Il y a maintenant presque trois ans, je découvrais la maison de joaillerie Goralska lors de la première édition du salon Mes Créateurs Joailliers, à Saint-Germain-des-Prés, dans le l’Hôtel de l’Industrie. Je me souviens bien des bijoux que j’avais vu et qui avaient attiré ma curiosité. Et plus particulièrement un pendentif en or dont le centre était un important diamant brut de plus de 12 carats. En janvier 2018, lors de la dernière semaine de la mode, la maison ouvrait son premier magasin français et inaugurait une élégante boutique au 12 rue de la paix. La journée presse, joyeuse et très accueillante, m’a alors laissé admirer une joaillerie résolument moderne et contemporaine, où les saphirs non chauffés aux couleurs douces, les diamants mais aussi des pierres bien différentes de ce que peuvent offrir les vitrines alentours s’entrechoquent dans des bijoux pétillants et un peu magiques. Retour sur l’histoire Goralska avec sa créatrice, l’enthousiasmante et passionnante Corinne Evens.
Corinne Evens. Photo : Goralska
Rencontrer Corinne est difficile. Non pas qu’elle refuse les interviews, et pour l’avoir eu longuement au téléphone, je peux vous assurer que c’est une personne inspirante et étonnante. Non, en réalité il faut surtout se trouver au même endroit qu’elle sur la terre car la créatrice de la maison vit entre la France, la Belgique et le monde entier. De prime abord, Corinne vous raconte l’histoire de la famille Evens et de son père George Evens, une très importante famille de diamantaires d’origine polonaise passée par Anvers à la fin des années 30 pour finalement s’établir aussi à Paris. Négociants en diamants taillés, la maison va progressivement installer ses propres tailleries pour pouvoir gérer toute sa chaine d’approvisionnement. Mais il ne sera jamais question de fabrication joaillière. Le commerce du diamant représente trop de travail et le temps manque pour développer une gamme qui pourrait s’imposer sur un marché hautement concurrentiel.
Sautoir « Prisme » en or jaune, diamants et verre. The Prisme sautoir in yellow gold, diamonds and glass. Photo : Goralska
Bague « L’Olivier » en or blanc noirçi et saphirs dont le centre pèse 8,01 carats. Photo : ©Marie Chabrol
Mais le bijou est présent dans l’esprit de Corinne Evens dès son entrée dans l’entreprise familiale à la fin des années 80. Quand vient le temps de fermer l’entreprise familiale et de repenser les activités du groupe Evens, le bijou devient alors sa priorité. C’est comme cela que née la maison Goralska dont le nom transcrit, dans un mélange de langues sémitiques et slaves, la destinée des femmes, mais aussi l’importance de l’âme et de son lien au corps. C’est autour de ce concept que la créatrice imagine des pièces uniques comme des lignes access pour des femmes qui aiment une joaillerie différente, ludique mais aussi audacieuse où des matières comme l’onyx mat, la chalcopyrite ou le quartz à tourmalines paraïba côtoient des diamants. Mélange d’ors, pierres atypiques, symboliques fortes sont les maîtres mots de cette nouvelle joaillerie qui a su s’imposer avec des propositions créatives différentes loin de nombreux modèles ultra-marketés que l’on peut voir partout. Définitivement une adresse parisienne à connaitre et une maison à suivre !
Bague flexible Earth en or jaune et diamants bruns. Photo : Goralska
Manchette « Labyrinthe » en or jaune et or blanc rhodié noir, diamants dont centre saphir de 4,74 carats. Photo : Goralska
Loin du bijou, il y a les engagements de Corinne Evens qui sont une partie importante – mais plus discrète – de l’histoire Goralska. Il faudrait plusieurs articles pour vous parler d’elle. Au croisement du monde des affaires, de la joaillerie, de l’art et de la politique, elle imagine un monde qui lui correspond et où des femmes s’engagent pour des causes auxquelles elles croient. Mathématicienne de formation, sa logique se retrouve dans ses designs qui offrent des géométries fortes pour des pièces graphiques, parfois imposantes, jamais inoubliables. Passionnée de cinéma, elle a réalisé des films pour la télévision, fait de la photographie et offre à sa créativité des supports multiples. Elle explique d’ailleurs que le bijou est l’un de ses médiums favoris, celui qui lui permet – en relation avec ses artisans basés en France et en Europe – de déposer ses émotions et de les transmettre.
