Le 27 octobre, la maison Aguttes tiendra sa première belle vente joaillerie de la saison. Ouvrant ainsi le bal des ventes de fin d’année. Déjà, depuis quelques semaines, les catalogues arrivent au compte-goutte et cette saison s’annonce déjà palpitante. Ce n’est certainement pas pour rien que j’aime tant l’automne. En réalité, cette saison est certes synonyme de belles et chaudes couleurs mais aussi de pierres et de bijoux envoutants. Avec ce catalogue de presque 150 pièces, la maison de ventes aux enchères de Neuilly dévoile un très joli ensemble où se succèdent autant pièces charmantes et graphiques. Couvrant amplement les XIXe et XXe siècles, cette vente est pleine de très belles pépites. Alors, comme à mon habitude, je vous emmène avec moi pour admirer les quelques lots qui ont fait battre mon palpitant un peu plus fort que d’habitude.
Lot 28 : broche en argent et or, diamants et émeraudes. Estimation entre 4500 et 6000 euros. Photos : Aguttes
Symbole féminin par excellence, la lune en joaillerie en voit de toutes les couleurs pour le bonheur des amateurs et des amoureux de bijoux célestes. J’en suis, définitivement ! Peut-être que l’expression « triade lunaire » ne vous est pas étrangère, elle symbolise les trois déesses autour de la lune : Séléné, Hécate et Artémis en grec (Luna, Hécate et Diane) symbolisent respectivement la pleine lune, la nouvelle lune ou lune noire et le croissant de lune. Elles sont bien entendues extrêmement honorées à leur époque et encore aujourd’hui, les mouvements Wicca continuent de célébrer Hécate, la déesse qui permet la communication entre le terrestre et l’invisible. Et la période est d’autant plus intéressante que l’on se rapproche de l’ancienne fête de Samain qui consistait à célébrer le passage de la lumière à l’ombre de l’hiver après les toutes dernières récoltes. Au XIXe siècle, ces bijoux sont très symboliques et il ne s’agit pas que d’un caprice de mode. La lune se décline en broche, en collier, en diadème même. Ici en diamants et émeraudes, elle faisait partie d’un ensemble. En témoigne le col de cygne à l’arrière et le système vis qui permettait de la fixer en pendentif et peut-être sur un diadème…
Lot 57 : bracelet Boucheron en or, platine, perles fines, diamants et cristal de roche. Estimation entre 25,000 et 30,000 euros. Photos: Aguttes
Comment résister devant ce type de pièce ? Pour ma part, c’est impossible. Les pièces Art Déco sont relativement courantes aujourd’hui dans les ventes aux enchères tant cette époque affole les compteurs lors des vacations. Si toutes les maisons de joaillerie ont brillé par leur design lors de cette période, certaines sont désormais plus connues que d’autres. Les pièces Boucheron de ces années-là ne sont pas si courantes et pourtant, lorsqu’elles sortent des écrins, elles ont ce supplément d’âme qui les rend particulières. Ici, on retrouve tous les codes de la maison : le platine et les diamants qui captent si bien la lumière (cette lumière qu’aimait particulièrement le fondateur de la maison lui faisant choisir l’emplacement de la boutique de la place Vendôme pour cette raison), le cristal de roche ensuite qui est la signature stylistique de la maison qui ne cesse de s’amuser avec décennies après décennies et les perles fines symboles de cette époque où la perle de culture commence à faire son apparition mais n’est pas encore la norme. Tout est beau dans cette pièce. Définitivement !
Lot 60 : bague en or et diamants signée de la maison René Boivin. Estimation entre 6000 et 8000€. Photo : Aguttes
Si j’ai choisi cette bague, c’est parce que l’actualité autour de la maison René Boivin est plutôt intense. Et c’est une bonne nouvelle. Peut-être n’avez-vous pas noté que la maison René Boivin et ses archives ont été reprises par la famille Torroni (basée en Suisse) qui a dévoilé un site internet avec de très belles photos d’archives mais qui, surtout, prépare un très beau livre à partir des très nombreuses archives de la maison. Je crois que tout le monde attend avec une immense impatience de nouvel ouvrage qui devrait faire date. Aussi, en attendant, cette bague réalisée en 1955 d’après un dessin de Juliette Moutard – et que je trouve très élégante – me permet de vous parler de cette actualité brulante. Elle est vendue avec un certificat signé de Thomas Torroni-Levène et de Olivier Bachet. Nul doute que GemGenève qui arrive sera l’occasion de voir quelques trésors de cette vénérable maison. Je m’en réjouis déjà. Comme de savoir que cette bague trouvera sous peu un heureux propriétaire. Elle le mérite!
