réalisateur, et j’ai récemment co-écrit, tourné et réalisé un film avec Dean Cain qui s’appelle Break Every Chain. Le film raconte l’histoire vraie de Jonathan Hickory, un policier qui a connu beaucoup de morts et a souffert de stress post-traumatique. Les horreurs qu’il a affronté l’ont fait sombrer dans l’alcool, sa vie personnelle et professionnelle se sont effondrées, il a pensé à en finir définitivement. Sa rencontre avec Dieu (Dean Cain joue le rôle du Pasteur Gabe, nda) lui a permis de recadrer sa vie et de trouver à nouveau un sens à celle-ci. C’est une forme de rédemption. Il a ainsi reconstruit sa vie et sauvé son mariage. Depuis Avril 2021, nous avons remporté 20 prix pour le meilleur film, le meilleur acteur et le meilleur réalisateur. Et même un prix au festival de Paris en mai dernier. Le film sort le 7 décembre en numérique.

11- Quel est le futur de The Jeweler? Pourrait-il s’arrêter? Je suppose que renouveler les idées n’est pas simple. 

J’aime vraiment dessiner The Jeweler. J’ai récemment créé un nouveau lot de dessins pour InStore Magazine, ils les publieront donc tous les mois. Je prévois de les faire tant que les gens les apprécieront. L’univers de la bijouterie-joaillerie est tellement riche en matière que j’y trouve généralement un peu d’humour.

12- Et pour finir, quels sont vos projets?

En ce moment, je travaille sur un court métrage d’animation pour Noël. Il est très drôle et devrait parler à tous, il devrait sortir avant Noël. Je suis aussi en train de tourner un documentaire en ce moment.

Je prévois de faire plus de bijoux bientôt, il est temps de faire une nouvelle bague pour ma femme. 🙂

A bientôt!

À propos

marie chabrol

Bonjour, je m’appelle Marie. Conférencière, consultante & formatrice, j’écris avec passion sur l’univers de la joaillerie.

ma Bibliothèque idéale

Voici ma bibliothèque idéale. Tous ces livres font partis de ma propre bibliothèque et je les relis toujours avec un immense plaisir.