Acheter un objet, puis un deuxième, un troisième… Commencer une collection sans véritablement s’en apercevoir. Se rendre compte, devant le fait accompli, que l’on possède des objets qui sont liés par un thème, une fabrication, une matière première. Puis se définir comme collectionneur.
Voila un moment que me trotte dans la tête l’idée de faire parler des collectionneurs, des chineurs du samedi matin, des découvreurs de trésors, de grands enfants se réjouissant de leur dernière trouvaille mais aussi des amateurs éclairés. Il me fallait néanmoins fixer des limites à cette nouvelle rubrique. La plus importante étant que l’on reste dans le domaine de l’objet précieux et du thème de ce blog : les bijoux, les objets d’art qui se rattachent à la joaillerie, les gemmes, les minéraux peuvent donc s’afficher avec fierté ici.
C’est donc avec un immense plaisir que j’inaugure cette rubrique avec la collection de Catherine. Vous la connaissez peut-être si vous êtes un adepte de Twitter, Catherine commente et dessine l’actualité sur son blog : Un dessin par jour. Mais surtout, elle amasse des bijoux dans des pochettes, en porte souvent plus d’une dizaine répartis sur ses dix doigts et enfin, elle en parle avec un plaisir non dissimulé. Cela fait un petit moment que je la connais et elle prend un malin plaisir à me faire découvrir régulièrement ses dernières acquisitions et à me parler des secrets qui se cachent derrière chaque nouvelle découverte. Nous avons donc, il y a deux petites semaines, pris un café / déjeuner ensemble, et Catherine a déballé ses trésors et m’a raconté des histoires de voyages, de nomades, de pays lointains, de souk, d’épices et aussi de famille .
Crédits photos de l’ensemble de l’article : Le gemmologue.
Vue d’ensemble de bagues baloutches. Le peuple Baloutche vit entre l’Iran, l’Afghanistan et le Turkménistan. Ils sont historiquement semi nomades car ce sont des marchands. Ainsi, les bijoux qu’ils vendent présentent très souvent un mélange d’influences car ils sont la synthèse de voyages et de rencontres. On trouvera donc des perles, des pièces émaillées, des pierres (lapis-lazuli, cornaline, turquoise…), des éléments en plastique, lesquelles bagues seront en conséquence adaptées aux régions où elles sont destinées à être vendues. Argent, laiton ou encore bronze composent le plus souvent ces pièces.
Catherine m’explique que les bagues peuvent présenter des soudures au bas des corps. Les bagues d’hommes ne sont jamais soudés, mais une soudure indique une bague d’homme offerte à une femme, puisque les bagues de femmes ne sont, en règle générale, jamais ouvertes. On note l’utilisation de morceaux de verre, souvent du réemploi de perles cassées. Enfin, il faut savoir que si le cabochon central d’une bague parait haut, c’est parce qu’il cache souvent en dessous un papier plié avec des prières. C’est certainement le cas des deux bagues présentées sur la photo suivante. Quelques précisons sur les bagues de la première photo :
– La bague en laiton avec un cabochon central de cornaline, présentent deux anneaux de part et d’autre de celui-ci. Ils indiquent une fabrication baloutche à destination de clients musulmans. En effet, devaient se raccorder des chaines reliées à un bracelet. Certainement une bague de femme mariée.
– La bague avec un cabochon de verre bleu entouré de perles multicolores est une fabrication baloutche à destination des farsis. C’est le motif « infini » qui nous renseigne sur la destination de cette bague.
– La bague sertie d’une turquoise et présentant de chaque coté un motif « cœur » agrémenté d’un cabochon de turquoise indique des clients népalais. C’est une fabrication plutôt du nord de l’Inde.
Le plus important à retenir étant que c’est l’éclectisme des éléments employés pour la conception des bijoux qui caractérisent le style baloutche.
Détail de deux bagues baloutches, abritant très certainement sous les cabochons des prières.
Cette bague est turkmène, c’est une bague d’homme en cuivre argenté. C’est un bijou de caravansérail, pointu à l’origine car il permettait de guider les animaux. Il présente des motifs typiques que l’on rencontre sur la route de la soie car on retrouve des éléments de cultures différentes réemployés sur une pièce unique.
