Il y a moins d’un an, en février 2021, avait lieu la vente inaugurale de la toute nouvelle maison de ventes aux enchères ARP pour Art Research Paris. Le catalogue était renversant. J’avais été émerveillée et le suit toujours quand je revois les photos des pièces. Une belle entrée en matière pour cette jeune maison très prometteuse qui, depuis, a proposé de très belles ventes sur des thématiques diverses et variées avec des objets particulièrement qualitatifs. Mais si je prends le temps de vous en parler, c’est parce que le 13 décembre, ARP Paris proposera une jolie vacation dédiée à la joaillerie et aux montres (et c’est le cabinet Sancy Expertise qui s’est occupé de la partie montre). Il était impossible de manquer ça ! Grand bien m’en a pris, le catalogue est fourni, riche de 218 lots et j’y ai sélectionné 7 pièces qui m’ont plu pour leur histoire, leur matière, leur signature et parfois, ma foi, un peu tout ça. Je vous propose donc de me suivre dans cette découverte et j’espère que vous serez au rendez-vous.
Lot 102 : Montre Lalique, vers 1900. Or, émail. Estimation entre 30,000 et 40,000 euros. Photos : ARP Auction
La vente présente cette rare montre Lalique. Art nouveau, représentant des feuilles de chênes, émaillée selon la technique de l’émail plique-à-jour. Réalisée en or jaune, elle est dans un état de conservation absolument parfait. Alors, Lalique, bien sûr, n’est pas un nom inconnu du bijou. Ses réalisations sont toutes fabuleuses et sont le témoignage d’une époque fabuleuse en terme de créativité et de techniques. Mais revenons à notre montre gousset, s’il est nécessaire d’en parler c’est surtout parce que l’on n’en connait que très peu. En effet, depuis 2005, seules 8 montres sont passées en ventes aux enchères. En cherchant un peu, la lecture de la revue Art & Décoration de 1901 nous apprend qu’une dizaine de montres à gousset ont été fabriquées au tournant du XXe siècle. Deux sont actuellement visibles dans le sublime musée Patek Philippe de Genève et le MAD Paris en possède également deux sur la thématique des pommes de pin. Sur cet objet, il faut s’attacher à la finesse du travail, à la rareté même de l’objet en tant que tel. Qui séduira-t-elle et où ira-t-elle ? Genève, Paris, un autre ailleurs heureux, nul doute que sa nouvelle destination ne marquera, quoi qu’il en soit, que les heures heureuses. Horas non numero misi serenas…
Lot 103 : peigne en corne et verre de René Lalique. Estimation entre 25,000 et 30,000 euros. Photo : ARP Auction
Dans la suite logique de la montre, il est également nécessaire de parler de ce peigne en corne blonde et pâte de verre. Ce grand peigne « avoine » réalisé autour de 1902-1903 est une petite merveille de délicatesse. Prenez deux petites minutes pour vous projeter dans un tableau de Émile Friant ou une représentation de Alphonse Mucha. Imprégnez-vous de l’esprit de ces tableaux, de ces femmes fleurs aussi irréelles que sensuelles, imaginez ces lourds chignons que les femmes piquent de peignes délicats pour les retenir. Et vous aurez le décors pour lequel ce peigne a été réalisé. L’artisan qui a délicatement sculpté les moindres détails de cet objet admirable avait des mains en or. Partout, dans le moindre volute, le moindre grain, resplendit une poésie naturaliste incomparable. Délicatesse végétale incarnée, cet objet mérite une attention particulière.
