Enfin, le soleil fait son retour. Je ne sais pas pour vous mais je n’en pouvais plus de ce long tunnel des mois de janvier et février… Avec le retour de quelques beaux jours, même s’il y aura encore du froid et de la pluie, je retrouve l’un de mes plaisirs de la sortie de l’hiver, le retour des ventes aux enchères avec quelques très jolis catalogues qui se présentent sur le mois de mars 2025. Premier arrêt chez Maurice Auction où la vente du 20 mars promets quelques très jolies surprises. Accrochez-vous, je vous présente ma sélection !
Lot 1- Un bracelet Restauration par Auguste Lior, joaillier oublié


Photo 1 : lot 1, bracelet en or, émail et diamants, poinçon de Auguste Lior. Estimation entre 2000 et 3000 euros. Photo : Maurice Auction – Photo 2 : « Specimens of jewellery », Jarvis, C. N. (Artist), 1851. Photo : New York Public Library
Qui se souvient de Auguste Lior ? A priori personne et si j’en crois le peu de traces écrites mentionnant l’homme, ce n’est pas étonnant qu’on est complétement oublié son nom. Et pourtant, ce joaillier passe régulièrement en ventes aux enchères sans être jamais identifié ou cité. Insculpé en 1842 et biffé en 1956, il aura connu la Monarchie de Juillet, la Deuxième République et le début de règne de Napoléon III. Il était installé dans le quartier du Palais-Royal, au 6 puis au 3 passage des Petits-Père.
Ses pièces, plutôt massives et creuses, sont reconnaissables à leur émail vert et blanc. Après la chute du 1er Empire et dans un contexte économique morose – les campagnes napoléoniennes ont couté chères… – le Comte de Provence, puis le Comte d’Artois veulent recréer l’Ancien Régime. La période se caractérise par une forte inflation (près de 5%) qui voit la hausse des matières premières telles que l’or ou les pierres gemmes.
Résultat, les joailliers de l’époque se montrent inventifs. On allège les montures, on utilise des pierres moins onéreuses mais colorées et on ne lésine pas sur les volumes. Le savoir-faire des joailliers est largement mis à contribution avec des résultats souvent remarquables. Les parures se veulent légères mais particulièrement opulentes. Les planches de dessins de cette époque font la part belle à des modèles rubans ou à boucles, parfois assez complexes, à l’image de cette planche de dessins allemands de 1851 de la maison Backes & Co basée à Francfort.
2- Une collier du XIXe inspiré des grandes découvertes archéologiques

S’il y a un siècle réjouissant pour qui aime l’histoire de la joaillerie, c’est le XIXe siècle. A cette époque, et compte tenu des différents changements politiques, on essaye tout et la mode change très régulièrement. Dans cette période particulièrement mouvementée, l’Histoire redevient un repère, on va alors chercher l’inspiration dans ce qui n’est plus et qui ne peut plus bouger. Les grandes découvertes archéologiques comme le sursaut d’intérêt pour la Renaissance donne lieu à l’apparition d’une joaillerie aussi éclectique et qu’inattendu.
Le collier que vous découvrez va chercher son inspiration dans la bijouterie grecque. Vous voyez ces triangles enrichis de perles, et bien vous avez devant vous la ré interprétation d’un bijou caractéristique des Pontiques, un peuple hellénophone qui vivait majoritairement sur les côtes nord de l’Anatolie, sur le littoral occidental du Caucase ou encore en Crimée et jusqu’en Turquie. Cette forme de pendentif était dans ces régions une amulette porte bonheur appelée Filakto (Filahto) dans laquelle on pouvait conserver une prière.
Dans cette vision dix-neuvièmesque, les formes sont là et évoqueront forcément une autre pièce étonnante : le collier de la famille Sutherland réalisé vers 1849 dont le design est un élément intéressant de comparaison avec notre collier.
3- Le cœur couronné

Symbole d’amour, de loyauté et de fidélité, le cœur couronné est une déclinaison d’un motif bien connu visible sur les bagues dites de Claddagh traditionnellement offerte lors des fiançailles. Qu’il soit simple ou double (il était à ce moment-là offert lors de mariage symbolisant l’union de deux familles) c’est un objet dont la charge émotionnelle est forte. Ce n’est pas un bijou que l’on offre par hasard. Si son origine exacte n’est pas forcément bien connu, les plus anciens exemples connu datent de la fin du XVIe ou du début du XVIIe siècle.
Cette petite broche porteuse de nombreux symboles est un travail du XIXe siècle serti de diamants et d’un saphir rose. La petite taille de l’objet n’a rien à envier à son remarquable niveau d’exécution qui la rend aussi délicate que désirable.
4- Une montre de poche Cartier par Edmond Jaeger


