Le 6 juillet prochain, la maison de ventes aux enchères Aguttes proposera sa vente de bijoux qui, annuellement, éclaire ce début d’été. Avec 198 lots, la sélection des bijoux proposée est aussi éclectique que réjouissante. Comme à chaque fois. Le département bijoux de la maison a ce don rare de trouver de très belles pièces, souvent chargées de belles histoires, souvent avec de très belles signatures. Et je me régale à les découvrir. Entre Van Cleef & Arpels, Boivin, Boucheron, Mauboussin et bien d’autres, faire un choix ne fut pas simple. Mais avec ces 8 lots sélectionnés, j’espère réjouir votre œil et faire battre un peu plus fort votre palpitant.
1- Un bracelet Chaumet
Lot 47 : Bracelet « Ruban » en platine et or, émeraudes, diamants et émail. Poinçon de maître Chaumet, cira 1930. Estimation entre 35,000 et 45,000 euros. Photos : Aguttes
Pour beaucoup d’amoureux du bijou, la maison Chaumet, c’est l’art du végétal. Et la maison le sublime depuis longtemps dans la majorité de ses créations. Mais Chaumet, c’est aussi les diadèmes. Bijou signature de la marque, elle a réalisé plus de 2000 diadèmes et tiares depuis sa création. La majorité de toutes les grandes familles royales et aristocratiques ont porté ce type de parure. Mais outre le romantisme, le naturalisme et la belle époque, la maison s’est également illustrée lors de l’Art déco.
En 1925, lors de l’Exposition Universelle, la maison dévoile des bijoux remarqués par la presse de l’époque dont le Vogue. Le 1er septembre 1925, un article écrit par Robert Linzeler souligne le côté « somptueux » d’un diadème Chaumet et les publicités de cette époque en témoignent parfaitement. Cet élégant bracelet qui se présente a été authentifié par la maison qui l’a retrouvé dans ses archives. Fabriqué en décembre 1930, il a fait l’objet de plusieurs présentations et il a finalement été vendu en décembre 1944 à un client français.
2- Une broche Cartier
Cette rare broche, de par son style, est clairement surprenante. Si on connait de nombreuses commandes spéciales atypiques dans les maison de joaillerie, cette broche représentant un indien Sioux sort clairement du lot. Quand les européens s’implantent en Amérique du Nord au XVIe siècle, ils découvrent des populations dont ils ignorent tout. Les images diffusées jusqu’à la fin du XIXe siècle sont principalement imprégnées de violence et cette dernière va prédominer longtemps dans l’imaginaire populaire.
Littérature, expositions, spectacles tel que celui du Buffalo Bill’s Wild West développent l’intérêt du grand public, forgeant le mythe du Far West, bien loin de la réalité de vie du peuple amérindien. Ce sont d’ailleurs des indiens Sioux Iakotas qui sont majoritairement employés dans ce spectacle. Les « peaux-rouges » fascinent et le spectacle passe aussi par la France. Les années 30 voit l’émergence d’Hollywood qui impose sous forme de films l’imaginaire des spectacles. Le western est né.
1935 marque la participation des Sioux en marge de l’Exposition Universelle de Bruxelles et en 1938 est publié le livre de Paul Coze intitulé « L’Oiseau-Tonnerre, paysages & magie peaux-rouges ». Mais on peut aussi citer « Terres glacées. Avec James Evans chez les peaux-rouges de la Baie d’Hudson » qui sort la même année. Il n’est donc pas étonnant de trouver une broche joaillière avec cette inspiration datant de cette époque.
3- Un bracelet Mauboussin
Lot 57 : Bracelet manchette en or et platine, diamants et rubis. Vers 1938. Non signé mais authentifié par la maison Mauboussin. Estimation entre 50,000 et 70,000 euros. Photos : Aguttes
La collection « Reflection » témoigne d’un partenariat d’envergure qui a marqué durablement l’histoire de la maison Mauboussin. Quand Georges Mauboussin décide de faire connaitre sa maison au États-Unis, il fait le voyage au début des années 20. Dans cette époque des années folles, il découvre une société dynamique qui consomme avec plaisir le produit de luxe et l’alcool malgré la prohibition ou « loi sèche » de 1920.
Mais la crise boursière de 1929 met un coup d’arrêt au développement de la maison sur le sol américain. Pour continuer à travailler, Mauboussin s’associe à Trabert & Hoeffer signant une des plus belles alliances commerciales et esthétiques de l’histoire de la joaillerie. Avec l’avènement d’Hollywood et de ses actrices stars, la maison en fait des ambassadrices évidentes.
Un bracelet similaire à celui qui se présente chez Aguttes fut offert par Charlie Chaplin à son épouse Paulette Goddard pour la consoler de ne pas avoir obtenu le premier rôle dans « Autant en emporte le vent ». Les bijoux de la collection « Reflection » font partie des icônes de la joaillerie moderne et il ne faut pas les laisser passer si vous aimez les bijoux colorés au style affirmé !