Lot 117 : Collier dit « collier arabe » en or, Cartier, vers 1950. Estimation entre 30,000 et 50,000 euros. Photo : ARP Auction
Ce « collier arabe » signé de la maison Cartier est un objet rarissime sur le marché. Initié au sortir de la guerre, à la fin des années 40 (1947 pour être précise), ce bijou a porté plusieurs noms : « sautoir arabe » et « chapelet musulman » sont ceux que l’on voit utilisés assez régulièrement. Si le bijou qui se présente aux enchères chez ARP Paris a été légèrement modifié pour se transformer en un collier, un bracelet et un pendentif amovible, il n’en demeure pas moins étonnant, atypique et rare. Je crois n’en avoir vu qu’un seul depuis que je hante des viewings et les salles des ventes. C’est dire. L’objet qui sera vendu dans quelques jours pèse plus de 170 grammes, il est composé d’éléments en or montés sur une chaine, elle-même en or. La maison Cartier a arrêté la fabrication de cette collection au début des années 1970. L’objet est massif et imposant. Mais au-delà de son caractère affirmé, l’objet est un bijou taillé pour un collectionneur. Car vous ne croiserez pas souvent sur votre route ce modèle de la célèbre maison aux petites boites rouges…
Lot 126 : solitaire Cartier en platine et diamant de 11,16 carats. Estimation entre 100,000 et 150,000 euros. Photo : ARP Auction
Je reste avec la maison Cartier pour le lot 126. Il semblait impossible de passer à côté de ce solitaire en platine serti d’un diamant de 11,16 carats. La pierre de famille a été montée dans au cours du XXe siècle mais possède une expertise de valeur de la maison Cartier en date du 15 octobre 1965 suite à une vérification par le laboratoire de la CCIP, la structure qui a précédé le Laboratoire Français de Gemmologie. Détail amusant, en 1965, la pierre est déclarée pure à la loupe 3x, depuis les techniques d’analyse du diamant ont bien changé… A l’époque, c’est M. Gobel qui est signataire de ce document, directeur du laboratoire, il fut un grand monsieur de la gemmologie française. Gradé L et VS2 en 2022 par le LFG, il est donc teinté mais peu inclus ce qui est une bonne nouvelle. Surtout pour une pierre ancienne à une époque où les critères de qualité n’étaient aussi exigeants que ceux demandés de nos jours par la joaillerie actuelle. Si vous avez une demande en mariage à formuler, ce caillou pourrait être un bonne entrée en matière !
Lot 135 : Bague Adler en or, émeraudes et diamant de 9,12 carats. Estimation entre 80,000 et 120,000 euros. Photo : ARP Auction
J’adore la bague cocktail. Je trouve que ce bijou est toujours réjouissant. Souvent opulent, totalement décadent tant les designers lui ont attribué tous les superlatifs de la création, la bague cocktail est faite pour être vue. Rien de moins. Il faut que ça brille, il faut de la couleur, il faut que ça raconte des histoires et surtout il faut que ça en impose. Alors, autant vous dire que cette bague de la fin des années 1980 coche toutes les cases avec son or jaune, ses émeraudes calibrées et son diamant de plus de 9 carats gradé M VS1. Et si on ajoute que cette bague est une Adler, maison fondée en 1886 et basée à Genève depuis 1972, alors, je dis oui.
Lot 154 : Manchette en or et diamant de Déborah Pagani. Estimation entre 3000 et 5000 euros. Photo : ARP Auction
La manchette, c’est un peu le statement jewel par excellence. Surtout quand celle-ci habille parfaitement le ou les poignets. On se souvient tous des fabuleux bracelets en or de Jackie Kennedy qui ont tant marqué les esprits des amoureux des bijoux. Celle-ci est signée de la créatrice Déborah Pagani, c’est une pièce moderne, bien dans son époque et efficace. Le motif géométrique va avec tout rendant ce bijou très facile à porter ou à associer. La simplicité a aussi ses vertus !
Lot 171 : broche en or, diamants, ambre par Gilbert Albert. Estimation entre 1800 et 2500 euros. Photo : ARP Auction
Il y a des créateurs auxquels je ne résiste pas. Gilbert Albert fait parti de ces noms que je porte aux nues. Cette maison m’a émerveillé dès mon entrée dans le métier. Je me souviens d’avoir attendu les parutions bijoux, alors apprentie, en guettant son nom et sa dernière création. Amoureux des matières naturelles, il n’a eu de cesse de repousser ses limites créatives pour proposer des pièces absolument fascinantes. Il nous a quitté en 2019, laissant derrière lui une œuvre monumentale. La vente inaugurale ARP Paris avait permis d’admirer un certain nombre de pièces – toutes fabuleuses – et c’est un plaisir que de croiser cette broche dans la prochaine vente. Réalisée en or, diamants et ambre, elle est vraiment très jolie. Elle a ce côté tout rond, doux… C’est un bijou bonbon.
A bientôt !