Pour ce troisième rendez-vous Carrière, j’ai proposé à Clémence Merat qui travaille à Londres de nous raconter son parcours et son métier. Elle s’est très gentiment prêtée au jeu. Je vous emmène donc en Angleterre !
Clémence en compagnie de M. Peter Ungar, un agent représentant internationalement des maisons de joaillerie, lors du salon IJL 2014. Photo : Clémence Merat.
- Bonjour Clémence, pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Je m’appelle Clémence Merat, je suis Parisienne et j’habite à Londres depuis un peu plus de 4 ans maintenant. Je suis gemmologue de formation et je travaille en tant que Directrice du département Bijoux chez William&Son, une marque anglaise de produits de luxe.
- Quel métier vouliez-vous faire étant enfant ?
J’ai voulu, comme toutes les filles je pense, devenir maîtresse d’école pendant un temps, et puis pompier, et aussi architecte. J’en suis loin.
- Et finalement, quel est votre métier actuel ? Et son titre exact ?
Je suis Head of Jewellery (Directrice du département bijoux) chez William&Son. Notre marque vend des produits de luxe dont des montres (Breguet, etc.), de l’argenterie, des accessoires en cuir et autres. Je suis en charge du département bijoux. Je créé les collections avec l’aide de ma designer et de différents ateliers de fabrication, et je les vends en boutique.
Nous sommes, pour le moment, une petite entreprise (environs 30 employés) et donc nous sommes tous très multitâches. Nous proposons à nos clients également un service de création (plus que du sur-mesure). Dans ces cas-là je cherche la pierre via mes négociants, je fait faire un dessin par notre designer et je me charge de faire fabriquer la pièce par mes ateliers.
- Vous êtes la première de votre famille, ou bien des personnes de votre entourage travaillent dans ce secteur ?
Je suis la première de ma famille à me lancer dans ce secteur, bien que toutes les femmes de ma famille aient toujours adoré les bijoux. Mon arrière-grand-mère, que j’ai connue, était la première femme de France à monter son entreprise. C’était une marque de lingerie féminine. Elle a reçu la Légion d’Honneur pour cela. Donc je pense tenir mon côté créatif d’elle.
- Quel parcours d’études classiques avez-vous suivi ?
Pas si classique… J’ai eu un Bac économique et social. J’ai étudié l’Histoire de l’art et son marché en Licence à l’IESA, puis j’ai fait un Master à la Sorbonne et la deuxième année à la LSE à Londres. J’ai étudié la gemmologie au Gemological Institute of America (GIA) à Londres en même temps que ma dernière année de Master. J’ai fini mes études en juillet 2011 avec un Master et un diplôme de spécialiste Diamants et Pierres de couleur. Je suis une Graduate Gemologist.
- Et à quel moment avez-vous eu envie de vous orienter vers la joaillerie ?
Pendant ma Licence, j’ai fait quelques stages dans plusieurs secteurs du marché de l’art.
Un jour, pour rendre service à la personne qui est aujourd’hui mon fiancé, je l’ai remplacé chez une experte en bijoux (Mme Laure Nejman, chez Maître Giafferi). J’ai passé la journée entourée de bijoux et j’ai adoré. Je me suis tout de suite dit que les bijoux pourraient tout à fait être quelque chose dont je ne me lasserais certainement jamais.
Et donc je me suis mise à la recherche d’un stage dans ce secteur et j’ai atterri chez Christie’s au département bijoux avec Me Marie-Laurence Tixier pour un stage de 3 mois. J’y suis restée 1 an. J’ai adoré !
- Qu’est-ce qui vous plait dans ce secteur professionnel ?
Je me fais toujours la réflexion que quand on est une jeune fille, on ne pense pas nécessairement aux bijoux. C’est quelque chose qui vient plus tard dans la vie.
Dès que j’ai eu l’occasion de découvrir ce milieu et ses métiers je suis complètement tombée amoureuse. La magie des pierres, leurs inclusions et leurs secrets, c’est vraiment ça qui est resté après avoir fini mes études. J’aime aussi le fait que ce soit un petit milieu et que la plupart des gens dans cette industrie sont des passionnés; on parle tous la même langue.
J’ai aussi un amour pour les traditions je crois. Les bijoux de familles, leurs significations. Malgré le fait d’avoir migré dans le monde du retail, je reste très attachée aux bijoux anciens. J’ai d’ailleurs lancé un corner Vintage dans notre boutique à Londres dans lequel on peut trouver des pièces anciennes (des années 1920 jusqu’aux 1980) non signées.
- Vous êtes parisienne, je suppose que vous avez travaillé en France avant de partir ? Vous nous racontez.
J’ai commencé ma carrière après mes études à Londres. Quand j’étais en France, j’ai fait différents stages comme celui chez Christie’s. J’ai aussi lancé ma marque de bijoux fantaisies en auto-entreprise, Jewels By Sam, qui fonctionnait surtout sur le bouche à oreille avec une vente privée par mois à Paris. Quand je suis partie à Londres pour finir mes études j’ai été obligée d’arrêter.
- Vous travaillez désormais à Londres. Est-ce vraiment différent de la France ?
Oui, vraiment. J’ai eu le poste que j’ai actuellement à l’age de 22 ans (j’ai 26 ans aujourd’hui). On ne m’aurait jamais donné une chance pareille en France. En Angleterre, il y a du travail et le licenciement est plus facile qu’en France. Donc je pense que c’est plus facile pour un employeur de donner sa chance à qui que ce soit, et ensuite c’est à l’employé de s’efforcer de faire de son mieux et faire ses preuves pour garder son job.