Lot 80 : Broche étoile filante en or, platine et diamants. Estimation entre 3000 et 4000 euros. Photo : Aguttes
Comètes et étoiles filantes font le bonheur des joailliers depuis le passage d’une certaine comète Haley en 1835. Depuis, à chaque apparition de la demoiselle, on voit réapparaitre des bijoux célébrant ce phénomène qui intrigue toujours autant. Les étoiles filantes sont des symboles de chance. Ne dit-on pas qu’il faut faire un vœux quand on en aperçoit une et que celui-ci se réalisera. Vous pouvez ne pas être croyant en la matière ni superstitieux mais je suis certaine que vous vous laisserez charmer par cette imposante broche de presque 9 cm. Alors, au-delà de l’étoile filante, l’étoile plus généralement est récurrente en joaillerie. Apparue au milieu du XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, l’étoile, sous sa forme de comète ou sous la forme initiale est partout. Dans une période de bouleversements intenses pour la société de l’époque, on voit ainsi fleurir des bijoux avec des étoiles en général ou des bijoux avec Polaris ou Stella Maris, cette étoile polaire, symbole d’espoir et d’affection, qui donne le Nord et oriente ceux qui sont perdus… Pour ma part, j’ai déjà retrouvé mon chemin. Et vous ?
Lot 104 : clip « artifice » en or pour O.J Perrin. Estimation entre 1300 et 1500 euros. Photo : Aguttes
Retour dans les années 60 avec ce bijou en or texturé de la maison O.J Perrin. Si la maison est bien connue pour ces coeurs ajourés qui ont fait son succès, les pièces plus anciennes sont moins visibles dans les ventes aux enchères et pourtant elles sont bien plus intéressantes. Ce modèle n’est vraiment pas courant, la dernière fois que je l’ai vu c’était en 2019 il me semble. Celui-ci porte en plus de poinçon de la maison Pery, un monstre sacré de la joaillerie parisienne qui voit le jour en 1875 avec Lucien et qui fermera en 2012 après avoir été racheté par Van Cleef & Arpels, l’un de ses plus fidèles clients. Alors, bien sûr, il faut aimer les années 60 avec ces bijoux audacieux, souvent imposants où l’or texturé est absolument partout. Pas un atelier ne s’est pas essayé aux effets de surface à cette époque. Une époque bénie où l’on faisait bien ce que l’on voulait dans un bloc de cire verte. Gratter, racler, percer, fraiser, marteler, tout etait permis. A l’arrivée, le métal n’a plus cet aspect lisse qui a longtemps séduit les clients. Une belle métaphore d’une époque explosive et enjouée, un feu d’artifice permanent.
Lot 121: Couple d’oiseaux en quartz sur socle en jade. Erwin Klein pour la maison Vacheron-Constantin. estimation entre 7000 et 8000 euros. Photo : Aguttes
Si vous ne connaissez pas les oiseaux de la maison Klein, je peux vous assurer que vous avez manqué quelque chose. Maison lapidaire de renommée internationale, leurs sculptures passent assez régulièrement dans les ventes aux enchères et c’est à chaque fois la même émotion et le même ravissement quand on a la chance de les admirer. Ces oiseaux issues d’une collaboration avec la maison horlogère Vacheron-Constantin ne font donc pas exception. Réalisés dans les années 80, ils sont taillés dans un quartz améthyste. Les becs sont en corail, une matière très appréciée de ce lapidaire qui nous a quitté en 2018. Allez les admirer si vous êtes à Paris en ce moment, vous ne le regretterez pas tant les réalisations sont remarquablement exécutées et réalistes. Et si vous le pouvez, adoptez-les. Ils n’ont pas besoin de chanter pour faire battre votre coeur.
Lot 127 : Boutons de manchettes Cartier en or. Estimation entre 1500 et 2500 euros. Photo : Aguttes
Cette paire de boutons de manchette de la maison Cartier est symptomatique d’une époque où les ordinateurs et internet ont tout bousculé ! Si la maison Aguttes proposent les exemplaires Ctr et Alt, il existe aussi Shift et Esc dont tous les utilisateurs de claviers connaissent les multiples combinaisons utiles pour, entre autres, quitter un logiciel qui « ne réponds plus »… L’arrière des boutons est assez rigolos également car ils figurent habituellement une puce de carte téléphonique. Tout une époque avec ces années 90 dans lesquelles j’ai grandi. Très rares sur le marché, ils séduiront – je l’espère – le fou de circuits imprimés ou l’amoureux d’un certain Internet Explorer. Lycos, Yahoo, le modem qui faisait un bruit infernal pour se connecter, les CD avec 20h d’accès à internet dans le mois, c’est toutes ces années un peu dingues que racontent ces bijoux. Une époque aujourd’hui révolue mais Ô combien attachante pour ceux qui l’ont vécu alors jeune adulte… Et en y réfléchissant, je me verrai bien les porter!
Lot 135 : Broche trembleuse « GAILLARDIA », signée de Gianmaria Buccellati. Estimation entre 6000 et 8000 euros. Photo : Aguttes
Peu de maisons de joaillerie peuvent se targuer d’avoir un style reconnaissable entre mille depuis leur création. Mais pour la maison Buccellati, la question ne se pose même pas et, d’ailleurs, si vous ne la connaissez pas très bien et que vous voulez en apprendre plus, un très beau livre que je vous recommande vous y aidera. La prochaine vente Aguttes présentera cette broche en or et diamants signée de Gianmaria Buccellati. Tout, ici, la désigne de cette maison : la gravure bien sûr mais également l’or ciselé et texturé sur les pistils centraux. Avec ses 6cm de diamètre, cette pièce est suffisament imposante pour se suffir à elle-même. C’est aussi ça un bijou Buccellati, une identité bien particulière et un caractère assumé. Et dans un monde d’uniformisation permanente, c’est nécessaire de sortir du cadre.
A bientôt !