Chers lecteurs francophones, vous trouverez ci-dessous, la traduction de mon article « Links in a chain », publié originellement dans le magazine Rapaport et sur le site Jewelry Connoisseur. La version américaine est accessible via ce lien.
Dear English readers, this story was originally published under the title « Links in a chain » in the Rapaport Magazine and on Jewelry Connoisseur website. This translation is mine. You can read the original article through this link. Enjoy !
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La maison française de haute joaillerie Mellerio dits Meller est l’une des maisons joaillières les plus anciennes du monde, avec des racines remontant au 16ème siècle. Laure-Isabelle Mellerio, PDG et directrice de la création de la société, revient sur ce passé et partage ses propres inspirations.
Mme Laure-Isabelle Mellerio. Photo : Mellerio
1-Comment gérez-vous Mellerio et l’héritage de l’une des plus anciennes maisons de joaillerie au monde ?
La maison Mellerio est une maison familiale et c’est un point extrêmement important. Aussi nous avons une vision à très long terme, car la maison n’est pas destinée à être vendue et doit rester dans notre famille. La génération suivante a quatre garçons, dont l’un, Côme, travaille déjà avec nous.
De plus, bien que la rentabilité reste essentielle, nous ne sommes pas soumis à la même pression que les jeunes marques ou maisons, dont les actionnaires s’attendent à un retour rapide sur leurs investissements.
Ajoutez à cela le fait que c’est une maison très élégante avec une âme unique. Il faut donc rendre hommage à toute la famille Mellerio, mais aussi aux employés, aux chefs d’ateliers et aux artisans qualifiés qui savent fidéliser nos clients. Diriger cette maison exige une bienveillance permanente pour maintenir la loyauté dont nous jouissons depuis si longtemps.
Le collier Medicis en or blanc, diamants, rubis et perles. Photo : Mellerio
2-Comment le patrimoine de Mellerio inspire-t-il les créations contemporaines ?
On me demande souvent si notre patrimoine est un fardeau. Mais au contraire, je trouve cela extrêmement inspirant et excitant. Il y a une tendance à retourner au patrimoine, et c’est l’un de nos points forts, car nous ne l’avons jamais oublié. De plus, si je manquais d’inspiration, je devrais seulement descendre aux archives pour y trouver des idées.
Mes dernières collections se nourrissent de cette histoire. Cela dit, ayant étudié le dessin et ayant une formation en design d’intérieur, j’ai toujours voulu respecter les codes des maisons avec lesquelles je travaillais. C’est la même dynamique qui me guide ici : apprendre, noter les éléments récurrents et les retravailler sans les déformer.
Le collier « Bourgeons de lys » en or jaune et perles. Photo : Mellerio
3-Diriez-vous que certaines de vos créations sont désormais emblématiques ?
C’est une question difficile car mon objectif principal est de perpétuer l’esprit de la maison. Mais je me souviens d’une cliente qui, après avoir vu ma première collection, m’avait dit que j’avais conservé l’esprit Mellerio. Alors je me suis dit que j’avais relevé le défi et que c’était le meilleur compliment que je puisse recevoir. L’esprit Mellerio, c’est la liberté de créer et de proposer. Nos bijoux restent intemporels et élégants et ne se démodent pas. C’est peut-être notre spécialité, et c’est le caractère emblématique de la maison.
4- Perpétuez-vous des techniques bien particulières de la maison ?
Bien sûr, même si bon nombre de ces techniques se retrouvent dans d’autres maisons. Mais ici, nous essayons de maintenir l’utilisation de l’émail, par exemple, auquel je suis très attachée. J’essaie régulièrement d’incorporer des pierres ornementales souvent utilisées pour la gravure ou la sculpture, et bien sûr, nous avons la taille Mellerio, une taille mélangeant subtilement l’ovale, la poire et le coussin, avec 57 facettes.
Nous avons notre propre atelier, où presque toute notre production est faite à la main. C’est également ce qui nous distingue des autres marques de bijoux haut de gamme : nous proposons un service soigné, depuis nos collections et des créations sur mesure, en passant par la réparation de bijoux anciens. Nous sommes des bijoutiers fabricants et c’est notre modèle commercial.
La taille Mellerio. Photo : Mellerio
5- Comment définiriez-vous votre style ?
J’aime la couleur et le volume. Je suis particulièrement attachée aux contrastes et aux effets entre les matériaux et les tailles de pierres. Quand j’imagine une collection, je joue et c’est ce qui me guide. Rien ne me fait peur… J’aime les émeraudes et j’ai tendance à les utiliser beaucoup. Mais pour définir plus généralement ma conception des collections, je dessine des bijoux que je voudrais porter.
Boucles d’oreilles Lago de la collection Isola Bella avec or, diamants, calcédoine, rubis, saphirs et tsavorites. Photo : Mellerio
6- Comment décririez-vous la dernière collection ?
La dernière collection tourne autour des diamants. C’était un véritable exercice stylistique pour moi, avec cette volonté de mettre en valeur cette pierre avec laquelle je travaille habituellement pour compléter des pierres précieuses colorées. Les bijoux de cette collection sont vraiment joyeux. Le lapis-lazuli apporte beaucoup aux pièces et le collier en écharpe est vraiment réussi. La prochaine collection sera un autre voyage artistique !
Bague Ciottoli de la collection Isola dei Pescatori sertie d’une émeraude coussin de 4,52 carats, de saphirs et de chrysoprases. Photo : Mellerio
7-L’aigrette paon signée Mellerio a été vendue en juin 2019 lors de la vente « Maharajas & Mughal Magnificence » chez Christie’s. Que ressentez-vous quand des bijoux anciens de votre maison sont vendus ?
Nous avons été ravis de voir cette broche lors des différentes expositions et récemment lors de cette incroyable vente à New York. Ce type d’événement contribue à accroître la popularité des bijoux anciens Mellerio. De plus, les créations de notre maison sont rares sur le marché. Le paon est l’animal emblématique de la maison, celui que nous créons régulièrement. Bien avant l’Art Nouveau. Nous étions donc des précurseurs. La première broche a été achetée par une duchesse espagnole en 1867 et je suis presque certaine qu’elle existe encore. Un jour, elle pourrait refaire surface…
Aigrette en diamant et émail, vers 1905, de la collection du maharaja Jagatjit Singh de Kapurthala. Vendue chez Christie’s NY pour plus de 730,000 $. Photo : Christie’s
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Une maison familiale
L’histoire de Mellerio dits Meller remonte à 1515, année où la famille de colporteurs de petits objets quitta Cravegia (Italie) pour la France. En 1613, la régente française, Marie de Médicis, permit à la famille de commercer au sein du royaume français sans payer de taxes. Ce droit a été une étape importante et a duré jusqu’à la fin du règne de Louis XVI en 1792 ; La reine Marie-Antoinette aurait acheté un bracelet Mellerio en 1780.
C’est en 1815 que la famille ouvre son magasin rue de la Paix et continue à accroitre sa réputation aux XIXe et XXe siècles. Depuis 1955, la maison crée le Ballon d’Or, récompense annuelle du football, et depuis 1981, les trophées du tournoi de tennis de l’Open de France. En 2005, elle a lancé la taille exclusive Mellerio.
Pour célébrer le 400e anniversaire des privilèges reçus de la régente, la maison a présenté le collier Médicis en 2013. Une pièce qui a neccessité 4500 heures pour mener à bien la réalisation.
À bientôt !
See you soon !