Pour sa dernière exposition de l’année, avant une rentrée particulièrement enthousiasmante, la Galerie La Joaillerie Par Mazlo dont je vous parle régulièrement sur le site organise un double événement avec deux accrochages complètement inédits qui questionnent le temps qui passe : « Sign of the Times » & « Rationnés« .
Né en 1984 à Glasgow en Écosse, Paul Adie vit et travaille à Munich. Les pièces de l’exposition ont été créées en pensant aux paroles de la chanson Monument par Röyksopp et Robyn, que j’ai choisie parce qu’elle aborde des sujets qui m’intéressent tels que la vie et la mort, l’amour, le contrôle et le renouveau personnel. MONUMENT II, Broche, 2018. Acier. Photo: Paul Adie
- Sign of the Times
L’exposition Sign of the times trouve sa source dans deux éléments distincts qui servent de base de travail aux artistes qui ont imaginés les pièces que vous pourrez y découvrir. Premièrement, la chanson de Prince -morceaux d’anthologie de 1987 dont vous ne pourrez que fredonner la mélodie ensuite – dans laquelle il dénonce une époque ravagée par le SIDA, les guerres, l’usage à outrance des drogues dures mais aussi le matérialisme. Du grand Prince et un texte complètement d’actualité quand on analyse posément notre époque. Mais 1987 est aussi l’année de la transition pour l’artiste : avec ce morceau complexe et fort, il montre combien il peut exister en tant qu’artiste solo et combien sa musique est bien plus qu’une pop commerciale. Un signe des temps sur laquelle les critiques musicaux s’accordent encore parfaitement aujourd’hui !
Né en 1975 à Cheongsong, en Corée, Sungho Cho est diplômé en art du métal et bijouterie de la Seoul National University. Grâce aux cartes en plastique, en particulier la carte de crédit, nous pouvons pister beaucoup de choses, peut-être presque tout, comme le niveau économique, les changements de vie et le rayon d’action dans le «temps». PEOPLE, Bague, 2017. Cartes de membre Clubclio, Outback Steakhouse et Kyobo Book Club, argent. Photo : Sungho Cho
Deuxièmement cet événement utilise la théorie de Max Lüscher qui pose clairement l’idée que le bijou est une extension du porteur et un signe de sa personnalité. On est alors tenté de penser que plus un bijou a de personnalité, plus son propriétaire est « full of surprises« . Une vision des choses qu’il m’est impossible de ne pas partager !
Julia Maria Künnap est titulaire d’un MFA en art du Bijou de l’Académie estonienne des beaux-arts et d’un diplôme de Konstfack, University College of Arts, Crafts and Design de Stockholm en Suède. « Généralement, je ne considère pas les outils utilisés pour réaliser mes œuvres comme suffisamment importants pour en parler, mais les questions qui ont surgi à propos de ces pierres fondues prouvent qu’une explication est nécessaire. (…) Il n’y a pas de truc, de magie ou de prestidigitation dans mon travail. Toutes les pierres sont taillées à partir d’un seul bloc de matière brute, sans colle ni résine. » FROM BLACK TO BLACK IV, Boucles d’oreilles, 2018. Obsidienne, argent rhodié. Photo : Julia Maria Künnap
Pour cette présentation, les artistes ont donc fait appel à leurs références autour de la pop-culture. Et ainsi proposé des bijoux qui s’ancrent dans notre époque et témoignent du rapport intime de leurs auteurs au temps qui passe. Le résultat est absolument sublime, il pose des questions passionnantes sur la continuité du temps, de notre époque et interroge notre façon de nous mouvoir comme de nous adapter à une société en pleine transformation. Vous connaissez désormais mon enthousiasme pour les événements de la galerie, celui-ci ne fait donc pas exception. Parmi mes coups de coeur, les pièces du Coréen Sungho Cho, les oiseaux de Lisa & Scott Cylinder, le travail de patience du bijoutier japonais Arata Fuchi, les pièces de Julia Maria Künnap et bien entendu les bijoux explosifs de Serena Holm !
Mari et femme, Lisa et Scott Cylinder débutent leur collaboration artistique en 1988 peu de temps après la fin de leurs études en art du bijou et orfèvrerie à la Tyler School of Art de Philadelphie. À la fois artistes et enseignants, ils dirigent ensemble leur studio de création de bijoux à Oley, Pennsylvanie, U.S.A. «C’est une question d’âme… les objets que nous utilisons ont été touchés par quelqu’un. Une fois que vous voyez ces objets particuliers, vous leur associez un moment de votre vie. Il y a de la sueur et des efforts sur l’outil qu’une personne a utilisé pour créer un objet. (…) Le contact humain fait partie de notre travail et constitue la raison pour laquelle nous sélectionnons les objets». Audacia Beetle, Broche, Pied à coulisse vintage Starrett, médaille militaire émaillée vintage, bronze, crayons, maillechort, résine époxy. Photo : LISA & SCOTT CYLINDER
- Rationnés
Découvrir Jo Pond, c’est ouvrir une boite de souvenirs aussi touchants que précieux. Sa nouvelle exposition est présentée pour la première fois à Paris. Pour ce nouvel opus, la créatrice britannique a puisé dans une collection de journaux intimes écrits par sa grand-mère – Lily Liberty Pond – durant le Blitz. Avec ce nouvel ensemble de pièces, la créatrice lève le voile sur l’existence difficile et douloureuse des femmes durant les temps de guerres. En réutilisant des objets communs, Pond donne – grâce à son travail de création – une nouvelle vie à des éléments domestiques dont les histoires ont souvent été oubliées ou tues car elles n’avaient pas vocation à être écrite.
Née dans le quartier de Chiswick à Londres, Jo Pond est une artiste, créatrice de bijoux contemporains. D’abord initiée à l’art du bijou aux Berkshire and Loughborough Colleges of Art & Design, c’est lors de son Master à l’école de bijouterie de Birmingham, qu’elle pose les bases de sa pratique actuelle. Les œuvres de Jo Pond peuvent être considérées comme des objets réincarnés, des reliques du quotidien. Broche issue de l’ensemble GLAXO TIN, un set de sept broches, 2017. Boîte en acier recyclée, acier, fer, cuir, pierres nes, argent, celluloïde, os. Photo : Jo Pond
Cette exposition est d’une beauté absolue. Sa sobriété et sa simplicité apparente témoigne de ce que fut la vie sous les bombardements allemands. Elle décrit avec un pragmatisme tout anglais comment les familles se sont organisées pour que chaque jour soit vivable. Elle raconte avec une douceur toute particulière cette histoire familiale et plus particulièrement cette terrible période qui a marqué toute la population londonienne. A découvrir absolument en prenant le temps de lire les textes de Lily dont la force de caractère se découvre au travers de ses mots couchés dans les petits almanachs qu’elle a religieusement tenu.
BUTTONHOLE BROOCH, Broche, 2017. Boîte en acier recyclée, acier, fer, cuir. Photo : Jo Pond
Ces deux expositions sont à découvrir. Elles témoignent de notre vie et de notre façon de concevoir le temps qui nous est accordé sur terre. Plus encore, elle questionne notre rapport à la société, aux événements qui nous entourent et à notre perception intime de ce tout dans lequel nous évoluons. Ne manquez pas cela !
À bientôt !
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Galerie La Joaillerie Par Mazlo
31 rue Guénégaud, Paris 6
Du mardi au samedi de 14 à 19 heures