La première fois que j’ai rencontré André Stevens, il m’a parlé de minéraux. Il m’a expliqué les raisons qui l’ont poussé à s’y intéresser et à les collectionner. Il a évoqué les couleurs et les formes qui le questionnaient. Puis, j’ai découvert des photos de spécimens qui, s’ils avaient l’air réels, me posaient question. Avant de comprendre. Et surtout avant de savoir qu’André est pâtissier de métier.
André Stevens. Photo : Daniel Adric
Son rapport à la nourriture commence très tôt, enfant, dans le jardin de son grand-père. Ici, les légumes et les fruits sont cultivés en suivant le cycle des saisons. Naturellement. Sans ajouts. Quand ils ne sont pas consommés tout de suite, à la récolte, ils finissent en bocaux pour être mangés plus tard dans l’année.
À ma question de savoir ce qui fait un bon pâtissier, il me répond qu’il faut être au cœur du produit. Il y a d’abord une dimension artisanale et une sélection des matières premières. Il faut de bons ingrédients, sélectionnés pour leurs goûts et leurs qualités naturelles. S’ajoute un savoir-faire et une envie évidente de partage qui vont compléter l’équation. Car un gâteau doit faire plaisir et rendre heureux. Il doit être bon sans être compliqué.
André Stevens entre en pâtisserie en suivant les traces de son père qui exerce déjà ce métier. Passionné depuis longtemps par le domaine artistique, il entre à 15 ans au Lycée Jean Moulin de Vincennes où il obtiendra son CAP de Pâtissier. 1er de son école au concours Un des Meilleurs Apprentis de France, il se classera 2e d’Île de France. Il décide alors de ne pas entrer tout de suite dans l’affaire familiale et file à l’anglaise. Il passera quelques mois à Londres pour parfaire sa technique mais aussi découvrir d’autres horizons.
À son retour, il ouvre avec son père un salon de thé à Neuilly « La Maison Stevens ». Nous sommes en 1986, il a 21 ans. En parallèle de son métier, la musique commence à prendre une place importante dans sa vie. Lui qui collectionne depuis longtemps les disques ira jusqu’à compter une collection de 15.000 albums.
Nougat Terrazzo. Création André Stevens. Photo : Antoine Audiau
Et quand on aime la musique, ceux qui la font ne sont jamais très loin… De rencontres en rencontres, il commence à manager quelques artistes. Amateur d’électro, de reggae, de funk, il croise la route de figures du milieu comme Lee « Scratch » Perry. Les caves du Lycée Saint-James à Neuilly servent de lieu de répétition aux copains. Puis, André monte un petit studio dans un coin du laboratoire de la pâtisserie familiale. Il fréquentera assidûment L’Hôpital Éphémère, un squat d’artistes du 18e arrondissement de Paris où FFF ou encore Human Spirit répéteront. Il rencontre Juan Rozoff qui vient de signer chez Universal et dont l’album Jam Session est resté dans beaucoup de mémoires. Il travaillera sur la production de son deuxième disque. Puis Ken Norris dont il va suivre le travail et produire le premier album : Modern Folklore que je vous conseille de découvrir. C’est une période intense, André travaille nuit et jour, alors que l’entreprise familiale se développe toujours plus. Deux ans plus tard, il va prendre la décision de vendre « La Maison Stevens ». Les quelques années qui suivent sont alors consacrées à sa famille.
Après cinq ans d’arrêt, il décide de reprendre son métier. Il entre alors à « La Maison du Danemark », lieu incontournable des Champs-Élysées. Sa rencontre avec Pierre Gagnaire est déterminante et le convainc de faire de la pâtisserie son unique terrain d’expression. Vont suivre plusieurs expériences professionnelles sous les ordres de plusieurs grands chefs et pâtissiers comme Christian Constant, Jean-François Piège, Jacques Genin ou Philippe Conticini. Et puis, en 2004, il entre à l’Hôtel de Crillon et en devient le Sous-chef pâtissier de Jérôme Chaucesse (MOF 2015).
Ce sont ses retrouvailles avec son ami d’adolescence – Antoine Audiau, graphiste et photographe – qui vont lui donner envie de renouer avec le milieu artistique contemporain. Et avec les minéraux… Avec une idée, tenace, que les structures brutes des gemmes offrent un terrain d’idées nouvelles pour la conception de pâtisseries et permettent de s’extraire des formes qui font consensus. L’achat d’une première pyrite en 2010 inaugure sa collection. Elle devient très vite un « Caramel mangue-passion » aussi gourmand qu’inattendu ! Avec lui, une rose de baryte se transforme en crémeux aux marrons et un groupe de cristaux d’aragonite se réinvente en sorbet au coing quant il n’initie pas des séries avec le photographe parisien Daniel Schweizer autour des fruits et du sucre.
Crémeux aux marrons. Création André Stevens. Photo : Antoine Audiau
Pour mener à bien sa recherche de spécimens minéralogiques, il s’immerge dans le monde de la minéralogie et de la géologie. Il visite les musées parisiens, rencontre les conservateurs et les collectionneurs comme Alain Carion sur l’Île Saint-Louis. Il tisse aussi des liens avec des professionnels des métiers d’art pour répondre à des problématiques comme la prise d’empreintes. C’est grâce au savoir-faire d’artisans expérimentés qu’il peut imaginer de transposer en confiseries des structures cristallines complexes telle qu’une « rose » de quartz d’Arkansas… Mais il s’entoure aussi de plusieurs pâtissiers qui collaborent à ce projet à l’image de François Daubinet (Consultant, Paris), Aurélien Houillon (Genève) ou encore Joachim Bendacha (Lyon).
Perfectionniste, André propose par son travail une approche inédite du dessert. En transposant les classiques de la pâtisserie en trésor de la nature, il tisse au travers de ce projet un lien entre design, photographie et art contemporain éveillant ainsi la curiosité. Nul doute que les richesses naturelles continueront de l’inspirer. Et, ici, on a déjà hâte de les découvrir et… de les goûter !
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À bientôt !