L’expérience Goralska, c’est aussi un hôtel parisien situé dans le quartier Bastille. Ancienne imprimerie entièrement repensée, la décoration de ce lieu a été imaginée par Corinne et le décorateur Daniel Jibert. Si vous passez par le quartier, allez voir le concept-store, découvrez son café bibliothèque et admirez la scénographie inspirée par l’Afrique sub-saharienne et ses couleurs chaudes comme enivrantes. C’est une invitation au voyage qu’il ne faut pas manquer. Avec des offres à partir de 309 € pour deux nuits (et deux personnes) avec les petits-déjeuners inclus et des billets pour différents musées de Paris, c’est une vrai bonne idée pour tous ceux qui cherchent une solution entre confort, accessibilité et culture. À retenir !
Bague Allégresse en or jaune et quartz à tourmalines Paraïba. Photo : ©Marie Chabrol
Enfin, et c’est certainement ce qui m’a le plus touché dans son parcours et son histoire, il y a son engagement politique et culturel. Dès les années 90, la famille Evens inaugure la Fondation Evens. Basée en Belgique, à Anvers, la fondation a des bureaux en France et en Pologne. Son but premier est le développement de relations harmonieuses entre les peuples d’Europe mais aussi l’acquisition d’un esprit critique pour les citoyens européens. Pour cela, elle initie des programmes culturels, des réflexions sur des sujets contemporains comme la citoyenneté et l’appartenance européenne ou l’importance d’un journalisme libre. La fondation propose des programmes de conférences et de cours pour apprendre à décoder la presse, reconnaitre les formes de propagande modernes. Enfin, elle remet des prix tout les deux ans à des personnalités issues du monde culturel, journalistique ou encore politique, récompensant leurs engagements en faveur de la paix, d’une plus grande transparence d’information ou de l’éducation.
Il me serait impossible de ne pas mentionner l’un de ses projets les plus forts : la création du musée POLIN à Varsovie. Situé dans l’ancien quartier juif de la ville – Muranów et donc l’ancien ghetto – son nom, « polin », signifie en hébreu « repose-toi ici ». C’est aussi le nom hébraïque de la Pologne. Inauguré en 2013 dans un impressionnant bâtiment moderne, il représente une avancée essentielle dans la reconnaissance des drames successifs que vécurent les juifs polonais qui payeront l’un des plus lourds tribus de la Shoah. Ce projet particulièrement controversé dans le pays a depuis accueilli plus d’un million de visiteurs et a été récompensé en 2016 par le prix européen du Musée de l’Année (EMYA) qui salue son action en faveur de la valorisation et la préservation de l’histoire juive polonaise.
En fondant l’Association d’histoire des juifs de Pologne, Corinne Evens a bien en tête la création d’un musée. Il faudra plusieurs années et de nombreux obstacles pour que celui-ci se réalise. Aujourd’hui elle en est toujours la présidente et fait partie du Conseil du musée POLIN. Cet engagement, peut-être l’un des plus forts et importants de son parcours, est certainement aussi le plus beau. Comparable au travail nécessaire et pertinent du Mémorial de la Shoah à Paris ou comme de celui de Yad Veshem à Jerusalem, ces différentes institutions permettent d’éduquer les jeunes générations dans l’espoir, que plus jamais, une telle catastrophe ne se reproduise. Aussi, ne puis-je que vous conseiller que visiter ce lieu et de vous imprégner de cette Histoire qui ne doit jamais être niée.
Bague mobile « Miscible » en or blanc rhodié noir, diamants noirs et centre saphir jaune de 3,85 carats. Photo : ©Marie Chabrol
Broche Heart en or jaune, saphirs roses et verres saphirs. Photo : Goralska
Les projets d’avenir du groupe sont plus de nombreux. Après Paris, la maison souhaiterait s’implanter en Pologne mais aussi à Londres. La création d’un atelier de fabrication interne et basé à Paris est aussi en discussion. Rien n’arrête Corinne Evens, femme d’affaire, créatrice en joaillerie, philanthrope, mère, elle est aujourd’hui une figure incontournable de la joaillerie du XXIe siècle !
À bientôt !