Les bagues suivantes sont un peu particulières par ce qu’elles représentent. Plutôt typiques de l’Afghanistan, mais pas toujours afghanes, on les retrouve surtout dans un territoire géographique bien particulier : le triangle d’or, connu pour sa culture de l’opium. Ici, ces pièces proviennent de la région de Herat. En effet, elle représentent des fleurs et des boutons de pavots. Il existent des versions de ces pièces dont les fleurs sont en fait des réservoirs qui permettaient de faire voyager de l’opium. On note d’ailleurs sur l’une des bagues la présence de soudures, signe que les éléments étaient mobiles. Il est parfois possible d’admirer des versions enrichies de pierres gemmes. De très beaux exemples existent en argent. Notons, enfin, que ce sont surtout des bagues d’hommes et plutôt des pièces d’apparats car peu pratiques à porter au quotidien.
Les quatre bagues ci-dessus sont d’origine népalaises. Le mélange des matières et des métaux est caractéristique de ces fabrications et la torsade avec du cuivre typique. Ce sont des bijoux très inspirés de la culture bouddhiste de ce peuple. Les couleurs : bleu, vert et rouge sont caractéristiques de bijoux de cette région. Notons, néanmoins, que ces pièces sont d’une fabrication nord-indienne. Et c’est ici, la fabrication des sertissures mais aussi la présence des trois petites boules de part et d’autre des pierres qui nous renseignent sur la provenance de ces bijoux.
Cette bague représente un bouddha gréco-bouddhique propre à l’Afghanistan. C’est une bague en argent, moderne, de fabrication afghane. Elles sont couramment vendues aux touristes et reprennent un modèle traditionnel de cette région. Cette bague provient des région à l’est de Kaboul.
Cette bague en argent provient de la région de Gandhi, le Gujarat. Ancienne, et donc légèrement émoussée, elle représente l’organisation de l’univers au travers d’une cosmogonie en forme de pyramide.
Cette bague a une histoire un peu rigolote. Elle fut achetée au Canada, en Colombie britannique, dans une boutique tenue par des indiens Salish (Salishan). Je précise toutefois qu’elle ne fut pas vendue comme une bague Salish. En réalité, il s’agit d’une fabrication en argent et turquoises d’origine Indienne (Inde).
Cette bague en argent et émail est une pièce de famille. C’est un bijou qui arrive de Thaïlande et qui représente une danseuse Khmer. Datant des années 40, cette pièce accompagne un bracelet. Elle fut ramenée il y a longtemps par un ami de sa grand-mère dont le mari était militaire en Asie.
Les pièces ci-dessus ont en commun d’être d’origine africaine.
– La bague en laiton représente une grenouille, on reconnait ici la forme égyptienne car la grenouille est figurée debout. C’est un symbole de fertilité. Cette pièce est d’origine Dogon, mais c’est une fabrication Sénoufo. En effet, le peuple Dogon ne fabrique pas ses bijoux, il les acquiert par des échanges commerciaux. Je précise enfin que c’est un bague d’homme.
– La petite bague en argent, à gauche sur la photo, est un bijou Peul. Nous sommes dans une région à forme culture animiste / musulmane, donc très religieuse, et les représentations ne sont pas tolérées. On retrouvera donc traditionnellement des formes géométriques sur les objets. Ici, c’est une bague en argent.
– La dernière bague, celle de droite, est une pièce en provenance de Côte d’Ivoire ou du Sénégal. C’est une pièce classique de cette région en argent et coquillage.
Cette dernière photo présente des bijoux de famille, en argent, cuivre. Ce sont des pièces réalisées durant et juste après la guerre de 14. Elles ont été réalisées avec des morceaux de couverts et de récupération, à une époque où les métaux précieux se faisaient rares.
J’espère que cette présentation de la collection de Catherine vous aura intéressé. Si votre collection peut s’intégrer dans cette rubrique et que vous souhaitez en parler, n’hésitez pas à me contacter.
A bientôt !