4- Un bracelet Sterlé
Lot 64 : Bracelet « pompon » en or jaune. Sterlé, vers 1946. Estimation entre 5000 et 8000 euros. Photo : Aguttes
Pierre Sterlé, c’est mon péché mignon. Les pièces de cette maison me plaisent tout le temps. Je ne peux que me réjouir quand je vois une pièce de sa maison. Son travail sur les oiseaux a marqué la joaillerie avec sa manière d’aborder la réalisation fidèle des plumages leur conférant une réalité étonnante dans le métal.
S’il fut un excellent joaillier, il ne fut pas bon gestionnaire et c’est la maison Chaumet qui sauvera les meubles en rachetant son stock dans les années 70. Il travaillait quasi exclusivement pour la maison depuis le début des années 60. Il terminera d’ailleurs sa vie chez eux en tant que conseiller technique. Surnommé le « couturier du bijou » il a marqué l’histoire de la joaillerie parisienne, en particulier avec son utilisation raffinée des chaines et ses créations inspirées par la passementerie comme par le tissu. Faire d’un bijou un vêtement, une magnifique manière de considérer le bijou…
5- Une parure Fred
Fred… Quand j’entends ce nom, je pense à tellement de choses… la passionnante biographie « Mémoires d’un joaillier » paru originellement en 1992 et à nouveau publiée en 2022 à l’occasion de la première exposition autour du patrimoine de la maison, Richard Gere et Julia Roberts dans Pretty Woman que j’ai vu et revu lorsque j’étais adolescente. Alors, cette parure so 80s ne pouvait que me plaire. Peut-être parce qu’elle me renvoie aux réjouissantes publicités de la marque où figure Françoise Guérin à la fin des années 70. Si vous aimez les bijoux qui sortent de l’ordinaire, dont on retient l’allure, cette parure vous plaira, je l’espère, autant qu’à moi.
6- Une broche militaire Boucheron
Lot 125 : Broche « insigne militaire » en or et platine. Boucheron. Saphir, rubis et diamant. Estimation entre 6000 et 8000 euros. Photo : Aguttes
J’ai toujours aimé les bijoux qui racontent des histoires. J’aime que le bijou soit un marqueur du temps et un marqueur de son époque. J’apprécie qu’il embrasse le rôle politique qui peut être le sien et je suis sensible à sa manière de témoigner des grands événements de notre temps. Cette commande spéciale représente un insigne du 24e bataillon de chasseurs, aussi connu sous le nom de 24e BCA.
Son histoire débute en 1851 et en 1859, lors de la bataille de Solférino, le bataillon prend un drapeau à l’ennemi et reçoit la Légion d’honneur à Milan des mains de l’Empereur. Cette unité qui fut dissoute en 1991 a participé de plusieurs conflits importants tels que la Guerre du Rif, la première puis la deuxième guerre mondiale. Plusieurs insignes ont existé : un coq en cor ; un écusson rassemblant le marabout, la légion d’honneur, le bâton du maréchal et l’aigle dans le cor ; l’aigle impérial avec le drapeau autrichien pris à Solférino (c’est le bijou qui se présente chez Aguttes) puis, à nouveau, le coq en cor. Si vous avez une passion pour l’objet militaire, ne manquez pas cette broche.
7 & 8 – Des archives Van Cleef & Arpels et René Boivin
Lot 197 : Lot de dessin de la maison Van Cleef & Arpels. Années 1930/1940. Estimation entre 1500 et 2000 euros. Photo : Aguttes
Lot 198 : Lots de dessin « Étoile de mer », René Boivin. Estimation entre 1500 et 2000 euros. Photos : Aguttes
Le dessin reste un élément indissociable lors de la création d’un bijou. Qu’il soit à l’origine du projet ou qu’il serve à garder une trace d’un bijou fini, le dessin est toujours présent. S’il a longtemps été négligé, il est désormais collectionné et particulièrement prisé lors des ventes aux enchères. Deux très belles expositions lui ont d’ailleurs été consacrées ces dernières années : à la Piscine et à L’École des arts joailliers.
Pour clôturer la vente du 6 juillet, la maison Aguttes propose ces deux lots. Le premier lot (197) présente des bijoux de la maison Van Cleef & Arpels datant des années 30/40. Les pièces sont superbes et les dessins d’une grande qualité. Le deuxième lot (198) est plus particulier car il présente des gouachés du modèle « Étoile de mer » qui fut imaginé par Juliette Moutard pour René Boivin en 1935. Le premier bijou réalisé le fut en 1937 pour l’actrice Claudette Colbert. Sertie de rubis et d’améthystes, la broche est désormais conservée et visible au Muséum of Fine Arts de Boston.
Il y a quelques années, j’avais pu manipuler une broche « étoile de mer » de la maison Boivin lorsqu’elle s’était présentée aux enchères chez Chayette & Cheval. J’avais alors été épatée par la qualité de la fabrication et par le volume remarquable de ce bijou devenu depuis, iconique. Ce dernier point me permettant de rappeler qu’un livre sur la maison Boivin est en préparation et sortira en 2025. Impatience quand tu nous tiens !
A bientôt !