Lot 20 : montre de voyage Cartier, poinçon de Edmond Jaeger, estimation entre 3000 et 4000 euros. Photo : Maurice Auction
Le 21 mars 1907, la maison Cartier signe avec Edmond Jaeger un contrat qui l’engage à vendre la totalité de sa production à la maison. Ce contrat sera reconduit après la première guerre mondiale en 1919. C’est l’un des plus importants contrats d’exclusivité entre la maison et un de ses sous-traitants.
Si je vous parle de Edmond Jaeger, c’est parce que cette petite montre de voyage qui se présente nous montre son poinçon et permet de compléter l’histoire de cet adorable objet signé Cartier sur son cadran. Et si on ajoute la délicate couleur poudré de l’émail et cet anneau en calcédoine à l’arrière, on obtient un objet hautement désirable comme une grande majorité des objets miniatures et précieux de la maison à la panthère et à la célèbre boite rouge…
Et si vous vous demandez qui est Edmond Jaeger, il fut horloger installé 103 rue de Réaumur, puis 1 rue Vernier à Paris. Pour certaines demandes, il sollicitera la maison LeCoultre & Cie aboutissant en 1937 à la création de la célèbre maison horlogère Jaeger-LeCoultre.
5- Le délicatesse d’une résille de perles

Au début du XXe siècle, la perle est partout ! Une folie des perles ou « perlomanie » s’est emparée de Paris et les négociants qui la commercialise se comptent pas centaines. Cette perle qui peut avoir toutes les formes, toutes les tailles et toutes les couleurs se déclinent sur des bijoux d’une grande délicatesse à l’image de la résille que j’ai choisi de vous présenter et inspire les joailliers qui se plaisent à la sublimer.
En 1903, Edmond Fouché et Charles Picard ont développé le soudage oxygène-acétylène permettant de travailler ce métal quelque peu capricieux et ainsi de l’imposer dans l’industrie du bijou. Les années 1910 se caractérisent donc par l’emploi du platine et des diamants qui permettent la fabrication d’une joaillerie blanche lumineuse et scintillante. C’est l’époque du style « guirlande » ou des bijoux dits « édouardien » (edwardian jewelry). Élégance et lignes racées sont les maitres mots pour parler des ces bijoux qui symbolisent toutes une époque !
6- Georges Lenfant pour Hermès ou l’amour fou

La corde et le nœud, deux éléments et autant de symboles dont les joailliers se jouent, les déclinant sans fin dans les créations joaillières. Nouer dénouer, s’attacher ou se détacher, se lier pour mieux se délier, la corde, le cordon ou encore le ruban racontent des histoires légères, frivoles et pourtant si sérieuses.
Si vous ajoutez à cela, la main des joailliers talentueux de l’atelier Georges Lenfant, vous obtenez une paire de boucles dont le seul qualificatif sera « amour toujours » ! Cet atelier qui a produit des pièces remarquables dont des chaines et des pièces animalières recherchées signe ici une paire de boucles d’oreilles que je me verrais bien adopter.
7- David Webb, l’Amérique, c’est l’Amérique !


Lot 38 et 39 : bagues de la maison David Webb en or, diamants et rubis. Estimation entre 8000 et 12000 pour le lot 38 et entre 7000 et 10000 pour le lot 39. Photos : Maurice Auction.
Si on ne présente plus la Maison de joaillerie américaine David Webb, les pièces ne sont pas forcément très courantes sur le marché français. Massives, opulentes, colorées, ultra-joyeuses et surtout reconnaissables entre toutes, les créations de la maison réjouissent les clients les plus célèbres à la recherche de pièces fabuleuses.
Surnommé le Houdini de l’or, rien ne l’arrête. Avec lui, l’or se métamorphose et se patine, il le recouvre de pierres gemmes toutes plus colorées les unes que les autres, dévoilant des pierres de centres absolument remarquables. Le bijou, pour lui, est un terrain de jeux infini. Chez Webb, j’aime tout : les pierres, les volumes, les motifs et les contrastes qui rendent ses pièces si vivantes. Si le créateur est décédé en 1975, la maison – qui continue d’exister – perpétue son style et ce je-ne-sais-quoi qui rend les créations inimitables !
8- Elisabeth Gage, un bijou couture et précieux

Peut-être en admirant cette broche, vous avez cru voir un bijou fantaisie sans grande valeur. Voilà tout le talent de la créatrice indépendante anglaise Elisabeth Gage qui sait si bien y faire pour brouiller les frontières entre les genres et les styles. Volumes gourmands, pierres imposantes ultra colorées, le bijou Gage (comme le bijou Webb) est un monde à lui tout seul. La créatrice s’inspire de tout et synthétise cela dans une joaillerie inclassable et particulièrement rafraîchissante ! C’est joyeux, c’est imposant, ça n’a peur de rien et dieu que c’est bon !
A bientôt !