- Vous nous présentez votre entreprise et son fonctionnement ?
William&Son est une petite entreprise familiale. Mr William Asprey, mon patron, a monté cette entreprise il y a 15 ans, juste après que son père ai vendu Asprey (la marque anglaise) au Sultan de Brunei. Nous avons 2 boutiques et 1 studio de design sur Mount Street, dans Mayfair.
Depuis William&Son a beaucoup évolué. Nous sommes une marque de produits de luxe et de fusils et équipements de chasse. Chaque département a un directeur en charge du développement de produits et de la vente (et tout ce qu’il y a entre les deux). Nous vendons les produits suivant: bijoux, montres, argenterie, accessoires de cuir (nous avons d’ailleurs notre propre manufacture de cuir à Londres), Glassware (objets décoratifs en verre et cristal), boutons de manchettes, stylos. Dans l’autre boutique: fusils de chasse et vêtements de chasse (vêtements en cachemire et tweed pour la fabrication desquels nous avons aussi nos propres manufactures). Nous avons également un département d’export qui gère les commandes spéciales importantes avec l’étranger, soit pour les familles royales internationales soit pour les commandes d’entreprises. Enfin, nous avons le Royal Warrant de la Reine, qui signifie que la Reine s’approvisionne chez nous pour certains produits, une marque de qualité, ainsi que le British Made qui est très respecté à l’international.
Nous sommes sur le point de nous agrandir considérablement car dans quelques semaines nous emménageons dans une boutique beaucoup plus grande (6 fois la taille de celle que nous occupons actuellement). De ce fait, nous avons récemment commencé à embaucher beaucoup de nouveaux staff vendeur (ce que nous n’avions pas jusque-là). J’ai donc, depuis peu, une assistante au département bijoux.
- Comment s’organise votre travail et plus précisément une journée / semaine de travail ?
Je travaille de 9h à 18h avec 1 heure pour déjeuner, du lundi au vendredi. Mon bureau est dans la boutique, c’est donc là que je reçois les clients ainsi que les fournisseurs. Pendant une semaine normale, je reçois quelques clients et fournisseurs et je communique surtout beaucoup par mail.
Récemment, j’ai activement préparé le lancement de notre nouvelle collection Beneath the Rose. Une fois que les produits m’ont été livrés par les ateliers, et après avoir fait le contrôle qualité, j’ai travaillé avec notre équipe Marketing sur la préparation de son lancement. Nous les avons photographiés et avons préparé une campagne de publicité de 5 images qui vont être publiées dans des magazines et journaux internationaux (Tatler, Haper’s Bazaar, Etc.). Nous avons – en plus- fait un lancement pour la presse au Browns Hotel dans Mayfair. Nous lancerons la collection en boutique au mois de juin quand nous aurons ouvert notre nouvelle boutique sur Bruton Street, tout près de Bond Street.
- Est-ce que vous êtes amené à voyager ? Si oui, vous nous racontez.
Oui, je voyage souvent pour la partie achat de mon travail. Je vais tous les ans à BaselWorld pour me tenir au courant des tendances et c’est une opportunité de revoir mes différents fournisseurs et ateliers à l’international. Je vais régulièrement à Vicenza Oro, et Hong Kong Gem and Jewellery Show pour rencontrer de nouveaux ateliers, de nouveaux négociants en pierres et diamants, et découvrir de nouvelles techniques de fabrication. Je suis revenue récemment du Tucson Gem Show où j’ai pu acheter de nouvelles pierres et rencontrer de nouveaux fournisseurs internationaux.
- Vous envisagez de revenir travailler en France ? Ou vous préféreriez continuer dans un autre pays ?
Au départ, Londres était un tremplin pour aller à New York. 4 ans plus tard je suis toujours à Londres et New York est toujours dans mes projets. Entre temps, je me suis installée ici donc partir à New York est moins facile, surtout que cela implique de bouger à 2 avec mon fiancé, et des visas. Mais je n’abandonne pas l’idée. Je reviendrai en France, mais pas tout de suite. J’ai envie de voir du pays avant de rentrer.
- Je suppose que vous avez forcément une anecdote, ou une histoire, pour conclure ce portrait ?
Je vous en ai déjà raconté quelques une, mais en voici une marrante : J’ai passé mon entretien avec William Asprey à Paris, dans le bar de son hôtel. Il était à Paris pour le weekend avec sa femme. Tout deux ont commandés des Gin & Tonic, donc c’est vous dire comme l’entretien était relax. Et bien ça n’a pas loupé, le lendemain matin j’ai eu un coup de fil: j’avais le job!
- Enfin, quels conseils donneriez-vous à un jeune qui voudrait faire ce métier ?
Je conseillerais à un jeune qui s’aventure dans ce milieu de faire des stages, de faire confiance à son instinct, de persévérer et de travailler dur.
Je remercie infiniment Clémence Merat pour avoir pris le temps de répondre de façon détaillée et enthousiaste à mes nombreuses questions. Et j’espère que ce cette nouvelle interview vous aura plu. Si vous souhaitez contribuer à cette rubrique, n’hésitez pas à me faire un mail. Au plaisir de vous lire !
À bientôt pour un prochain portrait !